L’histoire :
Jenny Kramer, 15 ans, a été violée lors d’une fête au lycée de Fairview. Elle ne conserve toutefois aucun souvenir factuel de cette violente agression, après qu’on lui a administré un traitement destiné à atténuer les symptômes de stress post-traumatique. Quelques mois plus tard, la jeune fille, émotionnellement fragile, commet une tentative de suicide. Ses parents, Tom et Charlotte, la confient alors aux bons soins d’un psychiatre local, le docteur Alan Forrester. Celui-ci va s’efforcer de faire ressurgir les souvenirs disparus, tandis que la police continue à rechercher le violeur.
L’opinion de Miss Léo :
Je ressens de plus en plus envie de renouer avec le polar, un genre que j’ai progressivement délaissé, après l’avoir avidement consommé pendant plusieurs années. Je dois toutefois me résoudre à l’évidence : mes exigences se sont accrues avec le temps, et je suis par conséquent souvent déçue, notamment lorsque l’intrigue se révèle trop tarabiscotée et/ou racoleuse, usant et abusant d’effets faciles et de rebondissements déjà maintes fois galvaudés. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine du thriller, dans lequel s’illustrent un grand nombre d’auteurs médiocres, au talent souvent surévalué (je ne citerai pas de noms, mais je sais parfaitement de qui je veux parler).
J’avais entendu beaucoup de bien de Wendy Walker, c’est pourquoi je n’ai pas hésité bien longtemps lorsque je me suis aperçue que la bibliothèque avait ce titre en rayon. Je ne savais pratiquement rien du livre en lui-même, et j’ai été très agréablement surprise (c’était pile-poil la lecture dont j’avais envie à ce moment là).
Attention, je n’ai pas adhéré à tout ! J’ai parfois trouvé invraisembable le comportement du psychiatre, et certains rebondissements de l’intrigue m’ont semblé tirés par les cheveux, pour ne pas dire totalement absurdes. J’ai néanmoins apprécié l’écriture, les personnages et la construction du roman, ainsi que le cadre dans lequel l’histoire se déroule, à savoir une petite ville du Connecticut, que l’on découvre à travers le regard d’Alan Forrester, narrateur ambigu et assez peu sympathique. L’originalité du roman tient au fait que les événements nous sont relatés par le psychiatre, qui voit défiler dans son cabinet différents protagonistes du drame, ce qui lui permet d’appréhender la situation dans son ensemble, en ayant accès aux secrets soigneusement dissimulés ainsi qu’aux pensées intimes de ses patients.
La recherche de l’identité du violeur est ici secondaire, et Wendy Walker s’intéresse davantage à l’impact de cet événement déclencheur sur quelques habitants de Fairview. L’atmosphère de cette bourgade paisible et globalement sans histoire est plutôt bien rendue par la romancière, qui porte un regard pertinent sur divers aspects de la vie quotidienne, qu’il s’agisse de relations extra-conjugales, ou tout simplement du comportement des adolescents, assez finement observé. Le personnage de la mère (Charlotte) m’a beaucoup plu : j’ai aimé son histoire, sa personnalité, sa complexité… Les mécanismes régissant la vie couple et les relations parents-enfants sont bien analysés, ce qui donne au récit une portée universelle.
L’histoire dans son ensemble est un peu glauque : plusieurs personnages ont vécu des expériences sordides et potentiellement traumatisantes, et le récit présente quelques séquences hardcore non édulcorées (viol sur mineur, relations sexuelles subies plutôt que consenties ou encore tentative de suicide). Âmes sensibles, s’abstenir ! L’auteur parvient cependant à maintenir un juste équilibre, et traite ses personnages avec respect, sans tomber dans le piège de l’indécence ou la complaisance. Comme je le disais plus haut, certains développements de l’intrigue peuvent sembler excessifs, mais les révélations sont bien amenées, et Wendy Walker a su maintenir mon intérêt jusqu’au dénouement (ce qui est en soi un point positif) (désolée pour toutes ces parenthèses) (il y a des jours où je me fatigue moi-même). La narration accorde par ailleurs une large place à la manipulation des souvenirs, envisagée sur le plan psychiatrique. Un souvenir est-il forcément fiable ? Est-il possible de se créer de faux souvenirs ? La réponse à ces questions est évidente, mais le sujet n’en demeure pas moins passionnant.
Pour résumer : j’ai apprécié ce premier roman, et je suis très tentée par le suivant, Emma dans la nuit, également publié aux éditions Sonatine.
Moi aussi j’ai vraiment envie de renouer avec le polar, je n’ai pas encore lu ce roman mais j’aimerais bien le découvrir, je viens de lire “Emma dans la nuit” que j’ai trouvé original mais j’ai quand même des bémols (notamment des personnages pas forcément très bien incarnés)
je comprends tout à fait ce que tu dis concernant tes exigences vis à vis du polar, combien de fois ai-je eu envie de réécrire un livre pour en gommer les incohérences ou les tarabiscotages inutiles…
C’est quoi ces copies avec 4/20 ?!
Le côté glauque de l’intrigue ne m’attire pas trop en ce moment MAIS je dois saluer ta mise en scène photographique qui me fait mourir de rire, au seuil d’attaquer moi-même un paquet de copies. Je vais tâcher de garder en tête le titre du roman si un moment de découragement me saisit 😀