Rosemary’s Baby – Ira Levin

Traduction : Elisabeth Janvier
Editions Robert Laffont, Pavillons poche, 1967, 357 pages

 
Les premières phrases :

Rosemary et Guy Wendhouse venaient de signer un bail de location pour un appartement de cinq pièces dans un immeuble tout neuf et tout blanc de la 1ère avenue, quand une certaine Mrs Cortez leur téléphona pour leur annoncer qu’un quatre-pièces se trouvait libre au Bramford. Le Bramford est une monstrueuse bâtisse éléphantesque et victorienne où s’imbriquent une quantité d’appartements très hauts de plafond, particulièrement recherchés pour leurs cheminées de marbre et leur cachet vieillot. Rosemary et Guy étaient inscrits sur la liste d’attente depuis leur mariage, mais ils avaient fini par abandonner tout espoir.

 

L’histoire :
New-York, dans les années 60. Rosemary et Guy, jeunes mariés épanouis, emménagent dans l’appartement de leurs rêves, au septième étage du Bramford, un immeuble gothique très coté de l’Upper West Side. Ils font très rapidement la connaissance de leurs voisins retraités, Roman et Minnie Castevet, qui semblent porter une attention et une affection toute particulière au jeune couple. Quelques semaines après leur installation, Rosemary tombe enceinte après une nuit d’amour alcoolisée, tandis que Guy se voit enfin offrir le rôle de sa vie dans une pièce de théâtre, rôle qui donnera sans nul doute un nouvel essor à sa carrière de comédien. La grossesse de Rosemary s’avère douloureuse, d’autant plus que la jeune femme, en proie à de sinistres cauchemars, commence à s’interroger quant aux motivations réelles de ses voisins envahissants…

 

L’opinion de Miss Léo :

 

En voilà une bonne surprise ! Je me souvenais assez mal du film de Roman Polanski (vu il y a plus de quinze ans), aussi craignais-je qu’il n’y eût trop d’effets gore et de scènes “diaboliques” dans cette histoire de voisins sataniques et de bébé maléfique. Rien de tout cela au final ! Rosemary’s Baby est un excellent thriller psychologique, plutôt subtil, qui se déroule essentiellement dans la tête de Rosemary, en proie à une paranoïa grandissante.

 

“Je ne sais pas si vous êtes au courant, dit-il en tartinant de beurre un petit pain, mais le Bramford avait une réputation plutôt fâcheuse, au début du siècle.” (p.27)

 

L’on apprend de la bouche de Hutch, vieil ami et père de substitution de Rosemary, que le Bramford fut le lieu de résidence de deux vieilles dames cannibales, les soeurs Trench, ainsi que du tristement célèbre Adrian Marcato, un sorcier adorateur de Satan, qui finit lynché dans le hall de l’immeuble.

 

“Depuis toujours, le Bramford a connu un nombre impressionnant d’accidents suspects et particulièrement atroces, poursuivit Hutch. Et même dans un passé qui n’est pas si éloigné. En 1959, on a trouvé dans les sous-sols le cadavre d’un nouveau-né enveloppé dans un journal.” (p.29)

 

Voilà pour le décor ! Sympathique, non ?

 

Le malaise s’installe dès le suicide de Terry, une jeune voisine hébergée par les Castavet. Rosemary et Guy  sont alors continuellement sollicités par leurs vieux voisins, qui se montrent légèrement envahissants, pour ne pas dire étouffants (au grand désespoir de Rosemary).  L’atmosphère devient franchement pesante lorsque la jeune femme tombe enceinte, dans des circonstances particulièrement étranges. L’angoisse monte progressivement lors des premiers mois de grossesse de Rosemary, en proie à de violentes douleurs. Très amaigrie, d’une blancheur cadavérique, la future maman se met à avoir de subites envies de viande crue, allant jusqu’à avaler un coeur de poulet. A ce stade, le lecteur commence à se dire que le foetus n’est sans doute pas complètement normal !
La tension atteint son paroxysme lorsque Rosemary réalise qu’elle ne peut plus faire confiance à personne. Gynécologue, mari, voisins… Tous semblent de mèche ! On peut se demander si tout cela n’est pas une construction mentale de la jeune femme, perturbée par une grossesse difficile et un mari souvent absent.

 

Les personnages sont complexes et parfaitement crédibles. On notera l’évolution psychologique de Rosemary, loin d’être aussi naïve qu’il n’y parait, et qui prendra à la fin du roman une décision d’une importance capitale, par amour pour son enfant. Guy est un personnage très ambigu, acteur arriviste et opportuniste, dont les choix seront lourds de conséquences pour l’avenir du jeune couple.

 

Ira Levin nous offre un ouvrage sombre et très moderne, qui aborde des thèmes aussi variés que la maternité ou la vie conjugale, derrière une intrigue vaguement surnaturelle. Guy et Rosemary incarnent à merveille le jeune couple new-yorkais branché, qui emménage dans l’immeuble à la mode pour y fonder une famille. Ils boivent, fument, s’interrogent sur leur avenir… On croirait une comédie de moeurs des années 60 ! Le récit est très prenant (impossible de refermer le livre avant d’avoir lu la toute dernière page). La secte satanique est souvent évoquée, mais le roman ne contient aucune scène grand-guignolesque.

 

 
Tous ces ingrédients en font un cocktail des plus sympathiques, et m’ont donné envie de revoir le film de Roman Polanski dans la foulée. Celui-ci est extrêmement fidèle au livre, dont il reprend pratiquement toutes les scènes. Le Bramford est fantômatique à souhait (je crois que les extérieurs ont été tournés devant le Dakota), les acteurs tous excellents (Mia Farrow et John Cassavettes en tête), et l’angoisse subtilement distillée jusqu’au dénouement final. La scène du Scrabble est aussi réussie dans le livre que dans le film !
 

A lire ! Un très bon thriller, qui colle (un peu) la chair de poule.

 

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Je participe pour la première fois au challenge La littérature fait son cinéma chez Will. J’en profite également pour compléter une nouvelle case du challenge Petit Bac d’Enna, catégorie “Prénom”.
 

 

18 thoughts on “Rosemary’s Baby – Ira Levin

  1. J'ai vu récemment le film et j'étais vraiment agréablement surprise par l'histoire… et il n'y a pas de scènes grand-guignolesques dedans. Au contraire, il fait le subtil : jusqu'à la dernière minute on hésite… C'est à cette occasion d'ailleurs que j'ai vu que c'était inspiré d'un livre… Je verrai, pas dans l'immédiat mais ça me tente bien

    1. Le livre et le film sont de toute façon très proches. Lire le livre n'est pas forcément urgent si tu te souviens bien du film (de mon point de vue en tout cas).

  2. Alors comme je suis une grande froussarde, surtout quand c'est subtil et qu'on flirte avec la folie (les cauchemars après la lecture, je te raconte pas!), je passe mon tour.
    Mais que vois-je ? Te serais-tu inscrite à un nouveau challenge ??? (je viens de voir qu'en fait tu l'as marqué, mais j'avais capté avant) 😉

  3. Ah! en voilà encore un qui est sur ma PAL 😉
    Je l'avais acheté, parce que je connaissais le film (mais bon, ça fait plus de 10 ans que je ne l'ai plus vu); et aussi parce que j'aime bien cette collection.
    Enfin, aussi pour l'histoire qui donne des frissons!
    Tu me donnes envie de le faire remonter dans la liste des prochaines lectures!
    (Dans la même collection, j'avais aussi acheté Le parrain de Mario Puzzo… et là ça doit faire un an… hum 😉 )

    1. Moi aussi, j'aime bien la collection Pavillons.
      J'ai lu le Parrain il y a longtemps. Le livre est tout de même nettement moins bon que la trilogie (dont je suis une fan inconditionnelle).

  4. C'est un de mes romans cultes de mon adolescence, mainte fois relus 🙂 Par contre, je n'ai jamais adhéré à l'adaptation en film.

  5. Je l'ai dans ma PAL depuis un moment…et le pire c'est que j'adore le film de Polanski ! Je n'ai donc aucune excuse mais tu me donnes bien envie de l'ouvrir rapidement !

    1. Ce n'est effectivement pas le genre de film que je te conseillerais de voir là maintenant tout de suite ! Attends quelques mois. 😉

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