Le dilemne du prisonnier – Richard Powers

Titre original : Prisoner’s Dilemma
Traduction (américain) : Jean-Yves Pellegrin
Le Cherche-Midi (2013), Collection Lot 49, 1988, 500 pages

 

La première phrase :
Quelque part, mon père nous enseigne le nom des constellations.

 

L’histoire :
De Kalb, Illinois. Rien ne va plus dans la famille Hobson. Le père, professeur d’histoire charismatique et cultivé, amateur d’énigmes en tout genre, souffre depuis quelques années d’une étrange maladie. Ses quatre enfants devenus adultes cherchent à percer le mystère de la personnalité originale et déroutante de leur géniteur, lequel semble avoir toute sa vie dissimulé quelque lourd et envahissant secret. Et si la source de leurs maux était à chercher dans le passé d’Eddie Hobson ? De l’Exposition Universelle de New York en 1939 aux camps érigés par les Américains pour y interner leurs compatriotes d’origine japonaise pendant la Seconde Guerre Mondiale, en passant par les films de Walt Disney et la contribution d’Hollywood à l’effort de guerre, c’est tout un pan de l’Histoire récente des Etats-Unis qui ressurgit alors sous forme de flash-backs.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

J’avais été littéralement époustouflée par Gains, petit bijou d’intelligence et d’émotion entremêlées, dont je conserve à ce jour un souvenir très puissant, tout juste un an après en avoir terminé la lecture. Aussi n’ai-je pas hésité bien longtemps lorsque j’ai découvert que le présent opus faisait partie de la liste proposée par Babelio pour la dernière édition de Masse Critique. J’ai ainsi eu la chance d’être choisie pour recevoir Le Dilemne du Prisonnier, qui marque mes retrouvailles avec Richard Powers, dont les anciens romans sont peu à peu traduits et publiés en français, sous l’impulsion des éditions du Cherche Midi.J’étais particulièrement enthousiaste en débutant ma lecture, mais je reste toutefois sur un avis mitigé, ainsi que sur un léger sentiment de frustration. J’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à rassembler mes idées pour rédiger une critique cohérente, et cela fait maintenant presque dix jours que ce billet est en cours de rédaction ! Ce roman m’a plu dans les grandes lignes : je l’ai trouvé intéressant, et j’ai une nouvelle fois pu apprécier à sa juste valeur la grande richesse thématique de l’oeuvre du romancier américain. La partie “historique” du récit est fascinante, et offre un regard éclairé sur des événements clés de l’histoire américaine , dont le jeune Eddie Hobson fut jadis le témoin : internement des ressortissants japonais, développement de l’industrie du divertissement, films de propagande, premier essai nucléaire à Los Alamos… Autant de sujets qui me passionnent, et qui témoignent de l’extraordinaire polyvalence de Powers, lequel s’intéresse tout autant aux sciences qu’à l’art, à l’économie ou à la politique. J’ai aimé les références à Frank Capra et au cinéma hollywoodien, et j’ai trouvé que le rôle joué par Walt Disney dans le récit était plutôt original. Dans un tout autre registre, j’ai également apprécié la façon dont Richard Powers décrit la cellule familiale, qui vacille davantage à chaque crise du père, mais dont les relations n’en demeurent pas moins empreintes de tendresse. C’est là l’une des grandes forces de l’auteur, lequel entremêle harmonieusement Histoire universelle et destins individuels, imbriqués au sein d’une seule et même intrigue ; son imagination foisonnante, doublée d’une formidable érudition, ne l’empêche pas de développer par ailleurs une remarquable sensibilité, et les scènes intimistes sont tout aussi réussies que les chapitres envisageant avec une rigueur quasi encyclopédique les faits marquants du siècle passé. Pour toutes ces raisons, son roman reste constamment à échelle humaine, ce qui en rend la lecture très agréable.
 
Le Dilemne du Prisonnier, deuxième roman de Powers, se révèle toutefois moins convaincant que Gains, dans lequel le procédé trouvait en quelque sorte son aboutissement. Les enjeux dramatiques y étaient autrement plus poignants, et il s’en dégageait une impression de force et de cohérence que je n’ai malheureusement pas retrouvée ici. J’ai pourtant lu relativement facilement les presque cinq-cents pages qui constituent le présent opus, mais j’ai parfois eu la sensation de “décrocher”, de rester en dehors de l’intrigue. La construction est assez déroutante, et l’entrée en matière abrupte ne facilite pas la tâche du lecteur, qui se retrouve immergé sans le moindre repère dans un univers pour le moins hermétique. Il est parfois difficile d’identifier ce qui est du domaine du rêve, du récit circonstancié ou des souvenirs, et la narration souvent complexe, voire confuse, fait que l’on a parfois du mal à saisir le pourquoi du comment. Pour être honnête, on s’y perd un peu, et j’ai le sentiment de ne pas avoir tout compris, d’être passée à côté de certains aspects du récit ! Bref, tout cela est fort déconcertant, et, si j’ai apprécié la trame générale du roman, je reste malgré tout dubitative quant à certains développements de l’intrigue.

 

Pour l’anecdote, sachez que le titre trouve son origine dans une expérience menée dans le cadre de la théorie des jeux, appliquée aux sciences sociales et à la psychologie, dans le but d’illustrer le conflit entre intérêt individuel et intérêt collectif (tout cela est d’ailleurs fort bien expliqué par Powers).Pour conclure, je dirais que Le Dilemne du Prisonnier n’est pas un roman inintéressant (bien au contraire), mais qu’il s’agit sans doute d’un texte mineur dans l’oeuvre du romancier. Il faudrait évidemment que j’en lise d’autres pour affiner mon point de vue !
 
Un Richard Powers inégal, passionnant à bien des égards, cependant assez confus dans sa construction, et finalement assez difficile d’accès. Je vous recommande de commencer par un autre titre si vous souhaitez découvrir l’auteur !

 

Je remercie Babelio et Le Cherche Midi pour cette lecture enrichissante.
 
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Nouvelle participation au Challenge US, organisé par Noctenbule. Livre lu dans le cadre de l’opération Masse Critique, organisée par le site Babelio.

 

 

22 thoughts on “Le dilemne du prisonnier – Richard Powers

  1. Bon billet, bonne présentation (j'ai lu le livre et ai eu du mal à en parler clairement)
    Ce roman est le deuxième de l'auteur (les traductions sont un peu dans le désordre) ce qui explique peut être qu'on ait une impression confuse ou inaboutie. Cependant Powers demeure intéressant et je ne saurais trop te conseiller de lire d'autres titres! Par exemple La chambre aux échos ou Le temps où nous chantions.

  2. Je n'ai dans ma PAL mais pas encore ouvert, ton billet semble faire échos à ce que j'ai déjà lu ailleurs. "Gains" m'avait beaucoup intéressée mais certains passages m'avaient déjà semblé un peu longuets.

  3. Comme toi, j'ai aimé "gains" et j'ai reçu celui-ci par Babelio. J'avoue ne pas l'avoir terminé (ce qui est rare) et pourtant ce n'est pas faute de m'y être reprise plusieurs fois…A se demander si c'est le même auteur !

  4. Lorsque je l'ai vu à la bibliothèque, j'ai justement pensé à toi ! Je me souviens toujours de ton magnifique billet sur "Gains" qui est toujours en tête des livres que j'ai envie de découvrir …

  5. J'ai lu et adoré "Le temps où nous chantions" de Powers. Pourtant, ses autres romans ne m'ont jamais tenté. Même si je l'avais dévoré, je lui reconnais un côté complexe, pas toujours évident. Mais vu que l'histoire et le sujet étaient passionnants, je suis passée outre. Par contre, pour ses autres textes, le sujet ne me tente pas au point de replonger dans l'univers très intellectuel de Powers.

    1. Je pense que "Le temps où nous chantions" sera mon prochain. Plusieurs personnes me l'ont conseillé ! Il est vrai que certains de ces romans m'attirent un peu moins…

  6. Je n'ai lu que Trois fermiers s'en vont au bal, son premier roman mais je n'avais pas trop aimé. Mais j'ai de plus en plus envie de lire Gains pour m'en faire une autre idée.

  7. Malgré tout ton billet me fait envie, je n'arrive pas à lire cet auteur… Mais celui-ci est sur ma PAL, je ne désespère pas!

    1. Celui-ci n'est probablement pas le meilleur… Powers n'est pas un auteur facile, et je pense que ses romans sont difficiles à lire si on n'accroche pas dès le départ.

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