Kerfol et autres histoires de fantômes- Edith Wharton

Traduction : Jean-Pierre Naugrette
Les Classiques de Poche, Le Livre de Poche, 2011, 251 pages

 

La première phrase :
“Vous devriez l’acheter, dit mon hôte ; c’est l’endroit rêvé pour un diable de misanthrope tel que vous.”

 

L’histoire :
Cinq nouvelles. Cinq histoires de fantômes.
 
– Kerfol (1916)
– Les yeux (1910)
– L’ensorcelé (1925)
– Le miroir (1935)
– Après coup (1910)

 

L’opinion de Miss Léo :

 

On ne présente plus Edith Wharton, qui nous gratifia jadis de quelques-uns des plus beaux romans de la littérature américaine. Peut-être ignoriez-vous que cette chère Edith fut également “responsable” de quelques dizaines de nouvelles (plus de quatre-vingt, si j’en crois la préface du présent opus), parmi lesquelles figurent notamment une bonne douzaine d’histoires fantastiques. Les cinq textes réunis dans ce recueil bénéficient d’une excellente édition, soigneusement introduite et annotée par le traducteur Jean-Pierre Naugrette, par ailleurs spécialiste de Conan Doyle et Stevenson. Je vous recommande vivement la lecture de la présentation rédigée par ce dernier, qui propose quelques pistes d’analyse intéressantes, apportant ainsi une indéniable plus-value à l’ouvrage.

 

Kerfol et autres histoires de fantômes traînait sur ma pile depuis plus de trois ans (c’est comme souvent à notre amie Mrs Figg que je dois cet achat). J’étais évidemment très intriguée à l’idée de découvrir une nouvelle facette du talent de la romancière, moi qui ne me suis jamais totalement remise de ce double chef d’oeuvre que constituent The Age of Innocence et son adaptation cinématographique. Les cinq nouvelles sont très différentes les unes des autres, et laissent transparaître l’influence de différents auteurs anglo-saxons, de Conan Doyle à Washington Irving, en passant par Poe et le romantisme gothique des soeurs Brontë (tiens, ça me rappelle que j’ai justement prévu de relire Wuthering Heights dans un futur proche). Revenants, manoirs hantés, mediums, visions fantasmagoriques angoissantes : les principaux thèmes fantastiques de la littérature sont ici revisités avec finesse, et j’ai été séduite par l’atmosphère qui se dégage de ce recueil, lequel nous entraîne tour à tour en Nouvelle Angleterre, dans le Dorset ou sur les terres d’un ancien seigneur breton.La première nouvelle, Kerfol, a pour cadre une vieille demeure isolée dans la lande, hantée par une étrange meute de chiens-fantômes (dont les aboiements ne semblent pas effrayer le narrateur outre mesure). On pense évidemment au Chien des Baskerville (la ressemblance n’est sûrement pas fortuite) ! Les autres textes sont moins gothiques, et touchent davantage à l’intime, les personnages d’Edith Wharton se retrouvant confrontés à des apparitions surnaturelles incarnant avant tout leurs propres désirs ou démons intérieurs. La romancière exploite une veine psychologique, totalement dépourvue d’effets horrifiques ou de rebondissements spectaculaires. Elle parvient à installer une ambiance troublante, jouant sur les craintes et les envies des protagonistes, qui aiment à se retrouver dans le climat feutré de leurs bibliothèques pour s’y raconter des histoires de fantômes… jusqu’au jour où ils se retrouvent eux-mêmes confrontés à l’inexplicable (la nouvelle Les yeux est à cet égard parfaitement réussie). L’ensemble est extrêmement bien écrit, et la plume incisive de Wharton se distingue comme toujours par son charme et sa pétillante ironie.

 

Je demeure toutefois sur la réserve quant au format de ces nouvelles, les textes courts n’étant généralement pas ma tasse de thé (exception faite de quelques auteurs tels que Singer ou Zweig, auxquels je voue un culte éternel). Toutes n’ont pas le même impact, et j’ai trouvé que les chutes étaient très inégales : certaines tombent un peu à plat, et je suis restée plusieurs fois sur ma faim, ce qui est souvent le cas avec les recueils de nouvelles, que j’ai parfois du mal à terminer… Je dois néanmoins admettre que cela ne remet en aucun cas en cause la qualité de l’ouvrage, dont je conserve d’ailleurs une impression très positive, malgré les bémols évoqués ci-dessus.

 

Je n’en ai bien sûr pas fini avec Edith Wharton. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce recueil, mais je préfère de loin ses romans “mondains”, qui développent en profondeur des thématiques plus proches de ma sensibilité. J’aimerais découvrir prochainement Ethan Frome, ainsi que Vieux New York, et je prévois également de relire The House of Mirth.
 
A lire, pour explorer un aspect méconnu du talent d’Edith Wharton.
 
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Deuxième participation au challenge Halloween de Lou et Hilde.
 

9 thoughts on “Kerfol et autres histoires de fantômes- Edith Wharton

  1. J'ai lu deux recueils de nouvelles d'Edith Wharton publiés il y a longtemps chez 10-18 et que j'avais achetés d'occasion. J'en garde un souvenir plus que vague mais j'avais vraiment apprécié. Tu me donnes envie de les relire. Je pense qu'il doit y avoir ces histoires, je vérifierai.

  2. J'ai bien aimé 'Les yeux', lus dans une autre édition. Mais je préfère les histoires de fantôme de son grand ami Henry James. Par contre 'Vieux New York' est extraordinaire. C'est avec ce titre que j'ai découvert Édith Wharton. Bonnes lectures à toi.

  3. Comme Cléanthe, j'ai lu "Les yeux" dans une autre édition (Joëlle Losfeld si je ne m'abuse) et j'avais bien aimé. Je rejoins aussi Cléanthe sur "Vieux New York" qui est excellent. De toute façon, il faut lire tout Edith Wharton, elle est fabuleuse !

  4. Je vois que nous avons des goûts communs. J'ai aussi lu dernièrements des nouvelles d'Edith Warthon dans un miniscule recueil appelé Le miroir. C'était très bien écrit mais en effet inégal. Je note tout de même, pour compléter ma petites collections d'histoires de fantômes.

  5. Je suis contente de t'inspirer des lectures 🙂 – même si elles s'avèrent au final un poil décevantes … De mon côté, ma PAL a monstrueusement augmentée depuis ton billet sur Connie Willis (puisque j'ai acheté les 4 bouquins depuis "Le grand livre" jusqu'à "All Clear" !)

  6. J'avais beaucoup aimé ces nouvelles même si je ne me souviens pas de tout. En revanche, ce n'est pas le genre où elle excelle ! J'ai adoré house of mirth et Ethan Frome !

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