Titre original : Farthing (Small Change 1)
Traduction (gallois) : Luc Carissimo
Denoël, Collection Lunes d’encre, 2006/2015, 352 pages
La première phrase :
Tout a commencé quand David est revenu du parc dans une fureur noire.
L’histoire :
(extrait de la quatrième de couverture)
Angleterre, 1949. Huit ans après que «la paix dans l’honneur» a été signée entre l’Angleterre et l’Allemagne, les membres du groupe de Farthing, à l’origine de l’éviction de Churchill et du traité qui a suivi, se réunissent au domaine Eversley pour le week-end. Bien qu’elle se soit mariée avec un Juif, ce qui lui vaut d’habitude d’être tenue à l’écart, Lucy Kahn, née Eversley, fait partie des invités. Les festivités sont vite interrompues par le meurtre de Sir James Thirkie, le principal artisan de la paix avec Adolf Hitler. Sur son cadavre a été laissée en évidence l’étoile jaune de David Kahn. […] Convaincue de l’innocence de son mari, Lucy trouvera un allié dans le policier chargé de l’enquête, Peter Antony Carmichael.
L’opinion de Miss Léo :
Saviez-vous que la juxtaposition d’une croix gammée et d’un manoir anglais sur la même couverture suffisait à me mettre dans un état d’excitation proche de l’hystérie ? Je ne suis probablement pas très équilibrée, mais le fait est que pareille illustration ne pouvait me laisser insensible, et c’est donc le coeur confiant (mais aussi vaguement inquiet) que j’entamai la lecture de ce texte, au cours d’un mémorable week-end en Normandie.
Le cercle de Farthing est le premier tome de la trilogie Small Change, qui révéla Jo Walton au lectorat britannique, il y a déjà presque dix ans de cela. Je suis très friande de ce type d’uchronie sur le mode “Et si…”, proposant une version alternative romancée de l’histoire de la Deuxième Guerre Mondiale (Philip K. Dick et Christopher Priest eux-mêmes s’y sont frottés, pour ne citer que deux noms parmi les plus prestigieux). Et si l’Angleterre avait accepté de négocier avec Rudolf Hess et Adolf Hitler ? Et si Churchill avait été démis de ses fonctions ? Et si le nouveau gouvernement tentait d’instaurer en Angleterre un régime totalitaire antisémite, au mépris de la liberté de citoyens ayant lutté corps et âme pour refouler la barbarie durant le Blitz ?
Le postulat de départ était très prometteur, mais ce premier volume peine à trouver son rythme, et il m’a fallu du temps pour accrocher au style de la romancière galloise, qui m’a semblé légèrement décousu, quoique très facile à lire. Le genre littéraire n’est pas clairement identifié : l’auteur brouille volontairement les pistes, ce qui peut nécessiter un temps d’adaptation supplémentaire pour le lecteur, lequel se retrouve plongé dans l’atmosphère feutrée d’un whodunit à l’anglaise, l’aspect uchronique se faisant dans un premier temps relativement discret. Jugez plutôt : un manoir anglais ; des domestiques dévoués ; un meurtre ; de nombreux suspects ; un policier appelé sur les lieux du crime. Agatha Christie, sors de ce corps ! L’enquête menée par l’inspecteur Carmichael, vingt-neuf ans, évacué avec le reste des troupes britanniques à Dunkerque avant de rejoindre les rangs de Scotland Yard, offre un habile contrepoint au témoignage de Lucy Kahn Eversley, rédigé à la première personne. La jeune femme fait partie des suspects, mais se démarque toutefois nettement des autres convives, dont elle ne partage pas les opinions politiques. Les relations qu’elle entretient avec sa propre famille sont pour le moins tendues depuis qu’elle a osé convoler en justes noces avec un Juif, ce qui n’est pas du goût de ses parents, membres actifs du groupe fascisant à l’origine de la signature du traité de paix avec Hitler, auquel appartenait également la victime. Elle doit également faire face aux préjugés et à l’insolence de certains domestiques, encore plus impitoyables que leurs maîtres.
Conspiration politique, ou simple règlement de compte familial ? Les premiers indices semblent accuser David Kahn, en qui tous s’accordent à voir le coupable idéal. Ce dernier supporte avec flegme et résignation l’antisémitisme de sa belle-famille, attendant que la vérité éclate au grand jour. Il devra compter pour cela sur les compétences et l’opiniâtreté du détective Peter Carmichael, qui prend très vite la mesure des implications politiques de ce meurtre lourd de conséquences. Carmichael est un personnage atypique et attachant (je crois d’ailleurs que c’est lui qui assure la continuité entre les différents tomes de la trilogie) : il se montre tolérant, ouvert à toutes les hypothèses, et effectue consciencieusement son travail d’enquêteur, tout en gardant un oeil inquiet sur la situation de son pays.J’ai beaucoup aimé l’évolution de l’intrigue, qui se bonifie au fil des chapitres. L’uchronie progresse subtilement, et prend un tour de plus en plus dramatique, le meurtre de James Thirkie n’étant que le point de départ d’une longue descente aux Enfers. Le cercle de Farthing raconte comment la Grande-Bretagne endeuillée se transforme peu à peu en dictature, marchant ainsi sur les traces du IIIème Reich, embourbé dans une guerre sans fin contre l’Union Soviétique. Le roman demeure toutefois centré exclusivement sur les personnages principaux, et l’on peut regretter que Jo Walton n’ait pas donné davantage de corps et de substance à l’univers dans lequel ils évoluent. J’ai également été agacée par le traitement réservé aux personnages féminins. La plupart d’entre elles sont antipathiques, superficielles et/ou bourrées de préjugés ; Lucy elle-même se montre très naïve, et n’échappe pas à certains clichés. On notera par ailleurs l’importance accordée aux relations extra-conjugales et/ou homosexuelles, qui semblent obséder la romancière (je n’ai jamais vu autant de personnages bisexuels dans un même roman).
Ces quelques détails mis à part, j’ai dans l’ensemble été plutôt convaincue par ce roman original, au dénouement satisfaisant, et je retrouverai avec plaisir Peter Carmichael dans les prochains tomes, en espérant que l’auteur ira encore plus loin dans la description de cette Angleterre alternative !
Un premier tome inégal, plus subtil qu’il n’y paraît au premier abord.
Roman chroniqué dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Denoël.
Roman chroniqué dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Denoël.
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Nouvelle participation au challenge Petit Bac d’Enna, catégorie Lieu (fictif).
Une trilogie? Ah là c'est compliqué s'il faut attendre la suite?
Mais comme tu aimes les uchronies, j'en ai une excellente à te proposer, dont la couverture te ravira!! (une croix gammée sur big ben!!)
http://enlisantenvoyageant.blogspot.fr/2011/01/le-faiseur-dhistoire.html
Je suis en pleine lecture de ce roman, j'ai un peu de mal, ça peine à se mettre en place.
Une trilogie et une uchronie, ça suffit à me faire fuir 😉
Tu as dû t'accrocher pour continuer ta lecture, non ?
Je lis ça bientôt. Les uchronies sur la Seconde Guerre mondiale ne se comptent plus : si l'auteur parvient à faire original, chapeau !