Gallimard, 2020, 300 pages
La première phrase :
Ah, tu es là !
L’histoire :
Une grand-mère et son petit-fils orphelin passent des vacances paisibles dans un grand hôtel de la côte anglaise, où ils vont devoir affronter une horde de sorcières déchaînées. Parmi elles, la plus célèbre, la plus terrible de toutes, la très méchante et très cruelle Grandissime Sorcière, dont l’objectif ultime est de se débarrasser de tous les enfants de la Terre.
L’opinion de Miss Léo :
Roald Dahl figure en très bonne place au Panthéon des auteurs qui ont bercé l’imaginaire de mon enfance, au temps béni où les livres du gallois côtoyaient sur mes étagères ceux de René Goscinny, Judy Blume, Marie-Aude Murail et Pierre Gripari, pour ne citer que ceux-là… Sacrées sorcières est l’un des romans que j’ai le plus relus, c’est dire à quel point je le connais bien. Imaginez donc l’excitation que j’ai pu ressentir lorsque fut annoncée il y a quelques mois l’adaptation prochaine de ma madeleine de Proust en bande-dessinée par Pénélope Bagieu !
J’étais impatiente, mais je n’en attendais pas moins la dessinatrice au tournant, tant le pari me semblait risqué. Difficile de marcher sur les traces de Quentin Blake… Difficile de se réapproprier avec succès un chef d’oeuvre de la littérature jeunesse anglo-saxonne… Je me suis toutefois jetée sur le Précieux la semaine même de sa sortie, et mes doutes ont instantanément été balayés. L’auteur de Culottées s’en sort à merveille, et signe une très bonne adaptation, totalement fidèle à l’esprit de l’original, avec la petite touche Bagieu en prime.
L’album est très beau, mais aussi très drôle. Les dialogues sont souvent hilarants, et les visages très expressifs des sorcières ont suscité chez moi quelques éclats de rire. Tous les personnages ont du caractère, à commencer par la savoureuse grand-mère un peu badass, qui mène sa vie comme elle l’entend. Je trouve que le dessin de Pénélope Bagieu évolue et se bonifie d’un album à l’autre : son trait mûrit, et lui permet de s’exprimer avec talent dans des registres différents (j’ai encore en mémoire le très beau California Dreamin’).
L’histoire est rythmée, et les péripéties s’enchaînent sans temps mort. L’intrigue est très similaire à celle du texte original, que ce roman graphique modernise sans le trahir (ce qui était le plus important à mes yeux). Pénélope Bagieu respecte le travail de Roald Dahl et Quentin Blake (encore heureux !), et son enthousiasme est constamment perceptible.
Mon seul bémol concerne la double page sur la persécution des sorcières, que j’ai trouvée totalement superflue (et qui ne figure évidemment pas dans la version originale). Les vignettes sont très drôles, mais insérées dans le roman de façon maladroite et peu naturelle…
Bien sûr, c’est dans l’air du temps, mais pourquoi se sentir obligée d’en parler ici ? Bon, après, Pénélope Bagieu fait ce qu’elle veut, et après tout, pourquoi pas, puisque le sujet lui tient à coeur, mais il n’empêche que cette leçon de morale m’a semblé légèrement hors de propos dans ce conte fantastique.
Cette minuscule réserve n’atténue cependant en rien la qualité de ce très bon album jeunesse, que les quadragénaires nostalgiques apprécieront tout autant que leurs enfants. Vivent les lectures transgénérationnelles !
“Sacrées sorcières” est aussi ma petite Madeleine, avec “Mathilda” (et les romans de Judy Blume dans lesquels je me retrouvais tellement !). Je suis en train de le lire à mes enfants de 7 et 9 ans, dans ma version Folio, avec les jeux à la fin (et à l’envers). J’ai vu passer cette parution, et j’aime beaucoup Pénélope Bagieu, mais impossible pour moi de le lire … C’est tellement de souvenirs d’enfance …. je n’ai pas envie d’une autre version …