Fallen Grace – Mary Hooper

Titre français : Waterloo Necropolis
eBook Kindle, 2010, 320 pages

 
Les premières phrases :

Grace, holding on tightly to her precious burden, found the station entrance without much difficulty. The Necropolis Railway ran, just as Mrs Smith the midwife had said, on its own special line from Waterloo to Brookwood Cemetery in the county of Surrey, and it was at the London station, just before eleven o’clock, that the newly bereaved gathered, all dressed in the first stage of deep mourning.

 
L’histoire :

Londres, 1861. Grace et Lily sont soeurs. Orphelines et démunies, les deux adolescentes vivent seules dans une petite chambre au quatrième étage d’un taudis londonien, et subsistent en vendant du cresson dans la rue. Le destin de Grace bascule le jour où celle-ci emprunte la ligne de chemin de fer Necropolis, afin d’enterrer son enfant mort-né au cimetière de Brookwood. Elle y fait la connaissance de Mrs Unwin, qui lui propose de devenir pleureuse d’enterrement. D’abord réticente, la jeune fille se décide finalement à entrer au service de la famille Unwin, après qu’un malheureux concours de circonstances les a jetées elle et sa soeur sur le pavé (je ne suis pas entièrement convaincue de la correction grammaticale de cette dernière phrase, mais j’ai la flemme de réfléchir davantage à l’heure où j’écris mon billet).

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Je lis peu de romans jeunesse, mais celui-ci m’a tout de suite attirée lorsque je l’ai repéré chez la pétillante Mrs Figg, dont les goûts littéraires sont il est vrai souvent proches des miens. Fallen Grace est un séduisant roman aux accents dickensiens, porté par une héroïne victorienne attachante et dynamique. L’intrigue, originale et captivante, s’appuie sur une reconstitution historique de qualité, l’auteur s’attachant à installer un univers crédible pour y développer l’histoire des deux jeunes orphelines.

 

Dès les premières pages, on est interpellé par une entrée en matière des plus inhabituelles dans un ouvrage destiné à la jeunesse : à seulement quinze ans, Grace vient d’accoucher et de perdre son bébé, auquel elle souhaite offrir une sépulture digne de ce nom. Le ton est donné. L’auteur aborde des thèmes difficiles, comme le viol, la mort ou le deuil, sans jamais céder à la facilitéGrace évolue ainsi dans un environnement particulièrement morbide, bien que l’histoire en elle-même soit plutôt positive et porteuse d’espoir, et le ton adapté à un jeune public (lequel s’identifiera d’ailleurs sans peine à la jeune fille). Le lecteur adulte y trouvera quant à lui moult informations sur l’Angleterre victorienne, qui ne manqueront pas d’aiguiser son intérêt.

 

On apprend par exemple comment le deuil était alors envisagé et exploité à des fins commercialesGrace devient pleureuse d’enterrement (un “métier” méconnu), et effectue des travaux de broderie avec les cheveux des morts… Elle travaille pour la sinistre famille Unwin, laquelle occupe une place de choix sur le marché de la mort et du deuil, et tire sa fortune de la détresse des veuves et des orphelins. Les parents Unwin gèrent habilement leur petite entreprise de pompes funèbres, tandis que l’oncle Sylvester est à la tête d’un grand magasin spécialisé… dans l’habillement funéraire ! Mary Hooper intègre un événement historique réel à son roman, à savoir la mort du prince consort Albert, adulé par son peuple, qui succomba à la terrible épidémie de typhoïde de 1861. On décréta alors un long deuil national, qui profita évidemment aux “marchands de morts”, voyant là une occasion inespérée de faire fructifier leur affaire (pensez donc : des millions d’anglais à vêtir de noir, quelle aubaine !). Un bel exemple de récupération commerciale, orchestrée par des individus sans scrupule et malveillants.

 

Autre curiosité : l’express funéraire Necropolis, qui donne son nom au roman dans la version française,  était un train spécialement affrété pour conduire les voyageurs au tout nouveau cimetière de Brookwood, situé dans la grande banlieue de Londres. J’ignorais totalement l’existence de cette ligne de chemin de fer, et je dois dire que cela m’a considérablement intéressée (vous ai-je déjà dit que j’aimais les trains ?).

 

La couverture française

 

J’ai également beaucoup aimé la description du Londres de l’époque, assez classique, mais semble-t-il tout à fait pertinente. Suivant pas à pas les traces de Grace et de Lily, nous découvrons ce qu’étaient alors les conditions de vie des pauvres gens. Marchandes de fleurs, prêteurs sur gages et escrocs de tout bord se côtoient dans la fourmilière londonienne, des taudis de Seven Dials aux foyers pour jeunes orphelines que de charitables mécènes ouvraient alors aux quatre coins de la capitale. La petite délinquance s’organise, et use de toutes les expédients, y compris les plus minables, pour soulager les nantis de quelques pennys, allant parfois jusqu’à profiter de la naïveté des plus démunis pour leur extorquer leurs maigres ressources.

 

Cet aspect documentaire est subtilement intégré à l’histoire, chaque chapitre étant précédé d’une publicité “d’époque” ou d’un encart de journal. Les (longues) annexes figurant en fin d’ouvrage sont également très intéressantes, et donnent envie d’en savoir davantage ! Je les ai lues avec avidité.

 

Dernier constat : Mary Hooper écrit bien, et il est ma foi fort agréable de se laisser porter par la légèreté de sa plume, aussi efficace dans l’action que dans les séquences descriptives. Bref, je  trouve ce roman meilleur que A spy in the house, de la canadienne Y.S.Lee, qui fut une lecture plaisante, mais moins convaincante à mon goût. On peut bien sûr regretter quelques coïncidences invraisembables et un “suspense” parfois trop prévisible (comme souvent en littérature jeunesse), mais l’intrigue est globalement de bonne tenue, bien que le dénouement arrive un peu rapidement à mon goût. Le récit reste intéressant d’un bout à l’autre, et ne sombre jamais dans la niaiserie, s’offrant par ailleurs le luxe d’une fin très émouvante. Que demander de plus ?? Rien, vous répond Miss Léo avec assurance.

 

Un très bon roman jeunesse, ayant pour toile de fond le Londres victorien. Coup de coeur !

 

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Nouvelle participation au challenge En train de lire, organisé chez Une Comète. Tiens, cela me fait penser que j’ai “récemment” revu L’inconnu du Nord-Express, et que je n’ai toujours pas écrit mon billet !
 

Sans oublier un nouveau billet pour le challenge victorien d’Arieste !

 

14 thoughts on “Fallen Grace – Mary Hooper

  1. "Pétillante" moi ? J'adore lol, merci pour ce gentil compliment !
    Je suis ravie que tu ai aimé Waterloo Necropolis (même si je n'avais pas beaucoup de doutes à ce sujet !) et je note que nous avons apprécié les mêmes choses … La couverture anglaise est magnifique (bien que moins proche du texte que la couverture française) !

  2. Comme tu le sais, je l'ai aussi découvert chez Mrs Figg (et je trouve que pétillante lui va bien^^), mais je ne l'ai pas encore trouvé (un peu la flemme de lire en anglais en ce moment). Ton article fait repasser ce livre en haut de ma liste (Si seulement les gens pouvaient arrêter de l'emprunter à la bibliothèque!)

  3. Je l'avais noté chez Mrs Figg, je le renote ! Je pense que je ne tarderai pas à me le procurer ! Le sujet m'intéresse beaucoup, surtout à travers la thématique du deuil victorien (commençons 2013 avec des sujets joyeux :))

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