American Elsewhere – Robert Jackson Bennett


Titre original : American elsewhere
Traduction (américain) : Laurent Philibert-Caillat
Editions Albin-Michel, collection Imaginaire, 2018, 784 pages

La première phrase :

La nuit est fraîche mais Norris sue à grosses gouttes.


La quatrième de couverture :

Veillée par une lune rose, Wink, au Nouveau-Mexique, est une petite ville idéale. À un détail près : elle ne figure sur aucune carte. Après deux ans d’errance, Mona Bright, ex-flic, vient d’y hériter de la maison de sa mère, qui s’est suicidée trente ans plus tôt. Très vite, Mona s’attache au calme des rues, aux jolis petits pavillons, aux habitants qui semblent encore vivre dans l’utopique douceur des années cinquante. Pourtant, au fil de ses rencontres et de son enquête sur le passé de sa mère et les circonstances de sa mort, Mona doit se rendre à l’évidence : une menace plane sur Wink et ses étranges habitants.


L’opinion de Miss Léo :


Je découvre avec ce titre la toute jeune collection Imaginaire des éditions Albin Michel, dont je n’avais jamais entendu parler avant le mois dernier. Si j’ai bien suivi, American Elsewhere fait partie des toutes premières publications de la collection. Je dois dire que cette première expérience me donne terriblement envie d’explorer le reste du catalogue, plus particulièrement dans le domaine de la science-fiction !

Je lis peu de fantastique, en dehors de quelques valeurs sûres. Dans le cas présent, j’ai d’abord été attirée par la couverture, ainsi que par un résumé alléchant. Les premières pages sont il est vrai assez intrigantes et mystérieuses, mais c’est surtout l’entrée en scène de Mona au second chapitre qui m’a convaincue de poursuivre ma lecture. Robert Jackson Bennett crée un beau personnage féminin, que l’on prend plaisir à suivre jusqu’au dénouement : Mona Bright n’a pas froid aux yeux, et se lance avec conviction sur les traces de sa mère trop tôt disparue, espérant trouver dans la petite ville de Wink des réminiscences de la femme que Laura Alvarez était autrefois… bien avant la naissance de Mona… et surtout bien avant de sombrer dans la folie !

Le premier tiers du roman est un peu mou du genou. La faute à l’alternance systématique de points de vue, qui ralentit considérablement la progression de l’intrigue (pour ma part, j’aurais préféré rester en permanence avec Mona, plutôt que de suivre les agissements de personnages secondaires difficiles à situer dans un premier temps). Il est par ailleurs regrettable que les interactions de Mona avec les habitants “normaux” de Wink soient réduites à portion congrue. J’aurais aimé que l’auteur propose davantage de scènes décrivant l’intégration de la jeune “étrangère” au sein de cette communauté habituée à fonctionner en vase clos. Dans le même ordre d’idée, je m’attendais à ce que Robert Jackson Bennett explore davantage la vie quotidienne de cette surprenante bourgade au charme suranné, comme peut le faire un Stephen King avec ses petites villes du Maine…

Ces quelques bémols mis à part, je reconnais avoir été agréablement surprise par la tonalité générale du roman, dont l’histoire m’a fortement intéressée, notamment par sa dimension scientifique. On comprend vite qu’une expérience foirée malheureuse est à l’origine des événements étranges qui viennent peu à peu bousculer les certitudes de Mona. Rationnelle et peu impressionnable, l’ancienne policière n’en oublie pas moins de mener son enquête, qui la conduit aux portes d’un laboratoire désaffecté enterré sous la mesa, où subsistent les traces de travaux confidentiels menés par une poignée de chercheurs passionnés. Le thème des univers parallèles et des portes dimensionnelles me parle, et bien que je ne sois généralement pas trop attirée par les histoires de bébêtes venues d’ailleurs, j’ai trouvé que l’intrigue était habilement menée, avec juste ce qu’il faut de suspense, de violence et d’action. Je ne me suis pas ennuyée, et le dénouement m’a plu. Les fans d’horreur pure risquent en revanche d’être déçus : peu de tension, et surtout beaucoup d’explications dans ce roman (j’aime ça, mais il en résulte quelques longueurs). Pour ma part, je retiendrai surtout quelques jolies trouvailles, qui contribuent à installer une atmosphère envoûtante (le tonnerre et les éclairs, la lune rose, le comportement parfois étrange des habitants de Wink, autant de détails qui accentuent le caractère immersif de cette lecture). Plus surprenant : le thème de la maternité, qui constitue l’un des principaux enjeux de l’intrigue, est ici abordé de façon très émouvante. Le roman gagne ainsi en profondeur et en humanité.

Pour résumer :
Une ville mystérieuse, construite en plein désert… Des phénomènes inexpliqués… Une héroïne badass… Des références à Neil Gaiman et H.P. Lovecraft… Un récit évoquant tout à la fois Body Snatchers, American Gods ou Shining (lorsque plusieurs réalités temporelles se télescopent en un même lieu)… Malgré un démarrage hésitant, American Elsewhere est une oeuvre séduisante et ultra-efficace, dans laquelle Robert Jackson Bennett déploie habilement les codes du genre. J’ai dévoré avec enthousiasme les cinq-cents dernières pages de cette belle variation sur le Rêve Américain, dont il se dégage par ailleurs une certaine mélancolie.
Je vais surveiller de près les prochaines parutions de la maison !


Une excellente surprise !

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