Ce roman a d’abord été publié sous le titre “The Winter Sea”.
eBook, Allison and Busby, 2008, 520 pages
Dunottar Castle (Copyright Miss Léo 2014) |
Autre atout : les dialogues (dans la partie contemporaine de l’intrigue). Le propriétaire du cottage que Carrie loue à Cruden Bay s’exprime dans un savoureux patois (je ne voudrais pas dire de bêtises, mais il s’agit probablement de gaélique), et Susanna Kearsley en joue avec humour et malice. Je me demande d’ailleurs ce que donnera la traduction française, qui ne parviendra sans doute pas à restituer les nuances de l’original, notamment lorsque l’auteur met l’accent sur la prononciation très particulière de certains mots. Je suis dubitative…
La partie historique du roman est intéressante, et a sans nul doute fait l’objet de recherches approfondies. Les aventures de Sophia se déroulent sur fond de tentative d’invasion, la famille royale écossaise exilée en France à St Germain en Laye poursuivant sans relâche la lutte contre les britanniques. Les tenants et aboutissants ainsi que les implications politiques et religieuses des révoltes jacobites sont clairement exposés, et la jeune héroïne pas si fictive que ça du roman de Carrie est amenée à côtoyer de nombreux personnages réels lors de son séjour au château de Slains, qui débute en 1707. Je ne connaissais pour ma part strictement rien au sujet, et ai donc trouvé là matière à satisfaire ma curiosité.
L’installation à Cruden Bay et le travail d’écrivain de Carrie constituent l’une des deux trames narratives de l’ouvrage ; la partie contemporaine est entrecoupée de chapitres entiers du roman en court d’écriture, ce qui nous permet de suivre en parallèle l’évolution des deux personnages féminins, l’alternance des deux intrigues permettant par ailleurs à l’auteur d’insuffler une pointe de mystère au récit, du moins dans la première partie. J’ai apprécié la personnalité de Carrie, une héroïne qui, contrairement à beaucoup de ses collègues, ne m’a pas agacée (le fait est suffisamment rare pour être signalé). Au contraire, je l’ai trouvée plutôt attachante, et j’ai pris beaucoup de plaisir à lire son histoire. Susanna Kearsley aborde à travers Carrie le thème de la création littéraire, et s’intéresse aux voies parfois mystérieuses de l’inspiration, qui surgit de façon inexplicable au moment où l’on s’y attend le moins. Sophia’s secret est quant à lui un roman à l’écriture sobre, délicate et subtile, qui s’attarde sur des détails atypiques et séduisants (on assiste par exemple à la première partie d’échecs de Sophia). La plume de l’auteur m’a beaucoup plu, et se démarque du style fade et mièvre de la plupart de ses consoeurs oeuvrant dans la romance.
Les points faibles
Beaucoup de qualités, donc, mais ce roman possède néanmoins un défaut de taille : l’intrigue se révèle en effet profondément ennuyeuse, et peine à maintenir l’intérêt du lecteur au delà des deux-cents premières pages (j’ai eu beaucoup de mal à en venir à bout, et j’ai dû le laisser momentanément de côté avant de pouvoir le reprendre et le terminer). Le “roman dans le roman” est à mon avis une fausse bonne idée, qui ne fonctionne pas du tout dans le cas qui nous occupe. Je me suis vite lassée de ces allers-retours présent/passé, le procédé tournant rapidement à vide, sans apporter de réelle valeur ajoutée au roman. Je me suis surprise à lire certaines pages de l’histoire de Sophia en diagonale, afin de revenir plus vite à celle de Carrie, interrompue de façon bien trop abrupte à mon goût…
J’ai de façon générale été déçue par l’absence de rebondissements dignes d’intérêt, mais j’ai surtout été gênée par cette invraisemblable histoire de soi-disant mémoire génétique, qui permet à Carrie de se souvenir d’événements vécus trois siècles auparavant par son aïeule ! Je n’ai pas du tout adhéré à ce postulat, qui m’a de toute façon semblé totalement sous-exploité, dans la mesure où ce lien temporel ne débouche sur rien de particulièrement marquant ou original quant au déroulement de l’intrigue.
Sophia et Carrie ont des personnalités attachantes et chaleureuses, comme d’ailleurs la plupart des personnages du récit, mais l’ensemble demeure terne et sans saveur, tout comme les histoires d’amour des deux héroïnes, décidément peu crédibles et trop vite survolées. Le roman sonne creux, pour une raison que je ne m’explique pas totalement. J’aurais en tout cas voulu l’aimer davantage, car je ressens pour Susanna Kearsley une sympathie instinctive, là encore sans aucune explication rationnelle.
Le dénouement m’a quant à lui semblé totalement tiré par les cheveux. Je n’ai pas compris le choix de Sophia (je ne veux pas spoiler, mais elle prend à un moment clé du récit une décision complètement aberrante, à laquelle je n’ai pas cru une seconde), et cette fin ratée est sans doute pour beaucoup dans ma déception. J’aurais probablement réévalué à la hausse l’ensemble du roman si l’issue en avait été plus satisfaisante ! Dommage…
La future couverture française (Editions Charleston, Mars 2015) |
A défaut de noter ce livre, je note Dunottar Castle. J'en ai un peu assez de cette mode qui mélange le passé et le présent, comme si une seule époque ne se suffisait plus en elle-même (ou alors c'est que les auteurs ne sont pas capables d'écrire un roman historique de qualité ^^)
Ca te va bien, la perruque violette !
Trop classe la perruque :-))