Carnets d’Orient (T.1) – Jacques Ferrandez

Casterman, Collection Studio (à suivre), 1987

 
L’histoire :

Alger, le 24 mai 1836. Joseph Constant, jeune dessinateur français, débarque dans le port d’Al-Djezaïr, où il est accueilli par son ami Mario Puzzo, qui l’initie aux coutumes locales. Constant ne sait rien de l’Algérie, en dehors des clichés racistes véhiculés par les colonisateurs. Il découvre pourtant une culture envoûtante, et s’éprend de Djemilah, jeune algérienne d’une grande beauté, aperçue pour la première fois dans le harem du chaouch Omar ben Kada. Ce dernier éloigne la jeune femme, qu’il envoie dans sa maison de Constantine. Désespéré, Joseph Constant accepte alors d’accompagner les troupes françaises, qui préparent justement une expédition contre la ville de Constantine

 



 
L’opinion de Miss Léo :
 

J’ai beaucoup aimé cet album, qui retranscrit avec finesse et intelligence des événements relativement méconnus (du moins pour la pauvre ignorante que je suis). Carnets d’Orient inaugure une série en dix volumes, contant l’histoire de l’Algérie de sa colonisation à son indépendance. Ce premier tome démarre six ans après l’arrivée des français sur une terre gouvernée depuis trois siècles par l’Empire Ottoman. Le récit évoque la situation politique complexe d’un pays en proie à une véritable guerre sainte, menée par l’émir Abd-el-Kader contre les troupes du général Bugeaud, qui cherche à soumettre les arabes pour asseoir durablement la suprématie française. Joseph Constant ne peut que constater avec amertume les dégâts causés par ce conflit absurde. Le jeune dessinateur retranscrit son expérience sous forme de textes et de croquis dans ses carnets de voyage, et évoque son ressenti personnel. Il apprend l’arabe par amour pour Djemilah, devenant peu à peu plus oriental que les algériens eux-mêmes, et sera marqué à vie par cette aventure intense et colorée.

 

La reconstitution historique est soignée, et les (très beaux) dessins allient exotisme et authenticité, avec un souci constant du détail. Le lecteur est convié à un voyage qui le mènera de la Casbah d’Alger à la région de Mascara, en passant par la ville de Constantine, située sur un plateau rocheux. Nous suivons pendant quelques pages la très hétéroclite armée française, et découvrons en même temps que Joseph Constant la violence des combats, au cours d’une campagne rendue particulièrement difficile par la rigueur du climat. Le froid et la neige font des ravages parmi les soldats, déjà affaiblis par la maladie et les privations.

 

 

Carnets d’Orient est aussi un récit initiatique, qui voit son personnage principal évoluer radicalement entre la première et la dernière page. D’abord sceptique et ignorant, il succombe peu à peu aux charmes d’un pays et d’un peuple qui lui deviendront plus chers que sa propre patrie. Il côtoie les dirigeants des deux camps, occupant même la fonction d’interprète auprès de l’émir Abd-el-Kader. Joseph Constant souhaiterait que les deux factions puissent trouver un accord pacifique, et régler leurs différends autrement que par le sang et la violence. Cette prise de position lui vaudra évidemment quelques déboires…

 

Un petit mot de l’auteur pour terminer. Mon cher F. a eu l’occasion de rencontrer Jacques Ferrandez il y a quelques années, et il a été très impressionné par le personnage. Dense et intense, ce dernier lui a semblé plus proche du grand reporter que de l’auteur de bande-dessinée. Ce n’est pas vraiment une surprise, dans la mesure où nombre de ses albums reprennent le thème du “carnet de voyage”, offrant un témoignage sur des pays comme le Liban, la Syrie, l’Irak ou encore la Bosnie

 

Une BD intelligente et dépaysante, au graphisme séduisant. A découvrir !

 

6 thoughts on “Carnets d’Orient (T.1) – Jacques Ferrandez

    1. J'ai fait "réapparaître" ton commentaire ! J'avoue que j'ai longtemps hésité avant d'emprunter cette BD, que m'a belle-mère m'avait pourtant conseillée il y a des mois. Comme toi, j'étais un peu effrayée par le sujet, auquel je ne connais vraiment pas grand chose.

  1. Encore une BD en commun ! 😉
    Je n'ai pas lu les premiers tomes : j'ai acheté un recueil qui rassemble les carnets concernant la période 1954-1962… (à partir du sixième carnet) sans savoir qu'il y avait d'autres tomes avant. C'est un peu dommage peut être, mais cela ne m'a pas empêché de dévorer cette BD.
    En tout cas, j'ai apprécié cette BD pour la qualité du graphisme et pour les différents éclairages sur cette période de l'histoire de nos deux pays sur lesquels les programmes d'histoire s'étendent bien peu… et c'est donc avec beaucoup de plaisir que je vais m'attaquer aux premiers tomes de cette série, que tu nous conseilles.
    Je pense que ses "voyages d'Orient" devraient également m'intéresser… Les as-tu lus ? En as-tu un à me conseiller ?

    1. Désolée, mais je n'ai pas encore lu ses autres albums ! Cela fait longtemps que je tournais autour de celui-ci, qui m'avait été conseillé par ma belle-mère. Je sais qu'elle en a lu (et apprécié) d'autres, mais je ne sais plus lesquels.

    1. Je viens de vérifier : il est parti dans les spams (c'est bizarre, j'avais pourtant été avertie par mail de l'arrivée de ton commentaire, auquel je comptais répondre aujourd'hui).

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