La Bête Noire, Robert Laffont, 2016, 482 pages
Livre reçu en service-presse.
La première phrase :
Tous les matins, Mme Léon Sadorski, Yvette de son prénom, émerge des brumes du sommeil animée d’une envie immodérée de faire l’amour.
L’histoire :
Paris, printemps 1942. Léon Sadorski, Inspecteur Principal Adjoint de la 3ème Section des RG, oeuvre au quotidien pour nettoyer la France de sa vermine judéo-bolchévique, en bon et loyal serviteur du gouvernement de Vichy. Quelle n’est pas surprise lorsque la Gestapo le convoque pour un voyage d’une durée indéterminée à Berlin. Le policier n’est pas dupe, et comprend qu’il est en réalité prisonnier des allemands, qui vont chercher à l’utiliser.
L’opinion de Miss Léo :
Je manque probablement de recul et d’objectivité pour vous parler de ce roman, que j’ai débuté avec tout un tas d’a priori positifs. Un sujet qui me passionne, un écrivain dont j’ai déjà lu et aimé trois romans historiques, la promesse d’une histoire sombre et poisseuse… Je partais confiante, et je n’ai pas été déçue (ouf, vous voici rassurés) !Romain Slocombe signe un remarquable roman noir, dans lequel on retrouve les codes habituels du genre, mais dans un contexte très particulier, puisque le personnage principal est un inspecteur des RG sous l’Occupation. Un salaud, mais un excellent flic ! Déjà brièvement entrevu dans Monsieur le Commandant, Léon Sadorski est un individu peu sympathique, à la morale plus que douteuse. Collabo, antisémite, obsédé par quelques fantasmes douteux : pas franchement le gendre idéal… Il est néanmoins troublant de constater que l’on en viendrait presque à s’identifier au personnage, anti-héros pétri de contradictions. C’est la grande force de Romain Slocombe, qui excelle à placer le lecteur dans une position inconfortable.
Le récit est extrêmement bien documenté, comme en atteste la longue bibliographie. Le romancier a longuement exploré les Archives, pour construire une fiction basée sur des événements et des personnages réels. La reconstitution est méticuleuse, et nous plonge en plein coeur des ambiguïtés de la France de Vichy, avec en prime une passionnante incursion à Berlin (moi qui adore les romans se déroulant dans l’Allemagne hitlérienne, je ne pouvais qu’apprécier).
La vie continue à Paris en ce superbe printemps 1942, tandis que se préparent les premières rafles massives, avec la complicité des forces de l’ordre locales. On boit de l’ersatz de café, puis on passe une bonne partie de sa journée à faire la queue pour acheter de menues quantités de nourriture, avant de plonger dans l’enfer sonore et olfactif des rames de métro bondées. Les moins scrupuleux s’efforcent de tirer leur parti de la situation, en copinant avec les allemands (à l’image de certains artistes et autres comédiens célèbres). Les fonctionnaires zélés des services de police français entretiennent quant à eux des liens étroits avec le SD, entre obéissance servile, collaboration enthousiaste et concurrence déloyale. Torture, espionnage, délation et incertitude permanente : nul n’est réellement à l’abri, et il règne partout une atmosphère pesante, pour ne pas dire franchement délétère, que Romain Slocombe parvient à faire ressentir à son lecteur. La fonction du personnage principal invite évidemment à s’interroger sur le rôle ambigu de certains policiers, capables de défendre la veuve et l’orphelin, tout en faisant arrêter et torturer des Juifs et des communistes… Il va sans dire que l’auteur ne porte aucun jugement moral, puisqu’il adopte pendant tout le roman le point de vue de l’inspecteur Sadorski.
La violence n’est jamais édulcorée, et l’ambiance m’a parfois rappelé celle de la série Un village français, ma référence télévisuelle en la matière, dépourvue de tout manichéisme bêtifiant (Sadorski est d’ailleurs assez proche d’un Marchetti, pour celles et ceux d’entre vous qui connaîtraient la série). Je suis obnubilée fascinée par cette période, et je me réjouis de pouvoir continuer à la découvrir au travers d’oeuvres de cette qualité !
Au delà de son intérêt historique, L’affaire Léon Sadorski est également un excellent roman policier, qui nous propose de suivre en fil rouge l’enquête sur la mort d’une jeune française délurée. Le suspense est bien mené, et l’intrigue habilement construite réserve de nombreux rebondissements, qui surviennent toujours au moment où l’on s’y attend le moins. Précise et efficace, l’écriture de Romain Slocombe nous tient en haleine, et les dialogues rendent le tout extrêmement vivant, tout comme les incursions inopinées de l’auteur dans les pensées de son personnage principal (entre rêve et réalité, le résultat est parfois surprenant). Ce dernier contribue à donner ses lettres de noblesse au roman noir, en proposant un texte dense et original, sur des thématiques pourtant vues et revues. Cerise sur le gâteau : la dernière page est formidable de cynisme.
Je ne saurais concure ce billet sans vous annoncer l’excellente nouvelle : une suite est prévue (vous ne m’entendez pas, mais je suis en train de hurler de joie) !!!!! J’ai hâte.
Vis ma vie de flic sous l’Occupation.
Un excellent roman noir, et un coup de coeur pour bibi !
Le récit est extrêmement bien documenté, comme en atteste la longue bibliographie. Le romancier a longuement exploré les Archives, pour construire une fiction basée sur des événements et des personnages réels. La reconstitution est méticuleuse, et nous plonge en plein coeur des ambiguïtés de la France de Vichy, avec en prime une passionnante incursion à Berlin (moi qui adore les romans se déroulant dans l’Allemagne hitlérienne, je ne pouvais qu’apprécier).
La vie continue à Paris en ce superbe printemps 1942, tandis que se préparent les premières rafles massives, avec la complicité des forces de l’ordre locales. On boit de l’ersatz de café, puis on passe une bonne partie de sa journée à faire la queue pour acheter de menues quantités de nourriture, avant de plonger dans l’enfer sonore et olfactif des rames de métro bondées. Les moins scrupuleux s’efforcent de tirer leur parti de la situation, en copinant avec les allemands (à l’image de certains artistes et autres comédiens célèbres). Les fonctionnaires zélés des services de police français entretiennent quant à eux des liens étroits avec le SD, entre obéissance servile, collaboration enthousiaste et concurrence déloyale. Torture, espionnage, délation et incertitude permanente : nul n’est réellement à l’abri, et il règne partout une atmosphère pesante, pour ne pas dire franchement délétère, que Romain Slocombe parvient à faire ressentir à son lecteur. La fonction du personnage principal invite évidemment à s’interroger sur le rôle ambigu de certains policiers, capables de défendre la veuve et l’orphelin, tout en faisant arrêter et torturer des Juifs et des communistes… Il va sans dire que l’auteur ne porte aucun jugement moral, puisqu’il adopte pendant tout le roman le point de vue de l’inspecteur Sadorski.
La violence n’est jamais édulcorée, et l’ambiance m’a parfois rappelé celle de la série Un village français, ma référence télévisuelle en la matière, dépourvue de tout manichéisme bêtifiant (Sadorski est d’ailleurs assez proche d’un Marchetti, pour celles et ceux d’entre vous qui connaîtraient la série). Je suis obnubilée fascinée par cette période, et je me réjouis de pouvoir continuer à la découvrir au travers d’oeuvres de cette qualité !
Au delà de son intérêt historique, L’affaire Léon Sadorski est également un excellent roman policier, qui nous propose de suivre en fil rouge l’enquête sur la mort d’une jeune française délurée. Le suspense est bien mené, et l’intrigue habilement construite réserve de nombreux rebondissements, qui surviennent toujours au moment où l’on s’y attend le moins. Précise et efficace, l’écriture de Romain Slocombe nous tient en haleine, et les dialogues rendent le tout extrêmement vivant, tout comme les incursions inopinées de l’auteur dans les pensées de son personnage principal (entre rêve et réalité, le résultat est parfois surprenant). Ce dernier contribue à donner ses lettres de noblesse au roman noir, en proposant un texte dense et original, sur des thématiques pourtant vues et revues. Cerise sur le gâteau : la dernière page est formidable de cynisme.
Je ne saurais concure ce billet sans vous annoncer l’excellente nouvelle : une suite est prévue (vous ne m’entendez pas, mais je suis en train de hurler de joie) !!!!! J’ai hâte.
Vis ma vie de flic sous l’Occupation.
Un excellent roman noir, et un coup de coeur pour bibi !
J’ai eu l’occasion d’entendre le romancier évoquer sa démarche lors de la présentation de la Rentrée Littéraire chez Robert Laffont (j’y suis allée essentiellement pour voir ma copine Titine, mais j’ai évidemment été très contente d’apprendre qu’il était présent).
C’était passionnant, et j’aurais pu l’écouter parler pendant des heures, mais la journaliste l’a interrompu bien trop vite à mon goût !
Encore un à noter en cette rentrée… Au secours…!!
Un auteur que j'apprécie. Et ce titre semble à la hauteur des précédents.
Un auteur dont je ne connais que les romans jeunesse. Sa production "adulte" a pourtant tout pour me plaire.
Voilà qui a l'air passionnant, d'autant que je ne connais pas encore cet auteur qui semble mériter le détour…
Je ne connaissais pas cet auteur…ton billet me fait un peu penser à Philip Kerr et à son personnage récurrent, le flic Bernie Günther
j'avais tellement aimé Monsieur le commandant et je suis sur le point de craquer pour Avis à mon exécuteur qui vient de paraître en poche. Mais celui-ici me botte encore plus. Très belle critique en tout cas.
Je ne l'ai pas encore commencé mais je suis ravie de lire ton avis qui ne me surprend pas du tout ! Romain Slocombe est décidément un écrivain passionnant et pas assez connu malheureusement.
Ouf, comme tu dis, rien de pire qu'un écrivain don on attend énormément et qui au final déçoit. Ce n'est pas le cas ici et c'est tant mieux (pour toi surtout^^).