The Cuckoo’s Calling – Robert Galbraith (aka J.K.R.)

Sphere Books, 2013, 449 pages

 
La première phrase :

The buzz in the street was like the humming of flies.
 
L’histoire :

L’Angleterre est en état de choc, après la mort par défenestration de Lula Landry, jeune mannequin en pleine ascension professionnelle et médiatique. La police conclut rapidement au suicide, ce qui n’est pas du goût de John Bristow, frère adoptif de la victime, lequel décide alors d’engager un détective privé, espérant ainsi éclaircir les circonstances du drame. Son choix se porte sur Cormoran Strike, ancien membre de la police militaire, amputé d’un tibia après de bons et loyaux services en Afghanistan. Quoique sceptique, ce dernier accepte néanmoins de rouvrir l’affaire, dans le but de démasquer un éventuel meurtrier. Il mène l’enquête dans l’entourage people de la regrettée Lula, et trouve une alliée de choix en la personne de Robin Ellacott, sa nouvelle secrétaire intérimaire, laquelle se révèle particulièrement dégourdie.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Avertissement préalable : cela fait des mois que je l’ai terminé, et que le billet figure dans mes brouillons ! J’aurais pu renoncer à vous présenter mon avis, mais je tenais absolument à ce que ce roman apparaisse sur mon blog.

 

Est-il possible de parler de L’appel du coucou en toute objectivité, comme on le ferait d’un roman lambda ? La tâche est ardue, et la critique difficile. J’aime J.K.R., et je ne me suis jamais totalement remise des sept tomes de Harry Potter, dévorés frénétiquement à un âge déjà bien avancé (j’ai même relu plusieurs fois l’intégralité de la série, ce qui en dit long sur mon degré d’intoxication). Comme tout le monde, je redoutais l’après-Harry, à tel point que je n’ai toujours pas osé lire The Casual Vacancy (pourtant acheté le jour de sa sortie en VO), par peur d’être déçue. Ne cherchez pas à déceler une quelconque logique dans mon comportement… Et puis vint Robert Galbraith, dont la véritable identité fut révélée au public par un beau jour de juillet 2013. Diantre ! Il y avait bien longtemps que je n’avais ressenti ce désormais familier mélange d’excitation et d’appréhension. J’étais il est vrai relativement confiante, la romancière britannique ayant choisi de délaisser la comédie de moeurs pour s’attaquer à un genre littéraire que j’affectionne : le roman policier. J’ai toujours eu la sensation que J.K. Rowling pourrait écrire de bons polars, comme en attestent les intrigues mystérieuses et en tout point remarquables de Prisoner of Azkaban et Goblet of Fire, lesquels demeurent pour moi des modèles de rigueur et d’intelligence narratives. Il n’en fallait guère plus pour me convaincre de me lancer dans mon premier J.K.R. “post-Harry Potter” (j’avoue, j’avais un peu les chocottes).
 

Verdict : j’ai aimé (ouf) (on a frôlé le drame).

 

Il est évidemment facile de dire cela après avoir eu vent de la supercherie, mais il n’en demeure pas moins indéniable que la prose de Robert Galbraith ressemble à s’y méprendre à celle de J.K. Rowling. Celle-ci apporte sa petite touche personnelle à une intrigue somme toute assez classique, et j’ai retrouvé dans The Cuckoo’s Calling certains des ingrédients qui m’avaient déjà tant plu dans Harry Potter (ingrédients que je vais tenter d’identifier pour vous).
 
Ingrédient n°1 : Des personnages attachants

 

L’oeuvre de J.K.R. est peuplée de personnages vivants et extrêmement réalistes, parfois atypiques, croqués avec tendresse et légèreté par un auteur aux petits soins pour ses créatures littéraires. Le présent opus ne déroge pas à la règle, et c’est avec un plaisir non dissimulé que nous faisons la connaissance de Cormoran Strike, géant unijambiste récemment séparé de sa compagne Charlotte, contraint de dormir sur un lit de camp dans son bureau (où règne d’ailleurs un désordre indescriptible). La réussite d’une série policière tient pour beaucoup à la crédibilité du détective chargé de l’enquête ; contrat rempli pour Robert Galbraith, dont le héros maltraité par la vie (amputé d’une jambe en Afghanistan, il est aussi le fils illégitime d’un rocker adulé et passablement égoïste) rejoint la cohorte des privés bourrus et solitaires. Cormoran semble toutefois plus équilibré et moins dépressif que ses collègues nordiques (voir Wallander, Erlendur and co), ce qui n’est pas pour me déplaire.
 

The Cuckoo’s Calling marque également la première apparition de Robin Ellacott, personnage féminin subtil et plein de bon sens. Moins aboutie qu’une Hermione Granger, elle est cependant loin de jouer les simples faire-valoir, et son efficacité pragmatique combinée à une solide intuition font d’elle une acolyte fiable pour Cormoran. Je regrette qu’on ne la voie pas davantage : espérons que ce personnage prendra davantage d’ampleur dans les prochains tomes !Autour des deux principaux protagonistes gravitent de nombreux personnages secondaires, parfois légèrement stéréotypés, qui trouvent tous leur place au coeur de l’univers décrit par la romancière. Celle-ci explore avec sensibilité les relations entre les êtres, ainsi que leur rapport à des tragédies aussi inévitables que la mort ou la maladie.

 

Ingrédient n°2 : Une intrigue qui tient la route

 

L’histoire policière en elle-même est très bien construite, quoique pas forcément très originale. Le roman est peut-être un peu long, mais tous les ingrédients du polar classique sont présents et intelligemment exploités par l’auteur, qui s’en sort avec les honneurs. L’intrigue trouve quant à elle une résolution satisfaisante, qui ne doit rien au hasard (chaque détail est pensé, et le dénouement repose sur de solides arguments, plutôt que sur de fumeuses coïncidences).

 

 
Ingrédient n°3 : Un zeste de satire sociale
 

L’intrigue ludique permet à l’auteur d’explorer des thématiques plus sérieuses, selon un procédé déjà à l’oeuvre dans les aventures du petit sorcier à lunettes. The Cuckoo’s Calling fait ainsi l’objet d’une réflexion sur la célébrité et les dérives de la presse “people” (voir le personnage de Rita Skeeter dans Harry Potter). Cormoran Strike enquête dans l’univers peu reluisant des vedettes du show-biz, au cerveau ravagé par la drogue et les excès en tout genre. Lula Landry subit de plein fouet la violence de cet environnement superficiel et dévastateur, et tente d’échapper aux paparazzi qui l’espionnent et la traquent sans relâche. J.K. Rowling se montre particulièrement virulente dans sa critique du “journalisme” à sensation, et règle ses comptes avec une certaine presse bas de gamme, dont elle a dû elle-même subir le harcèlement.

 

Ingrédient n°4 : Une plume fluide et alerte
 

Je persiste et signe : J.K. Rowling est une conteuse d’exception ! Il ne s’agit peut-être pas de “grande littérature” d’un point de vue purement stylistique, mais sa prose n’en demeure pas moins extrêmement agréable à lire. La romancière démontre une nouvelle fois toute l’étendue de son talent, qui se manifeste notamment dans le soin tout particulier accordé aux détails, ainsi que dans le déploiement d’une très grande habileté narrative. Le rythme est assez lent, et s’attarde parfois sur des descriptions insolites et singulières, qui apportent fraîcheur et originalité au roman (je pense par exemple aux problèmes rencontrés par Cormoran avec sa prothèse, qui lui cause douleurs et irritations). L’humour est également au rendez-vous, même si celui-ci est globalement moins présent que dans Harry Potter.

 

Pour résumer : The Cuckoo’s Calling est un excellent divertissement, certes moins original, “magique” et flamboyant que ne l’était Harry Potter, mais qui prouve néanmoins que la malicieuse J.K. Rowling a plus d’un tour dans sa besace. Grand bonheur : la suite vient de paraître (The Silkworm, chez le même éditeur) ! Je suis impatiente de retrouver les personnages créés par la romancière, même si je rechigne à l’idée de devoir ENCORE lire un roman grand format, tout de même nettement moins pratique qu’un poche (le premier volume pèse un âne mort) !!!
 
Une lecture agréable et des personnages attachants. Reconversion réussie pour J.K. Rowling !
 
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Nouvelle participation au Mois anglais (j’ai beaucoup lu, mais peu publié ce mois-ci…).