The Privileges – Jonathan Dee

Editeur français : 10-18
eBook Kindle, 2010, 353 pages

 
Les premières phrases :

A wedding ! The first of a generation ; the bride and groom are just twenty-two, young to be married these days. Most of their friends flew in yesterday, and though they are in Pittsburgh, a city of half a million, they affect a good-natured snobbish disorientation, because they come from New York and Chicago but also because it suits their sense of the whole event, the magical disquieting novelty of it, to imagine that they are now in the middle of nowhere.

 

L’histoire :
Tout commence par un mariage de rêve à Pittsburgh. Adam Morey et Cynthia Sikes sont beaux, jeunes et riches. Ils forment un couple fusionnel, dont rien ne semble pouvoir empêcher l’irrésistible ascension sociale. Vingt-cinq ans durant, ils n’auront de cesse d’accroître leur fortune et d’assurer le bonheur de leurs deux enfants, April et Jonas, qu’ils élèvent dans des appartements new-yorkais de plus en plus luxueux.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Les Privilèges est un roman virtuose, à la construction surprenante.  L’auteur fait le choix de se concentrer sur des moments clés de l’existence d’Adam et Cynthia, à travers quatre grands chapitres couvrant en réalité vingt-cinq ans de la vie du couple. L’on saute ainsi d’une époque à l’autre, découvrant au début de chaque chapitre que les enfants ont grandi de quelques années, et que la situation financière de la famille Morey semble s’être encore améliorée. Ces ellipses renforcent l’efficacité de la narration, comme si tout cela coulait de source, et qu’il ne s’agissait que de l’évolution normale pour ces jeunes gens voués à la réussite. Jonathan Dee n’explique rien. Il se contente d’observer, de disséquer le mode de vie de ces nantis privilégiés.Les personnages sont à priori peu attirants, et le milieu dans lequel ils gravitent n’est pas des plus sympathiques. Adam est un requin de la finance, qui n’hésite pas à tremper dans quelques magouilles pour accroître sa fortune personnelle. Cynthia est quant à elle une mère ultra-protectrice, obsédée par l’épanouissement de ses enfants. Tous deux ne pensent qu’à entretenir leur corps et à soigner les apparences, maintenant ainsi l’illusion d’une jeunesse éternelle. L’auteur brosse donc le portrait de deux héros atypiques, deux enfants gâtés vivant un bonheur factice dans la bulle qu’ils se sont construite afin d’échapper aux dures réalités du monde extérieur. Ils dépensent leur argent sans compter, par pur snobisme, ou tout simplement pour satisfaire ce qui s’apparente la plupart du temps à des caprices. L’appartement est trop petit ? Qu’à cela ne tienne, achetons donc un penthouse duplex en plein coeur de l’Upper West Side ! Les enfants sont “traumatisés” suite à une petite frayeur vécue dans le terrifiant métro new-yorkais ? Aucun problème, il n’y a qu’à annuler le voyage aux Caraïbes prévu de longue date (peu importe que les billets d’avion ne soient pas remboursables). Les Moreys ne sont pourtant pas de mauvaises gens. La preuve : ils investissent leur argent dans des oeuvres caritatives ! Ouf, la morale est sauve (et Cynthia peut dormir la conscience tranquille).
 
J’ai cependant apprécié le fait que Jonathan Dee n’émette aucun jugement. Il ne cherche pas à analyser ou à critiquer, et porte un regard neutre sur ses personnages. Le roman adopte le point de vue d’un narrateur extérieur, témoin de scènes de la vie quotidienne impliquant Adam, Cynthia ou leurs enfants. L’on en viendrait presque à les plaindre, malgré leur insolente réussite matérielle. Cette vie de rêve n’est qu’artifice, et l’argent ne protège pas de la réalité, laquelle finira par frapper à la porte des Moreys. Le destin des deux rejetons est à cet égard édifiant : April se transforme progressivement en junkie désoeuvrée, tandis que Jonas semble dans un premier temps rejeter la fortune familiale, adoptant un mode de vie en totale opposition avec celui de ses parents. Cette évolution est symptomatique d’un milieu social inévitablement guetté par la névrose et les désillusions, qui protège ses enfants en les enfermant (à vie ?) dans une prison dorée. Le constat est amer…
 
J’ai donc pris beaucoup de plaisir à cette lecture, malgré quelques petites longueurs dans les deux derniers chapitres. Jonathan Dee réussit à nous surprendre, le récit empruntant parfois des voies inattendues. Je rejoins par ailleurs l’avis de Titine sur deux points. Le premier chapitre, intégralement consacré au mariage, est absolument remarquable : écrit de façon magistrale, il brasse avec aisance une multitude de personnages, et annonce d’emblée le ton du roman. Tout cela est très finement observé, et l’on ne peut qu’applaudir devant la prouesse narrative réussie par l’auteur. Quant à la toute dernière phrase du livre, elle est superbe de cynisme, et conclut le roman sur une note particulièrement glaçante.

 

Une belle découverte, qui me donne très envie de me plonger dans les autres romans de l’auteur, lequel vient d’ailleurs de sortir un nouvel opus au titre prometteur :”La fabrique des illusions”.
 
D’autres avis chez Titine, Adalana

 

——————————————–

 

 
Deuxième participation au Mois américain, organisé par Titine.
 

13 thoughts on “The Privileges – Jonathan Dee

  1. Je suis ravie de voir que tu as autant apprécié que moi ce livre. Je suis d'accord en tous points avec toi. J'ai également apprécié le regard d'enthomologiste porté par Jonathan Dee sur ce couple. Et je pense que je relirai le premier chapitre pour être encore éblouie par ce tour de force.

    1. Merci à toi de me l'avoir fait connaître ! Je serais peut-être passée à côté si tu ne l'avais proposé dans ta liste pour le Mois américain…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *