L’héritier des pagans – Anne-Laure Morata

Lecture commune
avec
eBook Kindle
Editions du Masque, Labyrinthes, 2009, 350 pages

 
Les premières phrases :

L’orage grondait sur la pointe nord de la Bretagne. Semant ses éclairs par dizaines, il déclenchait le fracas du tonnerre qui se répercutait le long des côtes du pays Léon.

 
L’histoire :

Bretagne, automne 1629 – Un bateau se fracasse sur les rochers, attiré par les lanternes d’un groupe de naufrageurs. Une jeune femme parvient à gagner la terre ferme, avant de mourir assassinée. Le bébé qu’elle tenait dans ses bras est recueilli par un couple de paysans, qui l’élève comme son propre fils.
Bretagne, 1648 – Devenu adulte, le jeune Gilles Le Bars mène une existence paisible en compagnie de celle qu’il croit être sa mère et de son jeune cousin Malo. Son destin bascule le jour où il se réveille aux côtés du cadavre ensanglanté de son meilleur ami Gaël. Accusé du meurtre, Gilles est condamné aux galères, et fait la connaissance d’Arnaud. Tous deux parviennent miraculeusement à s’échapper. Conscient d’avoir été victime d’un complot, le jeune homme va alors chercher à percer le mystère de ses origines, espérant démasquer par la même occasion l’assassin de Gaël. Son enquête le mène jusqu’à Paris, sur les traces de la famille Rohan-Montauban, alors que la Fronde connaît ses premiers balbutiements
 
L’opinion de Miss Léo :
 
Voici une bien sympathique découverte, que nous devons à la miss Shelbylee. Bonne idée que d’avoir choisi ce petit roman d’aventure dynamique et plutôt bien fichu pour inaugurer le challenge Louis XIV d’Eliza ! L’héritier des pagans est le premier volume d’une série comportant pour le moment trois tomes, oeuvre d’une jeune romancière débutante et passionnée d’histoire, par ailleurs conseillère en ressources humaines (rien à voir avec le schmilblick). C’est frais, divertissant, sans prétention, et basé sur un solide arrière-plan historique, qui semble plutôt bien documenté (si tant est que j’y connaisse quelque chose).
 
Un roman de cape et d’épée riche en péripéties…
 
Tous les ingrédients du genre sont ici réunis : complots, trahison, méchants aristocrates machiavéliques, femmes intrigantes, duels rondement menés… Chaque chapitre apporte son lot de rebondissements. En bon héros, Gilles survit aux terribles conditions de détention de la prison de Brest, et se montre particulièrement doué pour l’escrime, qu’il apprend d’abord avec Arnaud, avant de pouvoir bénéficier des leçons d’un ancien mousquetaire retraité.
 
“Peu à peu, il apprit à se mettre en garde pour laisser le moins de surface possible à son adversaire. Jambes fléchies, il acquit de plus en plus de réactivité jusqu’à savoir repousser son assaillant et maîtriser les trois attaques simples : le coup droit le loupé et le dégagement.”Aparté : J’ai un peu l’impression de lire une description de mes premiers assauts à la salle d’armes.
 
Le périple de Gilles nous emmène aux quatre coins de la France. On voyage beaucoup, en Bretagne, bien sûr, mais aussi à Marseille, à Lyon (ah, les traboules lyonnaises !), ainsi qu’à Paris, où se déroule la deuxième moitié du roman. Difficile d’imaginer à quoi pouvait bien ressembler la capitale en ces temps reculés ! Elle est ici présentée comme une ville surpeuplée et pleine de contrastes, auréolée d’un parfum de danger et de mystère.“Peu à peu, il vit le calme s’installer à la tombée de la nuit. Calme trompeur, car il comprit vite qu’alors la ville offrait un tout autre visage. Dans le Paris nocturne régnait la loi du plus fort, et les ruelles étroites se transformaient en coupe-gorge.”
 
 
… et la Fronde qui gronde en arrière-plan !
 
L’héritier des pagans couvre les premières années du règne du jeune Louis Dieudonné, sous la régence d’Anne d’Autriche et de Mazarin, tous deux très impopulaires. Ceux-ci doivent faire face au soulèvement des barons et des parlementaires, qui marque le début de la Fronde (1648-1653). La révolte est favorisée par une importante misère sociale et une situation financière délicate. La France, engagée depuis trop longtemps dans une guerre interminable contre l’Espagne, est au bord de la faillite, et ne peut plus nourrir sa population, qui n’a déjà que trop souffert du pouvoir autoritaire exercé par Louis XIII et Richelieu. Le pays croule sous les impôts et souffre de la famine, tandis que souffle un vent de mécontentement qui pourrait bien avoir raison de la Monarchie Absolue. La France est une cocotte-minute sous pression, qui ne demande qu’à exploser.
 
Au fil des pages apparaissent des noms célèbres : Condé, le prince de Conti, la duchesse de Chevreuse, ou encore Pierre Broussel, conseiller au Parlement de Paris. Des événements historiques réels sont évoqués dans le roman, parallèlement au récit des aventures de Gilles. On assiste ainsi au départ de la famille royale, qui quitte le Palais Royal pour se réfugier aux châteaux de Rueil et St Germain. Pari gagné pour Anne-Laure Morata, puisque je n’ai maintenant plus qu’une idée en tête : lire des ouvrages documentaires plus approfondis sur cette période, afin d’en savoir plus sur le contexte social et les conditions de vie réelles des français au XVIIème siècle !

 

Pierre Broussel (1649)

 
Nobody’s perfect…
 
En dépit de tous les atouts évoqués précédemment, il faut bien reconnaître que l’histoire est parfois un peu tirée par les cheveux, les intrigues sentimentales assez niaises, et les relations entre les personnages insuffisamment approfondies. Ceux-ci sont néanmoins très attachants (suffisamment pour que l’on passe un moment agréable en leur compagnie), et l’écriture (très fluide) permet une immersion rapide dans l’univers créé par la romancière. Celle-ci n’évite cependant pas quelques maladresses stylistiques. J’ai par exemple été agacée par l’utilisation trop fréquente de l’expression “notre jeune héros” pour parler de Gilles. Il m’a semblé que Morata tombait parfois dans la facilité.
 
“Arnaud lui parlait parfois de la capitale et, pour notre héros, il était devenu évident qu’il lui fallait connaître Paris.”
 
J’ai également repéré quelques anachronismes ou incohérences dans les réactions des personnages. Rien de grave, mais l’auteur semble parfois oublier le contexte historique, ce qui rend certaines métaphores assez bancales et artificielles. Exemple :
 
“La première fois que Gilles pénétra dans la salle d’armes du comte de Lagne, il eut l’impression de redevenir un galopin s’extasiant devant un coffre de jouets.”
 
Mouais… Je demande à voir le coffre à jouets d’un petit paysan pauvre au XVIIème siècle.
 
Bref, il ne s’agit évidemment pas du roman du siècle (n’est pas Alexandre Dumas qui veut), mais ce premier tome tient plutôt bien la route, et possède d’indéniables qualités narratives. J’ai été séduite. La preuve : j’ai déjà téléchargé la suite (Le jeu de dupes et Meurtres à Versailles) ! Eliza et Shelbylee, ma PAL ne vous dit pas merci.
 
Un roman d’aventure historique très distrayant et facile à lire, qui donne envie de se documenter sur la Fronde et les premières années du règne de Louis XIV.
 
N’hésitez pas à  lire les avis de mes partenaires de LC (voir le début de l’article).
 
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Et de un pour le Challenge Louis XIV !
Tadaaaaaaaaaaa !!!!
 

6 thoughts on “L’héritier des pagans – Anne-Laure Morata

  1. Je trouve aussi que ce livre est sympathique, mais certaines expressions sont parfois trop contemporaines. J'ai le tome 2, je lirai donc la suite.

  2. Lecture très divertissante pour moi aussi, une vraiment belle découverte ! Le côté historique est bien traité. J'ai plus été amusée par le côté un peu niais du héros que par les maladresses stylistiques ;-)…

  3. J'ai pensé à toi au moment des passages sur l'escrime ^^ En tout cas, je suis bien contente de vous avoir entraînés dans cette LC ! Et ma PAL va aussi grossir 😉

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