Des corps en silence – Valentine Goby

 

Lecture commune avec AnisPhilisine Cave, Malika et Fransoaz

 

Folio Gallimard, 2010, 144 pages

 
Les premières phrases :

Bruit d’insecte qui cogne aux parois d’un bocal. Ca vient de quelque part sous le tableau de bord, ou de la portière, ou de l’intérieur de la portière, ou de l’intérieur du crâne, un bruit infime, régulier, usant le lieu d’impact dans le tympan.

 

L’histoire :
Paris.
Deux femmes, deux époques.
2010 : Claire rentre de vacances, et tombe en panne d’essence dans le quartier de La Défense. Elle ne veut pas rentrer auprès de son mari Alex, qu’elle n’aime plus, et dont elle souhaite se séparer. Commence alors pour Claire une longue soirée d’errance, en compagnie de Kay, sa petite fille de cinq ans.
1913 : A l’histoire de Claire se superpose celle d’Henriette, qui quitte son mari Léo pour épouser son amant Joseph, lui-même fraîchement divorcé. Tous deux vivent ensemble une relation passionnelle, jusqu’au jour où Henriette découvre la trahison de celui qu’elle aime et désire toujours avec ardeur…

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Je ne suis de façon générale pas fan d’auteurs français contemporains. J’aurais même plutôt tendance à les fuir comme la peste (peut-être à tort), à de très rares exceptions près. Aussi ai-je vu dans cette lecture commune l’occasion de diversifier mon horizon littéraire, en découvrant un roman que je n’aurais probablement jamais choisi spontanément. J’y suis allée un peu à reculons, mais le petit nombre de pages de l’édition de poche m’a finalement décidée à tenter ma chance !

 

Je ne suis malheureusement pas très enthousiaste. J’ai rapidement été gagnée par l’ennui au cours de la lecture de ce court roman, qui n’aura finalement réussi ni à m’intéresser ni à m’émouvoir. Je le regrette, car l’auteur fait preuve d’un réel talent d’écriture. Je pense que j’aurais pu apprécier la plume délicate et sensible de Valentine Goby, n’eût été une narration bien trop décousue à mon goût. L’auteur place le corps et le désir féminins au coeur de son récit, qui se veut de toute évidence déroutant et dérangeant. Cela donne un roman très froid, très cru, auquel j’ai eu beaucoup de mal à adhérer. J’ai cependant apprécié la construction et l’enchaînement des chapitres (à découvrir, je ne vous en dis pas plus).
 

Valentine Goby
(Source : fnac.com)

 
Des corps en silence nous conte en parallèle l’histoire d’une rupture et celle d’un abandon. La partie consacrée à Claire est d’une banalité à pleurer, très ancrée dans le quotidien. J’ai trouvé le personnage un peu fade, mais la description de ses réactions et de ses sentiments semble malgré tout assez réaliste, ainsi que les relations qu’elle entretient avec sa fille Kay, empruntes de bienveillance et de tendresse. Elle est finalement assez touchante, et le devient encore davantage lorsque l’auteur nous dévoile son métier : Claire est factrice de pianos, ce qui la rend tout de suite bien plus originale et intéressante à mes yeux.
 
Le destin d’Henriette, femme trompée, est par contraste beaucoup plus romanesque, ancré dans un contexte historique très différent, à une époque où les femmes occidentales n’étaient pas encore émancipées comme elles le sont aujourd’hui. Son histoire aurait pu devenir passionnante, voire bouleversante, mais je n’ai pas tellement aimé la façon dont l’auteur aborde les chapitres qui lui sont consacrés.
 
“Elle imagine possible un mari fidèle, pour ça elle est prête à faire sa fille des rues, sa prostituée, sa courtisane. Tout  plutôt que ça : qu’il couche ailleurs. Elle dit tout, elle pense tout, elle l’aime à se tuer.”
 
J’ai découvert quelques minutes après avoir terminé le livre que l’histoire d’Henriette était en réalité inspirée d’un célèbre fait-divers, ce qui donne une toute autre ampleur au roman ! Henriette Caillaux, épouse de Joseph Caillaux, alors ministre des Finances, fut arrêtée pour avoir assassiné de sang-froid Gaston Calmette, directeur du Figaro, après que celui-ci eut lancé une campagne de dénigrement contre son mari. Déshonoré par le geste de sa femme, Joseph Caillaux dut se résoudre à quitter le gouvernement, quelques jours avant la déclaration de guerre d’août 1914. Le crime passionnel d’Henriette fut donc lourd de conséquences pour la France !
 

 
Je trouve regrettable que cela ne soit mentionné nulle part dans le livre, qui ne comporte ni introduction, ni notes explicatives de fin d’ouvrage. L’éditeur aurait pu le signaler, bien que le roman puisse tout à fait être lu sans cette information. Valentine Goby a néanmoins pris quelques libertés avec l’Histoire et les motivations d’Henriette, en faisant de son héroïne une épouse bafouée et trahie par son mari. Son geste n’en est évidemment que plus tragique.

 

Je suis donc très mitigée quant à cette lecture. Le sujet est fort, l’écriture séduisante, mais je n’ai malgré tout pas été emballée. Peut-être ce roman mériterait-il une deuxième lecture. Dans l’immédiat, je crois que je vais plutôt retourner à mes chers auteurs anglo-saxons !

 

Un roman décevant pour Miss Léo, mais qui intéressera sûrement certain(e)s d’entre vous.Je suis impatiente de découvrir ce que mes copines de LC en ont pensé. N’hésitez pas à lire leurs avis !
 
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Nouvelle participation au Défi Cent Pages chez La Part Manquante.
 

18 thoughts on “Des corps en silence – Valentine Goby

  1. Le dernier extrait que tu mentionnes me fait fuir à toutes jambes ! je suis assez méfiante aussi devant la littérature française, cette année j'ai décidé de revenir franchement vers les anglo-saxons.

  2. Je pense avoir lu ce livre sous un angle différent du tien.
    Je n'ai pas accordé beaucoup d'importance à l'aspect historique de ce roman, (l'auteure aurait pu, à mon avis, se passer de ces références), pour me concentrer sur la personnalité d'Henriette.
    J'ai été très sensible au personnage de Claire, à cette maman désemparée mais attentionnée.
    Une lecture "coup de poing" pour moi et une écriture que j'affectionne.

    1. Je trouve justement étrange que l'auteur ait choisi des personnages réels pour l'histoire d'Henriette. Il est évident qu'il ne s'agit pas d'un roman historique (ce n'est pas du tout mon propos), et je ne comprends pas l'intérêt de cette référence à demi masquée. Mais de toute façon, là n'est pas l'essentiel : c'est bel et bien au style de l'auteur que je n'ai pas réussi à adhérer !
      Cela dit, je comprends parfaitement que l'on puisse l'apprécier, car Valentine Goby a une forte personnalité, et développe des thèmes forts et intéressants.

  3. Eh non tu n'es pas seule !!! Je me suis ennuyée tout comme toi en lisant ce roman. Son écriture manque vraiment de musicalité et d'émotion à mon goût…Pourtant j'aime assez les auteurs français contemporains … lorsqu'ils ne se regardent pas écrire !!!!

  4. De mon côté je dirais exactement comme Fransoaz ! J'aime beaucoup ce que j'ai lu de Valentine Goby jusqu'à présent… J'ai deviné qu'il s'agissait d'un vrai fait divers, mais cela ne m'a pas gênée de ne pas en savoir plus. Par contre, je reconnais que si j'avais su à l'avance que "Room" (d'Emma Donoghue) s'inspirait de l'histoire de Natasha Kampush, je ne l'aurais pas acheté et je me serais évité une fameuse déception… (et même sans le savoir, de toute façon, ce livre m'a déplu…)

  5. Les avis sont vraiment partagés mais ce qui m'a plu, c'est de sentir un vrai écrivain, une recherche, même si effectivement j'ai trouvé ce livre, comme toi, assez froid. Son sujet m'a intéressé et je voulais voir ce qu'elle en disait.

  6. Je ne connais pas ce roman mais j'avais vraiment beaucoup aimé "L'Echappée" du même auteur … Peut-être te laisseras-tu tenter ? ^^

  7. Valentine Goby a essayé une forme originale. Avec du recul, je serais moins critique sur cette œuvre intéressante, à aucun moment je n'ai regretté ma participation à cette LC; Quant au côté historique, ne pas le savoir ne m'a aucunement perturbée.

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