Un océan d’amour – Wilfrid Lupano et Gregory Panaccione

Delcourt, Collection Mirages, 2014, 224 pages

 

L’histoire :

 

Il était une fois un pêcheur breton égaré en mer, tout juste pourvu de quelques boîtes de sardines et d’une mouette pour seule compagnie. Il était une fois une vigoureuse et robuste Bigoudène, lasse d’attendre en vain son mari disparu. Commence alors pour chacun des deux époux une longue quête désespérée, ponctuée d’aventures rocambolesques sur fond d’océan déchaîné.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Je ne remercierai jamais assez mon amie Blandine pour m’avoir permis de découvrir ce petit bijou, vers lequel je ne me serais peut-être pas tournée spontanément. Il faut dire que la mer et la pêche ne comptent pas parmi mes principaux centres d’intérêt, malgré toute l’affection que je porte à la Bretagne. Je suis davantage attirée par les galettes, les kouign-amanns, les paysages rocailleux et les bouteilles de cidre brut que par le déferlement des vagues sur la coque des chalutiers rongés par la rouille ou l’odeur des sardines à l’huile. D’ailleurs, j’ai le mal de mer, et je préfère le maquereau. Je partais donc avec un sérieux handicap !
 

 
Bref. J’étais curieuse, mais je ne m’attendais pas à aimer autant cette BD sans texte, dont la trame se révèle pourtant d’une richesse et d’une finesse insoupçonnées. On y retrouve l’humour et la subtilité de Wilfrid Lupano, déjà à l’oeuvre dans Les vieux fourneaux (tiens, ça me rappelle que je n’ai toujours pas lu le second tome). L’absence de parole ne nuit pas à l’intérêt ou au rythme de l’histoire, bien au contraire. Les péripéties sont menées tambour battant, et réservent leur lot de surprises, de plus en plus folles, de plus en plus énormes au fur et à mesure que l’on progresse dans le récit. Le contraste entre l’allure et l’éducation traditionnelles de la Bigoudène et la superficialité bling-bling du monde moderne auquel elle se retrouve confrontée par la force des choses crée un décalage saisissant, qui amuse autant qu’il interpelle. Le pêcheur égaré doit quant à lui faire face à l’isolement du navigateur solitaire, au cours d’un long périple ponctué de rencontres fortuites et plus ou moins amicales…
 

On ne s’ennuie pas un instant, mais tout cela ne serait rien sans la formidable humanité insufflée par les auteurs aux personnages de cette fable pleine de tendresse. Emotion et poésie sont au rendez-vous, et le couple formé par le pêcheur et son épouse finit par acquérir une véritable épaisseur. La Bigoudène en particulier révèle une force de caractère et une obstination insoupçonnées !

 

 

Un océan d’amour dispense également en filigrane un message écologique subtil, qui a le bon goût de ne jamais devenir moralisateur (heureusement, car cela aurait rapidement pu me gonfler). Oiseaux mazoutés, ravages de la pêche intensive des chalutiers à gros tonnage, inconscience d’une civilisation occidentale avide de plaisirs faciles ou encore pollution des océans : Lupano et Panaccione font mouche, et je ne suis pour ma part pas près d’oublier cette vision déprimante du bateau de notre ami pêcheur se frayant péniblement un chemin au milieu d’une innommable marée d’immondices et de détritus…
 

 
Le constat est accablant… Je tiens néanmoins à rassurer les éventuels futurs lecteurs : le message est certes percutant, mais le récit reste avant tout drôle et ancré dans le quotidien (la BD s’ouvre d’ailleurs sur la confection d’un petit-déjeuner typiquement breton). Il s’agit également d’une très belle histoire d’amour, comme vous n’en avez jamais lu !
 

Pour résumer : tout m’a plu dans cet album plein de charme et tout public, qui se trouve également être un magnifique objet, que je me réjouis de pouvoir ranger dans ma bibliothèque (j’aime beaucoup ce format des éditions Delcourt). La quatrième de couverture est amusante, je vous invite à la lire si vous croisez cet ouvrage en librairie.
 
 
Un chef d’oeuvre ! Coup de coeur.

 

10 thoughts on “Un océan d’amour – Wilfrid Lupano et Gregory Panaccione

  1. Il faudrait quand même que je me décide à l'acheter. Je tourne autour depuis sa sortie, mais j'ai tant de BD à lire et de séries BD en cours que je diffère. Mais ton billet ravive l'envie : je suis sensible à ce que tu dis sur le message écolo par lourdingue, moi aussi ça peut me soûler très vite.

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