Tamara Drewe – Posy Simmonds

Mariner Books (édition américaine), 2007, environ 120 pages

 

La première phrase :
Far from the Madding Crowd. Working retreat for writers. Easy access M96. Great scenery, good walking. Eight quiet, comfortable studios in converted farm buildings. Long or short lets. Communal evening meal provided in main house. No obligation to socialise. Laundry service. Typing/word processing service available, from m/s to hard copy or disk by confidential, qualified secretary. 
e-mail stonefield@easymail.com

 

L’histoire :
Stonefield, petit village morose niché au coeur de la campagne anglaise. Glen Larson, universitaire américain en pleine déprime existentielle, s’installe pour l’été (et plus si affinités) dans la pension de famille bucolique pour écrivains en mal d’inspiration que tiennent la très dévouée Beth Hardiman et son mari Nicholas, lui même auteur de romans policiers à succès. Le cadre est paisible, bien que les relations au sein du couple ne cessent de se détériorer. Un élément perturbateur va cependant menacer la stabilité de ce fragile équilibre. Beth voit en effet d’un mauvais oeil le retour au pays de Tamara Drewe, jeune femme ambitieuse au nez refait, désormais chroniqueuse pour un journal londonien, dont le sex-appeal ravageur séduit la plupart des hommes qu’elle croise sur son chemin. Tamara et son amant Ben, ancien rocker dont les frasques alimentent régulièrement les pages des magazines people, vont également devenir une source de fantasmes pour Casey et Jody, deux adolescentes désoeuvrées et mal dans leur peau.

 
 

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Logo créé par Eliza

 
L’opinion de Miss Léo :
 

Pray, rejoice, for here comes the English Month !

 

Souvenez-vous : j’avais débuté la précédente édition en vous présentant le superbe Gemma Bovery, oeuvre remarquable à lire et relire sans modération. Je récidive cette année, puisque j’ai choisi de vous parler d’un autre roman graphique de Posy Simmonds, dont vous avez peut-être entendu parler il y a quelques années, lorsque sortit l’adaptation éponyme réalisée Stephen Frears.Vous ne serez sans doute pas surpris d’apprendre que j’ai pris un immense plaisir à lire ce second opus, que je classe sans hésitation parmi les chefs d’oeuvre de la littérature graphique. Posy Simmonds signe une brillante comédie de moeurs campagnarde, très librement inspirée du roman Far from the Madding Crowd de Thomas Hardy. Les relations humaines sont finement observées par l’auteur, qui évoque avec justesse et simplicité les aspirations et les travers de quelques personnages subtilement croqués. On y croise avec bonheur un mari infidèle, une femme au foyer dévouée, des adolescentes désoeuvrées, un ancien rockeur capricieux et égocentrique, un jardinier timide et droit dans ses bottes ou un écrivain mollasson. Et puis il y a Tamara, dont la seule présence sème le trouble dans cette petite communauté, la jeune femme catalysant malgré elle un certain nombre de drames sous-jacents. L’étude sociologique est passionnante, conduite avec un humour féroce qui n’épargne rien ni personne. Tamara Drewe repose sur des ressorts dramatiques bien exploités, sans excès ni surenchère : l’égoïsme, l’inconscience, le sexe et l’ennui sont les éléments déclencheurs de cette tragi-comédie funeste, dont les acteurs pathétiques traînent avec résignation leur mal-être et leurs espoirs déçus. On compatit bien volontiers !
 

 

La forme est ici parfaitement adaptée au contenu, le roman graphique offrant des possibilités intéressantes en terme d’efficacité narrative. Il s’agit d’un genre littéraire à part entière, qui brouille les pistes et se lit avec un intérêt constamment renouvelé. L’alternance de textes sans image et de dessins avec phylactères permet en effet de multiplier les points de vue et les supports. Témoignages à la première personne, passages dialogués, encarts de journaux, flash-backs : le lecteur découvre chaque page avec ravissement, et se prend facilement au jeu d’une intrigue admirablement construite. Les textes sont remarquables (en VO), les dialogues font mouche, et les illustrations aux couleurs délicates se révèlent parfaitement à la hauteur, apportant une petite touche poétique à cette fable de la vie ordinaire, qui ravira par-dessus tout les amateurs de campagne anglaise (mais pas seulement).
 

Tamara Drewe (2010) Poster
Affiche du film de Stephen Frears
Source : IMDb

 
J’a également  beaucoup aimé le film de Stephen Frears, dans l’ensemble très proche du roman, bien que ce dernier m’ait semblé plus sombre et moins léger que l’adaptation. La fin est légèrement différente, et je crois que je préfère celle de Posy Simmonds. Les acteurs sont quant à eux excellents (rien d’étonnant, puisqu’il s’agit d’un film anglais !), et incarnent à merveille les personnages créés par l’auteur. Bref, je vous conseille de voir le film, si possible après avoir lu le roman !
 
Je ne pouvais rêver plus belle entrée en matière pour ce Mois Anglais. Tamara Drewe est une oeuvre particulièrement addictive, qui marque durablement les esprits : commencez-le, et vous ne le lâcherez plus !
 

Un roman graphique subtil et plein d’esprit. Coup de coeur !
 
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Première participation au Mois Anglais, troisième du nom !
 

 

26 thoughts on “Tamara Drewe – Posy Simmonds

  1. J'ai comme toi beaucoup aimé les deux oeuvres graphiques de Posy Simmonds. J'avais également vu et aimé le film adapté de la bande-dessinée. Il ne te reste plus qu'à lire l'oeuvre originale de mon cher Thomas Hardy !

  2. Je connais ces œuvres, mais n'en ai lu aucune. Par contre, j'ai vu le film de Stephen Frears et l'ai beaucoup aimé ! Ton avis très positif me donne envie de lire le "roman", même si je ne suis pas totalement fan des illustrations :).

  3. Je ne vais pas noter ces albums pour l'instant. Mais je suis intriguée, surtout par leur graphisme.

  4. J'avoue, j'ai vu l'adaptation et me suis ensuite intéressée au roman graphique. J'ai beaucoup aimé ce dernier (bon, le premier aussi) car on entre vraiment dans l'histoire. On s'attache irrémédiablement aux personnages.

  5. J'ai adoré ce roman graphique. De même que Gemma Bovery. J'ai vu qu'elle avait aussi sorti autre chose… je suis en mode fouinage!

  6. J'en garde un excellent souvenir. Malheureusement, depuis le mois anglais de l'année dernière, ma bibliothèque n'a toujours pas fait l'acquisition de "Gemma Bovery" … En revanche, j'ai revu le film et je suis d'accord avec toi : c'est plus sombre, je préfère le roman graphique !

  7. Je n'ai vu que l'adaptation de Frears (un excellent moment !), et tu me donnes envie d'aller voir du côté de ce roman graphique. A priori le graphisme ne me plaît pas trop, mais pourquoi pas ?

    1. J'aime bien le graphisme, que je trouve très adapté au propos. Franchement, si tu as aimé le film, tu ne devrais pas être déçue par le livre !

  8. J'ai envie de découvrir ce roman graphique, qu'une amie m'a donné mais j'ai peur que l'anglais soit trop difficile pour moi.

  9. J'avais trouvé comique gemma Bovery et j'ai aimé aussi Tamara Drew mais le film m'avait davantage plu car la satire des écrivains étaient davantage visible…

  10. J 'ai beaucoup aimé le film mais pour une fois je n 'ai pas osé franchir le pas du livre…peut être un jour quand même !!!

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