The disgrace of Kitty Grey – Mary Hooper

Bloomsbury, 2013, 289 pages

 
La première phrase :

Suddenly nervous about why the two young ladies had asked to meet me in secret, I hurried through the kitchens, went up the servants’ stairs and stood waiting in the hallway between the drawing room and the front parlour, just as Miss Sophia and Miss Alice had requested.

 

L’histoire :
1813. La jeune Kitty Grey coule des jours heureux dans la propriété campagnarde de la riche famille pour laquelle elle travaille en tant que domestique et fille de ferme. Son temps se partage agréablement entre l’entretien et la traite de ses vaches bien-aimées, les tâches quotidiennes à la laiterie et les promenades en compagnie de son ami Will, passeur sur la rivière du village. La disparition soudaine du jeune homme irrite et inquiète la douce et innocente Kitty, qui se retrouve alors avec la petite soeur orpheline de ce dernier sur les bras. La jeune vachère se voit néanmoins offrir une occasion inespérée de se rendre à Londres, afin d’y effectuer une course pour Miss Alice, l’une des filles de Lord Baysmith. Elle accepte sans hésiter, persuadée qu’elle y retrouvera Will, celui-ci ayant à de nombreuses reprises émis le souhait de se rendre dans la capitale pour y débuter une nouvelle vie. Commence alors un éprouvant périple, la naïveté de Kitty et sa méconnaissance des dures réalités de la vie citadine faisant d’elle et de la petite Betsy des proies idéales pour les escrocs et les malandrins de tout bord. 

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Chouette, un nouveau Mary Hooper ! J’avais tellement aimé Fallen Grace (devenu Waterloo Necropolis en version française) que je me suis lancée avec enthousiasme dans la lecture de ce dernier roman, dont le résumé me paraissait qui plus est tout à fait prometteur. Je lis peu de romans jeunesse, mais j’apprécie tout particulièrement le travail de Mary Hooper, dont le principal atout réside dans la mise en place et l’exploitation d’un contexte historique fouillé et rigoureux. Ce nouvel opus ne déroge pas à la règle, et le lecteur adulte goûtera une nouvelle fois le soin tout particulier apporté par la romancière à la reconstitution historique, qui sert de cadre à une intrigue plaisante et bien menée.
 
Recommandation préliminaire : ne vous fiez pas à l’illustration de couverture, qui peut prêter à confusion. The Disgrace of Kitty Grey n’a rien d’une bluette adolescente, et se concentre au contraire sur les (terribles) épreuves traversées par la jeune héroïne, qui se retrouve confrontée à bien des désillusions. Les aventures de Kitty Grey commencent à la campagne, dans le confort d’une paisible demeure aristocratique, où la jeune domestique mène une existence relativement protégée. Logée et (bien) nourrie, Kitty travaille dur pour ses maîtres, mais n’en conserve pas moins une certaine liberté de mouvement, qui lui permet de profiter pleinement de la vie au grand air. Cette relative sérénité vole en éclats le jour où la jeune vachère se rend à Londres, afin d’y acquérir un exemplaire de Pride and Prejudice pour Miss Baysmith (clin d’oeil aux janeites !) ; Kitty découvre une capitale sordide et totalement démesurée, dans l’air vicié de laquelle s’entassent les indigents, prêts à tous les sacrifices pour assurer leur survie au sein d’une faune urbaine violente et imprévisible.

 

Mary Hooper bâtit une intrigue convaincante, dont les développements sont prétexte à explorer quelques caractéristiques de la société anglaise de l’époque géorgienne, à travers le parcours initiatique et les pérégrinations d’une héroïne victime d’un enchaînement de circonstances qui la dépassent. L’écriture est fluide et légère, mais la romancière aborde des thèmes graves, sans jamais se départir de son habituelle sobriété. Son travail repose sur une solide documentation, et il est d’ailleurs appréciable que l’ouvrage se termine sur une bibliographie détaillée, accompagnée des commentaires éclairés de l’auteur, laquelle apporte quelques explications complémentaires sur les différents aspects historiques développés dans le roman. J’avais déjà quelques connaissances en la matière, et c’est donc avec grand plaisir que j’ai retrouvé la prison de Newgate et le tribunal de l’Old Bailey, qui servent de cadre à plusieurs scènes du roman. On en apprend également beaucoup sur la déportation en Australie (souvent proposée comme alternative à la peine de mort), ainsi que sur la conscription obligatoire, qui touchait de nombreux hommes jeunes et valides en ces années de guerres napoléoniennes. Plus original encore : l’évocation du travail dans les laiteries/crèmeries au XIXème siècle. Nombre de vaches, entretien, déroulement de la journée d’une vachère, fabrication du beurre, différences entre les étables de la campagne et celles (malsaines) des grandes villes… Kitty découvre avec horreur de malheureuses vaches enfermées dans le sous-sol (!) d’une maison londonienne, et ne peut que constater la piètre qualité du lait produit par ces dernières. La traite des bovins ne me passionne pas plus que ça, mais voilà typiquement le genre de sujets que la plume de Mary Hooper parvient à rendre intéressants !

 

Si j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, je dois toutefois nuancer mon propos, en apportant quelques bémols à ma critique jusque là dithyrambique. Les reproches sont grosso modo les mêmes que pour Waterloo Necropolis. On peut en effet regretter une résolution un peu “facile” de l’intrigue, qui se conclut sur un happy-end discutable, ainsi que quelques coïncidences peu crédibles, qui permettent à l’auteur d’emmener les personnages là où elle le souhaite, parfois au mépris de toute vraisemblance. J’ai parfois ressenti quelques faiblesses au niveau de l’intrigue (comme souvent en littérature jeunesse), mais cela ne m’a pas trop gênée, dans la mesure où le fond est irréprochable. Petit bémol également concernant le personnage principal : Kitty est une jeune femme sympathique et volontaire, mais son comportement m’a parfois semblé trop détaché, trop froid au regard de la violence des épreuves traversées. Cela se traduit par un manque d’émotion, qui risque de gêner certains lecteurs (je préfère toutefois cet excès de sobriété à l’abus de pathos larmoyant de certains romans).Ces quelques réserves ne doivent cependant pas faire oublier l’essentiel : Mary Hooper signe un roman intelligent et délicat, basé sur un solide arrière-plan historique, qui réjouira aussi bien les jeunes lecteurs (douze ans et plus) que leurs aînés trentenaires, quadragénaires etc.. Je le recommande tout particulièrement aux anglophiles (évidemment) !
 
Je prévois de lire très prochainement Newes of the Dead, qui semble lui aussi très prometteur.

 

Un excellent roman jeunesse, et une lecture hautement recommandable.

 

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Nouvelle participation au Mois Anglais, organisé par Lou, Cryssilda et Titine.

 

12 thoughts on “The disgrace of Kitty Grey – Mary Hooper

  1. J'avais eu le même type de réserve sur Velvet : une intrigue un peu faible, une résolution trop facile et trop optimiste. Mais je me dis que c'est une bonne lecture pour les jeunes lecteurs, je suis peut-être un peu trop blasée! En tout cas je n'ai pas eu envie d'en lire d'autre de l'auteure.

    1. Il semblerait donc que ces défauts soient une constante de l'oeuvre de cet auteur. Peu importe !
      Rien à voir, mais j'ai lu récemment "Monsieur le Commandant", que j'ai trouvé formidable. J'espère pouvoir bientôt publier mon billet.

  2. Malgré les légers bémols ton billet donne très envie de découvrir ce roman. Je dois encore lire "Waterloo Necropolis" mais ensuite je me tournerai vers celui-ci. Je n'étais pas sûre d'être tentée par le thème, du moins il ne me tentait pas autant mais après t'avoir lue je reviens sur ma décision : je le lirai, c'est certain !

  3. je n'en ai pas encore lu un seul mais c'est un auteur jeunesse de qualité à ce que je lis ! J'ai hâte de découvrir ses intrigues malgré tes réserves…

  4. Tu retrouveras ces mêmes bémols dans "Velvet". Je les partage également mais je ne peux m'empêcher d'aimer quand même ces romans.
    La couverture anglaise est vraiment étonnante, elle ne correspond effectivement pas du tout au contenu de l'histoire (même si elle est jolie !)

  5. Je suis convaincue de découvrir cette romancière et pourquoi pas en anglais. Je me suis remise depuis peu à l'anglais et je lis surtout des romans jeunesse bien sûr. Pour le moment je dévore surtout des romans pour les 9 ans et plus. As-tu trouvé ce livre d'un niveau accessible pour les niveaux assez moyens ?

    1. La prose de Mary Hooper me semble relativement accessible. Après, j'ai un bon niveau d'anglais, donc je ne me rends pas toujours compte de la difficulté… Je pense que tu devrais essayer !

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