Génération – Paula McGrath

Titre original : Generation
Traduction (irlandais) : Cécile Arnaud
Quai Voltaire, Editions de la Table Ronde, 2015/2017, 224 pages
 
La première phrase :
Tu te tiens à l’entrée du puits de mine, dont tu ne ressortiras pas avant quatre ans.
 
L’histoire :

(résumé de l’éditeur)
Joe Martello est le propriétaire d’une ferme au cœur de l’Illinois – de ces grandes fermes bio où se croisent travailleurs clandestins et jeunes wwoofeurs venus d’Europe. C’est par une copine de bureau qu’Áine entend parler de ce trentenaire mal léché. Quelques échanges par Skype plus tard, elle se décide à le rejoindre pour passer un été loin du carcan de sa vie de jeune mère divorcée dans sa province irlandaise. Et tant pis si elle doit emmener sa petite Daisy. Mais, sur place, rien ne se passe comme prévu. Joe et la ferme sont remplis d’ombres – et pas seulement celles des chauves-souris qui pullulent au grenier : une mère prof de piano qui a noyé dans les kilos le souvenir des cris nazis, son petit élève prodige germano-japonais, une ancienne camarade de fac que Joe n’a pas l’air enchanté de revoir… Le jour où elle met la main sur un ordinateur caché, Áine comprend qu’elle doit rentrer au plus vite en Irlande. Des années plus tard, sa fille partie à Chicago sur les traces de son grand-père fera de nouveau tourner ce kaléidoscope de trajectoires brisées…

 
L’opinion de Miss Léo :
 

Voici un roman relativement court, qui ne paye pas de mine au premier abord, mais dont l’apparente simplicité recèle pourtant une profondeur insoupçonnée. J’ai été séduite par la construction de ce récit très épuré, dense et complexe à sa manière.
 
1958, 2010, 2016, 2027… Quatre époques, plusieurs continents et une multitude de personnages, entre lesquels la romancière irlandaise tisse des  liens parfois ténus. Paula McGrath esquisse une mosaïque de destins croisés, et construit une intrigue morcelée, succession de brèves rencontres et de scènes quotidiennes basée sur de nombreuses ellipses. Au lecteur de combler les vides du récit ! Génération est un roman très moderne, qui joue avec l’espace et le temps, tout en brassant avec brio une multitude de thèmes intemporels ou actuels. Il y est question de wwoofing, de marchés bio, de musique, de pédophilie, de migration, d’exploitation (que ce soit celle des femmes, des enfants ou des travailleurs immigrés), mais aussi (surtout !) de liens familiaux, de mémoire et de transmission intergénérationnelle. On peut y voir une fable sur la jeunesse, l’errance et la fiabilité des souvenirs.L’auteur interroge la façon dont les traumatismes et les expériences vécus par chaque génération peuvent influencer la psyché et les choix de vie de la suivante. Entre espoir et désillusions, les personnages de Paula McGrath se cherchent, et finissent (parfois) par se trouver une raison d’être. Le style limpide, bien restitué par une excellente traduction française, et la narration parfaitement maîtrisée rendent la lecture captivante et extrêmement fluide, sans pour autant édulcorer les aspects les plus sombres du récit, à travers une écriture très visuelle, voire cinématographique. On se représente ainsi parfaitement la saleté de la ferme de Joe, sale type manipulateur et pervers chez qui se réfugie Áine le temps d’un été…
 
Pour résumer : à mi-chemin entre la comédie de moeurs, la chronique familiale et le roman noir, Génération est un premier roman surprenant, qui vous happe et vous intrigue. Les fragments d’histoires assemblés par Paula McGrath forment un ensemble remarquablement cohérent, qui prend tout son sens dans la dernière partie. La boucle est bouclée, et je n’avais qu’une seule envie après avoir terminé le livre : en relire les premières pages !

 

Un roman très fort, dans lequel tout se joue entre les lignes. Impressionnant !
 
D’autres avis chez : Albertine, Maeve, Cuné

 

9 thoughts on “Génération – Paula McGrath

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