Les mécanos de Vénus – Joe R. Lansdale

Titre original : Savage Season
Traduction (américain) : Bernard Blanc
Denoël, Collection Sueurs Froides, 1990/2014, 237 pages

 
La première phrase :

L’après-midi où tout commença, j’étais avec mon pote Leonard Pine dans le grand champ derrière chez moi. J’avais mon calibre 12 et lui, il lançait des pigeons d’argile.

 

L’histoire :
Texas, années 80. Hap Collins est blanc, hétéro, et a purgé une peine de prison de dix-huit mois pour avoir refusé de combattre au Vietnam. Son pote Leonard Pine est noir, gay et vétéran de guerre. Entre l’ancien rêveur utopiste et le dur à cuire amateur d’arts martiaux s’est développée une solide amitié, née dans les champs de roses du Texas, où les deux compères travaillent comme ouvriers agricoles. Tous deux vivotent tranquillement, jusqu’au jour où la vénéneuse (et aguicheuse) Trudy se présente à eux avec une alléchante proposition. Hap semble avoir bien du mal à résister aux charmes de son ex-femme, qui le convainc de se lancer à ses côtés dans une chasse au trésor des plus hasardeuses, avec la promesse d’une grosse somme d’argent à la clé.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Les mécanos de Vénus est la première édition française de Savage Season, publié en anglais en 1990. On se demande bien pourquoi il n’avait encore jamais été traduit en français, sachant qu’il s’agit du premier tome d’une longue série, dont les volumes suivants sont tous parus chez Folio Policier au cours de la dernière décennie. Etrange… Je l’avais pour ma part repéré (et noté) il y a presque deux ans, suite au billet élogieux de notre amie Keisha. Je voulais me l’acheter en anglais, mais voyez-vous, je suis faible, et je n’ai pas pu résister au chant des sirènes (les éditions Denoël, NDLA), qui se proposaient de m’en faire parvenir un exemplaire gratuit en français. Tant pis pour la VO !

 

J’ai donc fait la connaissance de Hap et Leonard, personnages hauts en couleur et ô combien attachants, que j’ai pris plaisir à suivre tout au long d’une intrigue âpre et rocambolesque à souhait. Joe R. Lansdale signe un roman éminemment sympathique, au style cru et plein d’humour, porté par une narration dynamique à la première personne. Les dialogues ne font pas dans la dentelle, pour notre plus grand bonheur : chaque page nous apporte son lot de répliques cinglantes, et les échanges entre les deux principaux protagonistes valent leur pesant de cacahuètes. Les deux compères ont de la répartie, et usent d’un langage fleuri, ponctué de métaphores inattendues. Leur amitié virile constitue sans nul doute l’un des atouts du roman.
 
“Léonard s’équipa aussi, sautilla sur place, puis se mit en garde et se dirigea vers moi.
– Tu vas souffrir, tronche de craie.
– J’espère que tu connais une maison de repos pour les négros invalides, parce que tu en auras besoin.
– Tu me traites, là ? Et des insultes racistes, en plus !
– Je dis juste ce que je vois.
– D’ici une minute, tu ne verras plus rien du tout.” (page 37)
 
(Les mêmes dialogues en anglais doivent être particulièrement jouissifs !)
 
Hap et Leonard se retrouvent embrigadés malgré eux dans une histoire qui les dépasse, aux côtés de truands colériques et d’anciens activistes minables. Le scénario est extrêmement bien ficelé, et réserve quelques rebondissements inattendus, sans que l’intrigue ne connaisse le moindre temps mort. Les personnages secondaires sont quant à eux très travaillés, qu’il s’agisse de la redoutable Trudy, opportuniste et manipulatrice, ou de ses acolytes ringards Howard, Chub et Paco, qui révéleront peu à peu leur caractère et leurs motivations. Tout ce petit monde évolue dans un univers glauque et inévitablement violent : la question n’est pas de savoir si la chasse au trésor va dégénérer, mais plutôt de découvrir quand et comment. Qui va trahir, qui va mourir, qui empochera le magot ? Autant de questions qui trouveront leur réponse dans les derniers chapitres d’un roman loufoque et décalé, dont le ton n’est pas sans rappeler celui des films des frères Coen, auxquels j’ai souvent pensé tout au long de ma lecture.
 
Les mécanos de Vénus joue également sur la fibre nostalgique (voir la couverture, très flower-power). A la flamme et au vent de liberté des années soixante succède en effet le désenchantement des seventies et des eighties. Autre époque, autres moeurs ! Les utopistes d’hier se sont mués en terroristes oeuvrant pour des causes dérisoires et/ou profondément égoïstes. Lansdale est également un observateur avisé, et son roman se pique de quelques réflexions bien senties.
 
J’ai pris un immense plaisir à découvrir ce premier tome, que je regrette toutefois d’avoir lu en VF. La traduction n’est pas mauvaise, loin s’en faut, mais je suis persuadée que l’expérience aurait été encore plus intense avec la version originale. Je lirai sans nul doute la suite de cette réjouissante série en anglais, et j’ai d’ores et déjà hâte de retrouver Hap et Leonard dans leurs prochaines aventures. Pour info, voici les autres titres dans l’ordre chronologique :

 

  1. Les mécanos de Vénus (Savage Season, 1990), Denoël, 2014
  2. L’arbre à bouteilles (Mucho Mojo, 1994), Gallimard, 2000
  3. Le Mambo des deux ours (Two-Bear Mambo, 1995), Gallimard, 2000
  4. Bad Chili (Bad Chili, 1997), Gallimard, 2002
  5. Tape-cul (Rumble Tumble, 1998), Gallimard, 2004
  6. Veil’s Visit (1999)
  7. Tsunami mexicain (Captains Outrageous, 2001), Gallimard, 2007
  8. Vanilla Ride (Vanilla Ride, 2009), Gallimard, 2012
  9. Diable Rouge (Devil Red, 2011), Denoël, 2013
 
Un excellent polar, violent, truculent, loufoque et décalé. A lire !
 
Merci à Dana Burlac, des éditions Denoël.

 

11 thoughts on “Les mécanos de Vénus – Joe R. Lansdale

  1. On m'a passé les 2 et 3 en VO et je possède le 8 en français. c'est pas pareil en VF, c'est sûr…(si tu connaissais mon vocabulaire en anglais, grâce à eux, wouach!)

    1. Non, Keisha, ne pleure pas ! 😉 Ils ne me connaissent que depuis deux mois, et c'est le premier livre que j'ai reçu de leur part. Plutôt pas mal pour un début !

  2. Ah! une de mes séries préférées. Je me suis demandé aussi pourquoi ils n'avaient pas jusqu'alors traduit le premier. Peut-être parce que la série décolle vraiment avec le deuxième? Pourtant, ce premier tome est bien intéressant, je partage ton avis!

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