Editions Buchet-Chastel, 2019, 359 pages
La première phrase :
L’opinion de Miss Léo :
J’attendais le nouvel opus avec une impatience avide, néanmoins tempérée par une once de scepticisme sournois, car j’avais trouvé Le grand n’importe quoi plus poussif, plus décousu et finalement moins convaincant que les précédents (c’était le premier livre que je lisais après mon accouchement, ceci explique peut-être cela). Rien n’est jamais acquis en littérature, et je ne demandais qu’à être de nouveau séduite, persuadée que l’auteur redresserait la barre dans le but de me reconquérir.
Et donc…
Pari gagné !
De la bien belle ouvrage que cet homme-homard…
Les ingrédients d’un roman savoureux :
(en vrac et en style télégraphique)
(oui, je sais, il y a comme qui dirait du laisser-aller…)
Un style d’écriture qui me parle, auquel je m’identifie aisément. / Le roman est drôle, très drôle, et je me suis bien poilée (rien de tel qu’une bonne tranche de rigolade par les temps qui courent). / Ffffffffffffffchiéééééééééé !!! (private joke) / J.M. Erre nous offre un concentré d’’humour noir et de politiquement incorrect comme je les aime (un pur bonheur). / Julie de Creyssels, la narratrice, est muette, tétraplégique et se qualifie volontiers de « mollusque en fauteuil roulant » (le personnage est très attachant, et apporte un supplément d’âme au roman). / Le récit, malicieux et truffé de références, est rythmé et sans temps mort. / L’intrigue (plutôt bien ficelée) joue avec les codes et les clichés du genre. / On est ici dans une parodie (réussie) de roman policier, entre whodunit et thriller avec serial-killer. / J’ai savouré les références à Freaks (le meilleur film de tous les temps). / J’ai appris des mots (oui, j’ai cherché épectase dans le dictionnaire). / Derrière l’humour potache transparaît une pointe de satire sociale : l’auteur fustige en les amplifiant certains travers de nos concitoyens (attention, il ne s’agit pas pour autant d’un essai philosophique).
J’arrête là, ou je continue ??
J’accompagne Pascalini dans son enquête de voisinage, qui se révèle vite laborieuse. Les voisins de Joseph prennent leur temps pour expliquer en long et en large qu’ils n’ont rien vu, rien entendu, histoire de confirmer que le Margoujolais appartient bien à l’espèce du taiseux bavard. Difficile d’animer un récit policier avec une séquence aussi creuse. Je pourrais forcer le trait dans le registre de l’indigène haut en couleur obligeant l’adjudant à ingurgiter divers apéritifs locaux, mais il me faut manier le grotesque villageois avec précaution si je ne veux pas être accusée de racisme rural. En plus, mon gendarme ne boit pas pendant le service. Qu’est-ce que vous voulez faire avec un fonctionnaire pareil ?
Puisqu’il faut bien relever les (rares) points négatifs, je me contenterai de souligner que l’humour potache et sophistiqué de monsieur Erre ne plaira peut-être pas à tout le monde. On est parfaitement en droit de trouver ça lourd et vain ! Pour chipoter un peu, j’ajouterai que j’ai relevé quelques erreurs. Par exemple, Carrie Mathison est agent de la CIA, pas du FBI ; et le terme paraplégique est employé au moins une fois à la place de tétraplégique (ouh, la honte !). Pour finir, j’ai trouvé la résolution un poil trop rapide, mais c’est sûrement parce que je n’avais pas envie de quitter ce roman-cocon, dans lequel je me sentais si bien.
Merci J.M. Erre, et rendez-vous dans deux ou trois ans pour le prochain !
Du grand J.M. Erre, loufoque et désopilant à souhait.
À lire absolument !
Une lecture que j’avais trouvé jubilatoire.
Eh oui, c’est l’effet J.M. Erre !
Je n’ai lu qu’un seul livre de lui, j’avais beaucoup aimé d’ailleurs. Depuis, un autre m’attend quelque part coincé entre deux autres livres sur une étagère.
Si tu en as aimé un, tu ne devrais pas être déçue par les autres !
J’avais aimé Série Z mais je j’ai abandonné deux de ses romans ( = prenez soin du chien et le mystère Sherlock). Je trouve toujours exactement les mêmes procédés dans son écriture d’un livre à l’autre. Je fais hélas partie des gens qui trouvent son humour trop lourd… Ca ne m’empêchera pas un jour de remettre le nez dans une de ses oeuvres.
Je te comprends ! C’est vrai que son humour et ses trames narratives sont un peu répétitives (mieux vaut laisser passer quelques années entre deux lectures, pour éviter de se lasser). Son précédent roman, “Le grand n’importe quoi”, m’avait laissée de marbre (je l’avais trouvé trop lourd, et un poil laborieux). Même pour une inconditionnelle comme moi, ça ne fonctionne pas à tous les coups !