A la vie, à la mort – Colette McBeth

Titre original : Precious Thing
Traduction (anglais) : Anath Riveline
Les Escales Noires, 20113/2015, 327 pages

 

La première phrase :
Officiellement, je ne pense plus à toi.

 

L’histoire :
(résumé de la quatrième de couverture)
Meilleures amies depuis l’adolescence, Rachel et Clara se sont promis qu’elles le resteraient à vie. Une dizaine d’années plus tard, elles sont toujours proches mais les liens qui les unissaient se sont distendus.
Rachel poursuit une brillante carrière à la télévision et mène une vie stable avec son compagnon ; Clara, elle, peine à trouver son équilibre et se fait plus distante.
Quand Rachel doit couvrir la disparition d’une jeune femme, elle découvre avec stupeur qu’il s’agit de Clara. La journaliste se lance à sa recherche, au risque d’exhumer les secrets du passé.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

J’aime les bons thrillers, aussi me suis-je laissée tenter sans trop d’hésitation par ce premier roman britannique, malgré le manque flagrant d’originalité du titre français (déjà partagé par au moins deux autres romans de ma connaissance, ce qui en dit long sur le manque d’imagination de l’éditeur, du traducteur et/ou du responsable marketing).

 

A la vie, à la mort a souvent été comparé au formidable Gone Girl (Les Apparences), flamboyant best-seller au succès amplement mérité. Cette filiation supposée est d’ailleurs utilisée comme principal argument de vente par l’éditeur français, puisque le livre est orné d’un bandeau annonçant tout de go qu’avoir aimé le premier ne laisse aucun doute sur nos chances d’adorer le second (si le Sunday Mirror le dit, alors il n’y a qu’à s’incliner je plaisante, hein !). Soyons honnêtes : j’ai tendance à me méfier des comparaisons hasardeuses, à plus forte raison lorsque je tiens l’auteur de l’original en très haute estime (comme c’est le cas avec Gillian Flynn, dont j’ai adoré les trois romans publiés à ce jour). Il n’en demeure pas moins que la référence à cet illustre modèle a parfaitement atteint son objectif, puisque c’est avec une réelle curiosité que j’ai entamé la lecture de ce thriller psychologique, espérant y retrouver l’essence de ce qui m’avait tant plu dans Gone Girl.

 

Les deux ouvrages présentent de toute évidence quelques similitudes. Colette McBeth bâtit son intrigue autour d’une amitié fusionnelle et dévastatrice, là où Gillian Flynn s’attachait à disséquer une relation de couple déliquescente. Les personnages principaux ne sont pas nets, et se montrent terriblement égoïstes, voire franchement malsains, quand ils ne basculent pas purement et simplement dans la folie. Les deux romans s’ouvrent tous deux sur la disparition mystérieuse de l’une des protagonistes du drame, et ont également en commun une narration ambiguë, suscitant davantage de questions qu’elle n’offre de réponses. La comparaison s’arrête là, et force est de constater que celle-ci ne tourne pas forcément à l’avantage de la romancière anglaise. Cette dernière signe en effet un roman efficace et rythmé (je l’ai lu d’une traite et sans déplaisir), qui se révèle toutefois bourré de défauts. Je n’ai jamais cru à la relation entre Rachel et Clara, qui m’a dès le départ semblé quelque peu surjouée. Cette amitié “pour l’éternité” est pourtant au coeur de l’écheveau assemblé par l’auteur, laquelle réussit par moments à traduire avec finesse les errements sentimentaux des deux héroïnes, unies à jamais dans une terrible et envahissante relation amour/haine qui les poursuivra jusqu’à l’âge adulte.

 

Le mode de narration m’a passablement agacée. La journaliste Rachel écrit une (longue) lettre à son amie disparue, qu’elle prend à parti et interpelle constamment par son prénom. Le ton larmoyant de son témoignage la rend assez antipathique, d’autant plus que l’on comprend très vite que son récit rédigé a posteriori n’est pas totalement fiable, et qu’il ne nous livre qu’une vision parcellaire (voire remaniée ?) des faits. Ce choix narratif trouve sa justification dans les dernières pages du roman, mais n’en demeure pas moins pénible, et à mon avis mal exploité. On se doute que Rachel dissimule des choses, mais cela ne donne lieu à aucune rupture franche dans le déroulement de l’intrigue, laquelle évolue de façon très linéaire, malgré la présence de flash-backs évoquant la naissance de l’amitié des deux adolescentes. Il est dommage que Colette McBeth ne se soit contentée que d’un seul point de vue, là où la force de Gone Girl résidait justement dans la juxtaposition de deux versions contradictoires.

 

Il en résulte une intrigue bien menée, mais de mon point de vue un peu terne, les enjeux dramatiques étant malheureusement noyés dans un trop plein d’invraisemblances. Je me suis néanmoins prise au jeu, séduite par la plume agréable de la romancière, m’attendant à ce que l’histoire prenne à tout moment un tour inattendu. Las ! Les “rebondissements” se révèlent décevants, et l’ensemble manque cruellement de suspense, à l’image des derniers chapitres, plats et sans saveur. Il est par ailleurs regrettable que Colette McBeth ait cru bon de nous révéler des secrets de famille totalement inutiles et téléphonés, que je n’ai guère appréciés (l’intrigue tenait plutôt bien la route jusqu’à cet instant, mais ce grand déballage familial m’a profondément déçue, car j’espérais davantage de subtilité).

 

A la vie, à la mort est en quelque sorte le Gone Girl du pauvre, et Gillian Flynn demeure à mon sens très supérieure, de par son écriture viscérale, son sens aiguisé de la construction dramatique, et sa capacité à créer des personnages excessifs et totalement assumés, que l’on adore détester. Rachel et Clara font pâle figure face à Amy, et le dénouement profondément immoral de Gone Girl était autrement plus satisfaisant que la bien timide (et hautement prévisible) résolution proposée par Colette McBeth. Cela reste somme toute assez gentillet…

 

Je relis ma critique, et je m’aperçois que celle-ci comporte essentiellement des reproches. Je suis peut-être un peu sévère, car A la vie, à la mort n’est pas non plus un mauvais roman, à condition de ne pas trop en attendre. Le style est fluide, l’ambiance correctement restituée, et je ne me suis pas ennuyée en le lisant (ce qui est à n’en douter un point très positif). L’intrigue séduira probablement les néophytes, mais se révélera en revanche sans surprise pour un lecteur averti, habitué aux retournements de situation des thrillers psychologiques. J’espérais mieux, mais je n’oublie pas qu’il s’agit là d’un premier roman plutôt encourageant, malgré mes réserves.

 

Passons maintenant aux choses qui fâchent : ma sensibilité a été plusieurs fois heurtée par quelques très grosses fautes d’orthographe, qui m’ont littéralement fait bondir ! Ce n’est pas la première fois que je râle à ce sujet, aussi vais-je me contenter de réitérer cet appel : mais que font les relecteurs correcteurs ???
 
Un thriller psychologique plaisant, qui ne me laissera cependant pas un souvenir impérissable.
 
 
Roman chroniqué dans le cadre de ma participation au Club de Lecture des éditions Les Escales.

 

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Nouvelle participation au challenge Petit Bac d’Enna, catégorie Mort.

 

8 thoughts on “A la vie, à la mort – Colette McBeth

  1. Le "Gone Girl" du pauvre, j'en veux pas ! A l'inverse de toi, ce genre de comparaison ne m'attire pas : je n'aime pas bien qu'on instrumentalise mes auteurs favoris 🙂

    1. Ce genre d'argument commercial m'agace tout autant que toi, mais que veux-tu, je suis faible, et j'espère toujours tomber sur la perle rare ! 😉

  2. A force d'en lire, oui, on se méfie et attend les retournements de situation ou de point de vue.
    Oui, les relecteurs correcteurs, parfois on se dit : faites moi lire ce bouquin, je vais vous le dire, pour les erreurs, et je vous le fais gratuitement, en plus!

  3. J'aime beaucoup les thrillers, mais pas au rabais. J'en ai trop lu pour que cela me plaise encore ! En tous cas j'avais beaucoup aimé Gone Girl.

  4. Superbe critique ! Je rejoins ton avis 🙂

    Satané bandeau qui nous a forcé à penser aux Apparences en lisant ce thriller… Bon les similitudes de l'intrigue étaient telles que j'y aurai pensé quoiqu'il en soit, surtout avec le traitement médiatique .

    C'est un roman qui se lit bien en tout cas.

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