Hyperion – Dan Simmons

Edition incluant Hyperion et The Fall of Hyperion
Gollancz, Orion Books, 1989, 350 + 429 pages

 
La première phrase :

The Hegemony Consul sat on the balcony of his ebony spaceship and played Rachmaninov’s Prelude in C-sharp Minor on an ancient but well-maintained Steinway while great, green, saurian things surged and bellowed in the swamp below.

 
L’histoire :

Nous sommes au XXVIIIème siècle, alors que la Terre n’est plus qu’un lointain souvenir. Avec l’aide des Intelligences Artificielles, les humains ont colonisé des centaines de planètes, organisées en confédération et reliées entre elles par des farcasters (portails de téléportation). L’Hégémonie doit cependant faire face aux attaques répétées des Ousters, un groupe d’humanoïdes dissidents et technologiquement très avancés, qui semblent désormais en position de l’emporter. La présidente Meina Gladstone envoie alors sept pèlerins sur la planète Hyperion. Leur mission : rejoindre les Tombeaux du Temps pour y rencontrer le Shrike, un monstre métallique et sanguinaire faisant par ailleurs l’objet d’un culte religieux. Les sept pèlerins font connaissance à bord du vaisseau qui les emmène sur Hyperion. A tour de rôle, ils vont évoquer leur histoire, leur parcours, et révéler le motif qui a poussé chacun d’entre eux à s’engager dans cette aventure à l’issue incertaine.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Résumer Hyperion est une tâche vaine et ardue. Peu importe ! Mieux vaut se plonger dans le livre, et prendre le temps de découvrir soi-même de quoi il retourne. J’ai en effet pris un réel plaisir à me laisser surprendre par les personnages et l’univers créés par Dan Simmons, sans rien connaître de l’histoire au préalable. Je n’avais d’ailleurs aucun à priori avant de débuter ce roman, si ce n’est que mon cher F. me tannait depuis des années pour que je le lise, affirmant qu’il ne s’agissait rien moins que du “meilleur livre de SF de tous les temps”.  Soit. N’étant pas fan du genre, j’ai donc passé avec F. le marché suivant : “OK, je lis Hyperion… si tu lis Pride and Prejudice !”. Deal. J’ai rempli ma part du contrat. J’attends maintenant que F. respecte son engagement.

 

Dan Simmons

 

Pour être honnête, je remercie F. de m’avoir forcé la main, car j’ai réellement adoré. Le récit est passionnant, complexe, et fait la part belle aux personnages, tous intéressants, auxquels il est extrêmement facile de s’attacher. Hyperion s’apparente au genre space opera. L’action se déroule par conséquent dans un monde fictif très riche, qui se dévoile peu à peu au lecteur, à travers les récits des différents protagonistes.

 

J’éprouve généralement beaucoup de difficulté à rentrer dans les univers SF. Je me perds dans les lieux, je mélange les noms des différentes peuplades et créatures, et je peine à me représenter ces mondes imaginaires, qui ne suscitent aucune résonance dans mon esprit. Plus grave, j’ai souvent du mal à saisir les enjeux et les motivations des personnages, ce qui peut se révéler particulièrement handicapant (voire passablement ennuyeux). Hyperion ne fait pas exception à la règle : j’ai effectivement mis du temps à rentrer dans le roman, mais la période d’adaptation fut cependant plus courte qu’à l’accoutumée. D’abord perplexe devant cette histoire de Shrike et de Tombeaux du Temps qui ne m’intéressait guère, j’ai ensuite été captivée d’un bout à l’autre, malgré quelques petites baisses de régime et d’attention (notamment lors des scènes d’action du récit de Brawne Lamia).  Le talent de Dan Simmons y est évidemment pour beaucoup !

 

 

L’écriture est très fluide, et la lecture s’effectue sans accrocs. J’ai aimé la construction de ce premier tome, au cours duquel les pèlerins font tour à tour le récit de leur propre expérience. Le style change d’une histoire à l’autre, et l’auteur nous offre successivement un angoissant récit d’horreur avec le prêtre Lenar Hoyt, une épopée guerrière et romanesque avec le soldat Fedmahn Kassad, une fable métaphysique sur les affres de la création artistique avec le poète Martin Silenus, un drame fantastique avec l’universitaire Sol Weintraub, un roman noir cyberpunk avec la détective Brawne Lamia (que l’on croirait sortie d’une nouvelle de Raymond Chandler), et enfin une romance tragique avec le Consul.  L’intérêt du lecteur est constamment ravivé, chaque récit présentant sa dose de suspense et de rebondissements. Les personnages sont fouillés, humains, et leurs motivations parfois ambiguës. C’est drôle (parfois), intéressant (souvent) et palpitant (toujours) !

 

La qualité d’Hypérion ne se résume évidemment pas aux seuls personnages, tout intéressants qu’ils soient. Comment ne pas être séduit par la richesse des thèmes et des univers explorés ? De vastes mondes se déploient ainsi sous nos yeux, de la très urbaine capitale Tau Ceti Center (TC² pour les intimes) aux étendues sauvages de la rebelle Maui Covenant, en passant par la mystérieuse Hyperion, dont semble dépendre le destin de l’humanité (il y en a plein d’autres, mais ce sont les seuls noms que j’ai retenus). La vie quotidienne des citoyens de l’Hégémonie nous est peu à peu dévoilée : véhicules, vêtements, culture, politique, économie, voyages interstellaires, sommeil cryogénique, armée, Intelligences Artificielles, religion… Tous les domaines sont abordés, et le roman est une mine de trouvailles géniales ! Je vous recommande plus particulièrement les cybrides, plus humains que les humains (ce n’est pas Brawne Lamia qui me contredira), ou encore le programme d’entraînement des militaires, dont la formation consiste à revivre de bonnes vieilles batailles bien de chez nous. C’est d’ailleurs sur la fameuse branlée bataille d’Azincourt que s’ouvre le récit de notre fougueux ami Kassad. Bon, et puis, pour ceux qui n’auraient pas la patience d’attendre, sachez qu’un cybride est un organisme biologique muni d’une mémoire et d’une intelligence artificielles. Je n’en dis pas plus !

 

 

Hyperion possède également un petit côté érudit, ce qui n’enlève évidemment rien au plaisir (bien au contraire). On notera ainsi la place importante accordée à la littérature et à la poésie (premières amours de Dan Simmons), notamment à travers le personnage de Martin Silenus, poète bicentenaire en exil.  John Keats est par ailleurs l’une des figures centrales du roman, ce qui n’a rien d’étonnant, quand on sait qu’il composa en 1820 une célèbre épopée en vers, qu’il intitula… Hyperion (comme le Titan) ! La religion, à travers ses cultes et ses symboles, est également l’un des thèmes essentiels de cette oeuvre étonnante, dont on ne peut nier la portée philosophique et métaphysique. Comme souvent, la science-fiction suscite la réflexion, et invite le lecteur à s’interroger sur le devenir de la Terre et de l’humanité (un sujet encore plus poignant de nos jours qu’il y a vingt ans).

 

Je recommande en tout cas vivement ce roman, y compris à celles et ceux que la science-fiction rebuterait. Je suis pour ma part très enthousiaste, et j’ai évidemment hâte de lire la suite (The Fall of Hyperion), ainsi que le cycle d’Endymion, dont l’action se déroule quelques décennies après les événements relatés dans les deux premiers volumes. Je suis par ailleurs plus que jamais décidée à me plonger très rapidement dans le fameux Drood, du même auteur, que j’ai reçu en cadeau pour mon anniversaire.

 

Un grand roman de science-fiction ! Coup de coeur.

 

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Et une nouvelle lecture en anglais pour le défi de Missbouquinaix !

 

10 thoughts on “Hyperion – Dan Simmons

  1. J'ai compris la leçon, il faut falloir que je me mette à la SF (oui, j'ai l'impression de me redire). Bises et bravo pour cet article fort documenté.

    1. Merci. La SF me fait un peu peur, et j'ai comme toi quelques lacunes en ce domaine. Hyperion vient cependant de me réconcilier avec le genre, et je n'exclus pas de tenter d'autres auteurs prochainement.

  2. Drood et terreur me tentent énormément ! J'ai bien envie de rajouter Hyperion à ma liste : alors que je suis assez réfractaire à ce genre – je suis en train de m'ennuyer avec les martiens de Bradbury, pas complètement mais un peu ! – je suis bien tentée grâce à ton billet si bien écrit !

    1. Je n'ai pas lu Chroniques Martiennes, et ne peux donc pas comparer. Tu devrais tenter Hyperion. L'ennui pouvant éventuellement être généré par le côté purement SF (mondes futuristes et créatures étranges) y est totalement compensé par le développement des personnages et l'ampleur du récit. Après, je comprendrais tout à fait que l'on puisse ne pas aimer. Cela reste malgré tout de la SF !

  3. je ne connais ce livre que de nom mais en tant que fan de SF je note. Après, pour tes remarques sur le genre et le fait que tu te perds avec les lieux et les personnages je trouve qu'on se repère plus vite quand on prend l'habitude de lire de la SF, donc tu seras bientôt accro 🙂

    1. Lis-le !!! C'est un ordre. 😉
      Plus sérieusement, j'essayerai prochainement de me frotter à d'autres auteurs SF. Lesquels me conseillerais-tu ? J'ai déjà lu quelques "classiques (Asimov, Dick), mais ma connaissance du genre s'arrête là.

  4. J'avoue que quand j'avais vu le titre de ton article s'afficher dans ma blogroll, je n'ai pas sauté sur ton billet. Car moins non plus évidemment je n'aime pas la SF (le retour du côté flippant : je ne retiens pas les noms, je ne m'imagine pas les créatures et les mondes non plus). C'est pour çà que je préfère voir des films de SF parce qu'au moins c'est livré tout cuit (même si souvent on en perd en subtilité).
    Tout ca pour dire que je suis convaincue, que j'hésitais à le lire en anglais et que le destin a décidé pour moi il est indispo en poche et à 13€ en ebook français contre 4€ en anglais. Le choix n'est pas cornélien.
    Je me demande bien ce que F. pensera de P&P !

    1. Je comprends tout à fait que tu ne te précipites pas sur la chronique d'un roman SF (j'ai moi aussi tendance à les laisser passer). Tout à fait d'accord aussi concernant les films, qui proposent une vision cohérente d'un univers que j'ai du mal à visualiser par ailleurs. Cela peut cependant être assez laid, et ne rend pas toujours justice à la richesse de l'univers créé par l'auteur du livre (j'ai par exemple du mal à imaginer Hyperion adapté au cinéma).
      J'ai hâte de savoir ce que tu vas en penser !

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