Mémoires d’un valet de pied – William Makepeace Thackeray

Titre original : The Yellowplush Correspondance
Traduction : William L. Hughes (revue et annotée par Paul Choleau)
Petite bibliothèque, Editions Ombres, 1838 (2007), 173 pages

 
Les premières phrases :

Les mémoires sont à la mode. Pourquoi donc n’écrirais-je pas les miens ? Je possède toutes les qualités requises pour réussir dans ce genre de littérature : une haute opinion de mon propre mérite et une bonne envie de médire du prochain.

 

L’histoire :
Charles James Harrington Fitzroy Yellowplush embrasse très jeune la carrière de valet de pied. Après avoir vécu quelques expériences cocasses en compagnie de ses deux premiers maîtres, il entre au service de l’honorable Algernon Percy Deuceace, un jeune escroc aristocrate désargenté qui n’hésite pas à user de douteux stratagèmes pour ruiner au jeu son malheureux voisin Dawkins. Criblé de dettes, Deuceace se réfugie outre-Manche pour échapper à ses créanciers, et finit par échouer à Paris, où il ne tarde pas à faire la connaissance de Lady Griffin et de sa belle-fille, auxquelles semble promis un bel héritage. Une aubaine pour notre cher Algernon, qui voit là l’occasion d’asseoir durablement sa fortune !

 

L’opinion de Miss Léo :

 

William Makepeace Thackeray fait partie de ces auteurs victoriens incontournables dont je continuais  cependant à repousser indéfiniment la lecture, découragée par les dimensions gargantuesques de ce pavé qu’est Vanity Fair. Et puis vint le billet de Titine, qui fit il y a un peu plus d’un an l’éloge d’un court roman dont je n’avais jamais entendu parler, mais qui possédait à mes yeux un atout de taille, à savoir un nombre de pages inférieur à deux cents. Et hop, dans ma PAL ! Douze mois ont passé avant que je ne me décide enfin à lire ces fameux Mémoires d’un valet de pied, que Thackeray écrivit à vingt-six ans, soit dans la première année du règne de notre amie Victoria.
 

William Thackeray (1811-1863)
Source : Wikipédia

 
L’auteur britannique livre une critique acerbe de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie anglaises, qui apparaissent ici sous un jour peu reluisant. Le roman est assez misogyne (les dames de la haute société sont pleurnichardes et/ou naïves et/ou superficielles et/ou autoritaires), mais les personnages masculins, qui sont au coeur de l’intrigue, en prennent également pour leur grade, y compris le valet narrateur, qui passe l’essentiel de son service à espionner et à écouter aux portes. Les différents protagonistes mâles rivalisent de cynisme et de mauvaise foi, et se montrent volontiers impitoyables et manipulateurs pour arriver à leurs fins. Tous les moyens sont bons pour gagner de l’argent aux dépens d’autrui, et la cupidité de ces nantis semble sans limite, plus particulièrement lorsque ceux-ci se retrouvent confrontés à des revers de fortune bien mérités.
 
Charles James Harrington Fitzroy Yellowplush est le témoin amusé de ces comportements pervers, qu’il relate avec humour et légèreté. Le roman est très drôle, et réserve quelques bonnes surprises. Très moderne dans la forme, il bénéficie de la plume acerbe et satirique d’un auteur plein de verve, qui s’en donne ici à coeur joie, et fustige allègrement le ridicule et l’hypocrisie de ces pitoyables filous. J’ai beaucoup aimé le style, ainsi que la réjouissante immoralité de l’intrigue, simple et sans prétention, qui permet à William Thackeray d’exprimer sa vision extrêmement pessimiste d’une société gâtée par le triomphe de la médiocrité vicelarde.

 

“Et qu’on me permette ici une réflexion philosophique, fruit de ma longue expérience. J’ai remarqué que, pour peu qu’on réussisse à irriter outre mesure un habile fripon, il reste fripon ; mais adieu son habileté !” (page 121)

 

La version originale semble aller encore plus loin dans la caricature, puisque Thackeray fait s’exprimer son valet dans une orthographe phonétique plus qu’approximative. Cet effet stylistique n’a malheureusement pas pu être conservé dans la traduction (ce qui est probablement une bonne chose, car j’ose à peine imaginer l’ampleur du massacre). J’ai en revanche apprécié les nombreuses notes explicatives regroupées en fin d’ouvrage, qui apportent quelques éclaircissements non dénués d’intérêt.

 

Vous l’aurez compris, il s’agit de mon point de vue d’une lecture très agréable, qui constitue une excellente entrée en matière pour qui souhaiterait découvrir l’oeuvre du romancier victorien. Vanity Fair m’attend bien sagement sur ma liseuse. Y a plus qu’à !
 
Un roman drôle et cynique. A lire !
 
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Première participation à la nouvelle édition du Challenge Victorien d’Arieste, qui compte aussi pour le Mois Anglais de Lady Lou et Dame Titine. J’incris également cette lecture à mon Tour du Monde 2013, dans le cadre du challenge Myself organisé par Romanza, ainsi qu’au challenge Thursday Next de Mlle Alice.
 

 

28 thoughts on “Mémoires d’un valet de pied – William Makepeace Thackeray

  1. J'avais lu ce court livre à défaut de me plonger dans "Vanity fair" ! Et, comme tu le sais, j'avais beaucoup aimé l'immoralité de cette histoire. Je vais te faire une proposition, que dirais-tu de faire une LC de "Vanity fair" ? Mais nous pouvons réfléchir pour la date et la fixer à une date lointaine. Je me dis qu'une une LC nous obligerait à nous mettre car tout le monde me dit que c'est un chef-d'oeuvre.

    1. Exactement ! J'ai prévu de lire Vanity Fair à l'automne avec Titine (probablement en novembre). N'hésite pas à nous rejoindre si le coeur t'en dit.

  2. Ca me semble être un bon compromis entre lire un pavé comme "Vanity Fair" (qu'il me tarde tout de même de lire vu sa réputation) et ne rien lire du tout de Thackeray. Je le note dans ma PAL, ça a l'air d'être une lecture très réjouissante.

  3. Ses gros romans me font un peu peur, ça pourrait en effet être une bonne façon de le connaître un peu mieux… mais peut-être en anglais vu ce que tu dis.

  4. Vanity Fair a été pou rmoi un régal (qu'il faut d'ailleurs que je relise, idéalement en VO). Je note celui-ci… et en anglais pour voir l'orthographe fantaisiste!

  5. Vanity Fair me fait un peu peur moi aussi… J'avais commencé à le lire (jusqu'à 300 pages je crois) mais à cause de lectures "obligées) pour les cours, j'avais dû l'arrêter mais ça me plaisait beaucoup !
    Seulement, je me rend compte que les livres de plus de 500 pages ont tendance à me freiner.

  6. Ton billet me rappelle qu'il faut que je me remette à Thackeray. Vous allez vous régaler avec Titine en lisant "Vanity Fair", c'est l'un de mes romans victoriens préférés.

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