Titre original : Company of Liars
Traduction : Fabrice Pointeau
Pocket, Editions Sonatine, 2010, 665 pages
Les premières phrases :
“C’est donc entendu, nous l’enterrerons vivante avec la bride de fer. Ca lui fera tenir sa langue.” L’aubergiste croisa les bras, soulagés qu’ils soient au moins parvenus à s’entendre sur cela.
L’histoire :
Le sud de l’Angleterre, 1348. Alors que la peste fait rage et gagne chaque jour du terrain, neuf personnes de tous âges et d’origines diverses, que le hasard a fait se rencontrer sur la pluvieuse route de l’exode, décident d’unir leurs forces et leurs maigres ressources, espérant rejoindre rapidement le nord du pays. Alliés de circonstance, ils doivent lutter contre la faim et le froid, mais aussi contre leurs propres démons, lesquels semblent bien décidés à ralentir la progression du petit groupe hétéroclite, confronté à une succession d’événements inquiétants. Au cours de ce long périple seront peu à peu dévoilés les secrets de chacun, tandis que des forces maléfiques rôdent dans le sillage de la Compagnie. Et si la Mort était au bout du chemin ?
Karen Maitland |
L’opinion de Miss Léo :
Voici un roman qui a semble-t-il beaucoup fait parler de lui au moment de sa sortie il y a deux ans, mais dont je n’avais curieusement jamais entendu le titre avant de le voir exposé sur un rayonnage au cours de l’une de mes trop nombreuses visites estivales en librairie. Le Moyen-Age, la peste, un meurtre inexpliqué… Comment résister ?? Et hop, un livre de plus dans ma PAL hypertrophiée.
Le point fort du livre réside indéniablement dans la qualité de la reconstitution historique. Karen Maitland nous convie à un fascinant périple, qui nous mène des environs de Bristol jusqu’aux marécages de l’estuaire de Norfolk, dans un Moyen-Age sombre et tourmenté. Il se dégage de ce roman (très) noir une ambiance particulièrement oppressante, à l’image de la pluie, qui semble ne jamais devoir cesser de tomber sur une Angleterre décidément bien mal en point. L’interminable errance des membres de la Compagnie nous donne un aperçu de ce qu’était la vie en ces temps obscurs. Sont notamment évoqués la saleté et la famine, les moyens de transport (très rudimentaires), la lèpre, mais aussi les divertissements (foires, marchés, jeux d’enfants), ou encore les différentes professions accessibles à tout un chacun. Nous faisons ainsi la connaissance d’un escroc camelot vendeur de reliques, d’un ménestrel, d’un escroc bonimenteur et magicien, courant les foires dans l’espoir de soutirer quelque menue monnaie aux esprits crédules, d’une sage-femme spécialisée dans les plantes médicinales, ou encore d’un jeune restaurateur de fresques religieuses. L’auteur ne nous épargne pas quelques scènes assez dures, telle la description du difficile accouchement d’Adela, raconté avec moult détails sanguinolents (âmes sensibles, s’abstenir). Tout cela paraît assez réaliste, bien que je ne possède pas suffisamment de connaissances sur cette période pour pouvoir juger de la pertinence de la reconstitution.
La Compagnie des Menteurs est aussi un roman sur le poids des croyances et des superstitions, un aspect que j’ai ma foi trouvé fort intéressant. La pestilence est vécue comme une punition divine, dont l’origine est imputée aux Juifs (déjà !) et aux parias. La population met en place nombre de sacrifices et de rituels destinés à lutter contre le fléau, ce qui nous vaut quelques passages très étranges, comme ce mariage d’infirmes organisé dans l’un des villages traversés par la Compagnie. Les “sorcières” sont quant à elles brûlées vives, ce qui empêche leur esprit maléfique de revenir tourmenter les vivants.
Les membres de la Compagnie, qui semblent tous avoir commis quelque péché inavouable (d’où le titre), se montrent également très impressionnables, voire superstitieux, et croient sans nul doute en l’existence de phénomènes surnaturels ou divins. Le magicien Zophiel est pris de frayeur lorsque retentit le hurlement du loup… Le jeune conteur Cygnus se targue quant à lui de posséder une aile de cygne… Chacun y va de sa petite histoire, et il devient difficile de démêler le vrai du faux, la légende de la réalité. Le petit côté “fantastique” de l’intrigue est renforcé par la présence inquiétante de Narigorm, une bien étrange enfant aux cheveux blancs comme la neige, dont la principale occupation est de lire l’avenir dans les runes. Ses intentions sont constamment remises en question par Camelot, narrateur éclairé de ce récit décidément étonnant, qui met en scène une belle galerie de personnages atypiques, au comportement et aux propos parfois “choquants” pour l’époque ! Une Compagnie de menteurs que l’on a plaisir à suivre et à découvrir, au fur et à mesure que tombent les masques et que sont révélés les secrets de chacun.
Je qualifierais donc ce roman de lecture prenante, apparemment bien documentée, mais, car il y a un mais, je suis cependant restée légèrement sur ma faim. L’intrigue est finalement assez prévisible dans sa résolution, malgré de nombreux coups de théâtre plutôt bien orchestrés, et les révélations finales sont relativement décevantes. La quatrième de couverture est quant à elle honteusement trompeuse, le “meurtre” annoncé ne survenant qu’après plus de la moitié du livre (là n’est d’ailleurs pas le principal intérêt de l’intrigue) ! Pour finir, le procédé consistant à faire raconter à chaque personnage son histoire sous forme de conte fantaisiste et poétique devient vite un peu lassant, et je reconnais avoir lu en diagonale le récit de certains protagonistes.
Reste malgré tout une histoire bien ficelée, dans un cadre historique soigné, et je pense que je me laisserai tenter par Les âges sombres, deuxième roman de l’auteur édité en France.
Un roman intéressant et très prenant, qui ne m’a cependant pas entièrement convaincue en tant que thriller.
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Un roman qui parle de loups, de forêts maléfiques et de sorcières, que j’inclus donc au Challenge Halloween organisé par Lou et Hilde.
Il me tente plus pour l'aspect historique que pour l'aspect thriller. D'ailleurs bien souvent les thrillers médiévaux sont très décevants tout bêtement car il est très difficile d'appliquer les codes de ce genre à cette période sans la dénaturer.
Tu as bien raison ! C'est d'ailleurs essentiellement pour l'aspect historique que je l'ai acheté. Je serais curieuse d'avoir ton avis…
Moi aussi c'est l'aspect historique qui m'intrigue et avec la couverture et le titre je n'aurais jamais remarqué ce roman… je note malgré tes réticences et essaierai de le feuilleter pour voir s'il peut me plaire 🙂 Merci pour cette participation halloweenienne…
je pensais que c'était un roman historique et non un policier, dommage que l'intrigue soit prévisible, ça gâche tout ! Difficile de trouver de bons thrillers ayant pour cadre cette époque, à part Frère Cadfael…
Les éditeurs l'ont vendu comme un thriller, mais ce n'est selon moi pas le principal atout de ce roman. Enfin bon, l'intrigue n'est pas nulle non plus, hein !
J'aime aussi beaucoup Frère Cadfaël, dans un genre complètement différent.
Malgré ton avis en demi-teinte, je suis très tentée par ce livre! Ce que tu dis de la description d'époque suffit à me donner envie, et tant pis pour le scénario prévisible 😉 Merci pour cette découverte!
L'ambiance est très réussie, et ce livre mérite d'être lu. Ravie de t'avoir donné envie.
il me semble avoir déjà entendu parler de ce livre en bien, donc je retiens ce livre 🙂
C'est un bon roman, malgré mes quelques réticences.
Rien à voir, mais je suis (enfin) en train de lire La Cité des Jarres (mieux vaux tard que jamais). Si tu veux, nous pouvons prévoir un billet commun. Le 22 novembre ?