Aux portes de l’éternité (Le siècle 3) – Ken Follett

Tome 1 : Fall of Giants
Tome 2 : Winter of the World
 

Titre original : Edge of Eternity
Traduction (anglais) : Jean-Daniel Brèque, Odile Demange, Nathalie Gouyé-Guilbert, Dominique Haas (ça fait beaucoup, non ???)
Robert Laffont, 2014, 1210 pages

 
La première phrase :

Par un lundi pluvieux de 1961, Rebecca Hoffmann reçut une convocation de la police secrète.

 

L’histoire :
1961. La Guerre Froide est à son apogée. De Berlin à Moscou en passant par Washington, Londres, Cuba, le Vietnam et la Pologne, les rejetons des familles Pechkov, Fitzherbert, WilliamsDewar et Von Ulrich (déjà présentes dans les deux premiers tomes) traversent trois décennies de troubles politiques et sociaux, qui finiront par avoir la peau du régime communiste. Le rock’n’roll prend son envol, tandis que Martin Luther King lutte pour les droits civiques des afro-américains, avec la bénédiction du président Kennedy. Les années soixante sont marquées par l’édification du Mur de Berlin et la crise des missiles de Cuba, sur fond de libération des moeurs à l’Ouest. Le contraste entre les deux Blocs s’amplifie, et la frustration des populations grandit à l’Est…

 

L’opinion de Miss Léo :

 

J’avais été très sévère vis à vis du premier tome, un peu plus indulgente envers le deuxième (Seconde Guerre Mondiale oblige), malgré d’invraisemblables coïncidences. Qu’en est-il de ce troisième opus ?Je suis extrêmement mitigée. Soyons clairs : je suis toujours enthousiaste à l’idée de me plonger dans un bon gros pavé de Ken Follet, auteur pour lequel j’éprouve de la sympathie. Oui, mais voilà : la mayonnaise ne prend plus tout à fait, et je suis de plus en plus agacée par les défauts de ses romans, lesquels deviennent de plus en plus flagrants à chaque nouvelle publication. Deviendrais-je exigeante ??  Je ne peux m’empêcher de penser que ce troisième tome a été bâclé, rédigé en quelques mois pour conclure dans les plus brefs délais une trilogie à vocation exclusivement commerciale.
 
Et pourtant… Quel beau projet que cette chronique familiale ayant pour toile de fond les guerres et les bouleversements majeurs de notre regretté XXème siècle ! Le contexte historique et l’ampleur de l’entreprise expliquent d’ailleurs pourquoi je n’ai pu m’empêcher d’aller au bout des trois tomes, tout en m’énervant et râlant copieusement toutes les deux ou trois pages. Ma position est donc très ambiguë, pour ne pas dire contradictoire… Je ne me suis pas ennuyée, et j’ai d’ailleurs lu rapidement (trop rapidement ?) ce dernier volume, que j’avais très envie de découvrir. Hélas ! Le style est fluide, mais le vocabulaire est d’une platitude et d’une pauvreté consternantes chez un auteur de cette renommée. La narration efficace ne peut quant à elle masquer l’indigence de certaines situations, et j’ai une nouvelle fois été gênée par le simplisme et le manichéisme des personnages, qui en deviennent franchement antipathiques. Les “héros” sont brillants (évidemment), et occupent des places de choix au sein du gouvernement, de la CIA, du Parlement, des mouvements subversifs, du Kremlin, des émissions de variété à la mode (rayez les mentions inutiles), où ils côtoient les puissants de ce monde. C’est bien simple : ils participent à TOUS les événements marquants du XXème siècle, et sont de TOUS les combats du XXème siècle. Quelle famille ! (mais non, mais non, je ne suis pas du tout ironique) Les démocrates américains et travaillistes anglais incarnent les gentils de l’histoire, tout comme les jeunes futurs hippies drogués amateurs de rock’n’roll, musiciens et rebelles, donc forcément sympathiques ; tous les autres protagonistes (républicains, conservateurs et communistes) sont bêtes et méchants. CQFD. Vous l’aurez compris, le point de vue adopté par Ken Follett est très “grand public”, et l’intrigue ne brille pas par sa subtilité. Cela fonctionne plus ou moins en surface, mais le texte ne supporte en aucun cas une analyse plus poussée.
 
L’ensemble manque cruellement de souffle, de profondeur et de panache. Le récit est très factuel, et se résume à un enchaînement d’événements historiques, certes présentés avec rigueur, mais néanmoins liés entre eux de façon très artificielle. Les personnages sont fades, sans intérêt, et l’on se désintéresse bien vite de leur sort. A quoi bon s’obstiner, puisque tous finiront de toute façon connaître le succès ? Les héros de Ken Follett sont désespérément lisses, et il est navrant de constater que pas un d’entre eux n’exerce un métier “normal” (Rebecca Hoffmann est enseignante, mais s’accomplit en devenant une député(e) de premier plan), ce qui rend toute identification difficile, voire impossible. Bien sûr, certains sont plus attachants que d’autres. Ma préférence va aux allemands (de l’Est), qui m’avaient déjà beaucoup plu dans le deuxième tome. Le tragique destin des berlinois, privés de libertés et surveillés de près par les agents de la Stasi, nous vaut d’ailleurs les seules scènes réellement émouvantes du roman, et les passages associés à la construction puis à l’effondrement du mur de Berlin sont particulièrement réussis. J’ai également apprécié la combativité de la jeune russe Tania Dvorkine, en lutte contre le régime soviétique, mais celle-ci est trop peu présente à mon goût (peut-être l’auteur aurait-il mieux fait de se concentrer sur un nombre plus restreint de personnages). Autre moment fort : la crise des missiles de Cuba, dont Ken Follett nous aide à saisir la tension et les enjeux. Comme dans le deuxième tome, les passages les plus intéressants sont ceux dans lesquels les personnages principaux ne jouent qu’un rôle très secondaire, ce qui permet à l’auteur de se recentrer sur l’essentiel, à savoir l’Histoire.

 

Aux portes de l’éternité demeure néanmoins trop superficiel pour présenter un réel intérêt historique. Peut-être l’entreprise était-elle trop ambitieuse… Peut-être le fait de vouloir présenter la totalité du XXème siècle en trois volumes et autour d’un nombre réduit de personnages était-il depuis le début une fausse bonne idée… La trilogie dans son ensemble est bien documentée (même si l’auteur me semble prendre parfois quelques libertés avec la vérité historique), mais les événements relatés sont connus, et ont déjà été largement commentés par ailleurs. On peut donc s’interroger sur l’utilité d’un tel ouvrage.

 

Le roman aurait sans doute été meilleur si Ken Follett en avait davantage soigné la partie fictive, qui aurait pu donner lieu à un récit terriblement romanesque. Là encore, échec sur toute la ligne. Les dialogues sonnent creux, et semblent surtout terriblement répétitifs. Exemple : chaque contrariété de George Jakes est ponctuée d’un “Oh, merde !” (bonjour l’originalité). Les histoires d’amour sont mièvres, et ne valent guère mieux que celles d’une sitcom ou d’un soap de bas étage, sans parler des innombrables scènes de sexe à l’érotisme gentillet, dont l’auteur est coutumier, dignes d’une (mauvaise) bluette pour adolescents. Trop, c’est trop ! J’ai failli jeter le livre par la fenêtre lors du dépucelage de l’une des jeunes héroïnes du roman par… JFK en personne. Au secours !

 

La quatrième de couverture annonce un roman “entre saga historique et roman d’espionnage, histoire d’amour et thriller politique”. Mouais… Aux portes de l’éternité est surtout (de mon point de vue) un produit formaté, purement commercial et pas particulièrement stimulant pour le lecteur. Je suis consternée par la prolifération d’avis dithyrambiques concernant cette trilogie. Je comprends parfaitement que l’on puisse la lire paresseusement et sans déplaisir, mais de là à crier au chef d’oeuvre… Je suis pour ma part soulagée de l’avoir terminée. On est décidément très (très très) loin des Piliers de la terre (peut-être le seul très bon roman de Ken Follet, avec L’arme à l’oeil), dont la suite était également particulièrement décevante. Il est grand temps que l’auteur se renouvelle !
 
 
Un pavé décevant, qui se lit pourtant très facilement.
 
Merci à Cécile, des éditions Robert Laffont.
 
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Voici mon Pavé de novembre, pour le challenge de Bianca.
 

11 thoughts on “Aux portes de l’éternité (Le siècle 3) – Ken Follett

  1. Je suis à peu près sûre que je ne serais pas allée jusqu'au tome 3 si j'avais été aussi peu emballée par les premiers volumes… Et j'ai plein d'autres pavés qui m'attendent…

    1. Je suis un peu masochiste… Je n'aurais pas lu le tome 2 si je n'étais pas tombée dessus par hasard à la bibliothèque, et le tome 3 m'a été proposé en SP. J'avais tout de même envie de voir comment des événements aussi marquants que la construction du Mur ou les crises de la Guerre Froide seraient traités par l'auteur… Mais c'est sûr que j'ai de bien meilleurs livres qui m'attendent dans ma PAL !

  2. Bon, j'hésitais à commencer avec le premier, pour faire la série, mais je vais suivre l'avis de Sandrine, j'ai d'autres pavés sous le coude …

    1. Beaucoup de gens sont fans de cette trilogie (et ont adoré le premier tome). Je n'ai pas détesté (je ne serais pas arrivé au bout si cela avait été le cas), mais j'ai parfois eu la sensation de perdre mon temps, tellement le propos me paraissait tiré par les cheveux, et les personnages superficiels. Il vaut mieux lire tes autres pavés !

  3. J'ai le premier tome dans ma Pal et je comptais les avoir tous avant de me lancer mais après la lecture de ton billet, je crois je vais d'abord lire le tome 1, en espérant être plus séduite que toi

  4. J'ai beaucoup aimé les deux premiers tomes malgré des invraisemblances notamment plus flagrantes sur le deuxième tome. Je n'ai pas encore lu ce tome mais j'hésite car j'ai pu lire de nombreux avis mitigés et en plus, j'avoue que je ne me souviens plus du tout de la généalogie des personnages ! Je suis dans le floue totale…j'ai peur de me perdre dans l'histoire !

  5. Au risque de paraître contradictoire, j'ai personnellement découvert Ken Follett avec "Les Piliers de la Terre" et, contre toute attente et malgré mon enthousiasme initial, j'ai été plutôt déçu. En fait je l'ai un peu lu comme tu as perçu "Aux Portes de l'Eternité" : je ne me suis pas ennuyé mais je n'ai pas trouvé cela extraordinaire – loin de là ! – et je ne comprends vraiment pas d'où vient cet engouement incompréhensible pour ce livre. Pour "le Siècle" je n'ai lu que "L'Hiver du Monde" et, bien que je lui reconnaisse des défauts, je trouve qu'il a bien plus de relief que "Les Piliers de la Terre". Il a peut-être plus de défauts également, mais je préfère une oeuvre avec des points forts et des points faibles plutôt qu'une oeuvre n'affichant au final ni les uns ni les autres. J'ai récupéré le tome 3 du Siècle en numérique et je compte le lire, ne serait-ce que pour comparer avec le tome 2 (et voir s'il s'agit uniquement d'une question de goût, peut-être de prédisposition pour le sujet ou autre…).

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