Ce vain combat que tu livres au monde – Fouad Laroui

 

Editions Julliard, 2016, 275 pages
Livre reçu en service-presse.

 
La première phrase :

Elle remuait distraitement son verre, dans lequel s’entrechoquaient des glaçons.
 
L’histoire :
Assis à la terrasse d’un café parisien, Ali, brillant informaticien marocain installé à Paris depuis dix ans, et Malika, née en France de parents maghrébins, bavardent paisiblement. À les voir ainsi, jeunes et amoureux, un avenir radieux devant eux, qui pourrait croire que leur existence va bientôt basculer dans l’enfer ?

 

L’opinion de Miss Léo :
 
J’ai reçu ce roman parmi d’autres titres de la Rentrée Littéraire Robert Laffont/Julliard, et je n’avais pas vraiment prévu de le lire, du moins pas dans l’immédiat. En toute logique, c’est donc le premier ouvrage de la pile que j’ai ouvert, et je dois avouer que je me suis laissé happer par le récit de Fouad Laroui, après en avoir rapidement parcouru les premières pages. Je l’ai lu d’une traite, et je reste sur une impression plutôt favorable, malgré quelques réserves que j’évoquerai en fin de billet.Commençons par évoquer les points positifs.

 

J’ai apprécié l’écriture de l’auteur, simple et agréable à lire. Les situations quotidiennes sont bien rendues, et les dialogues vivants apportent de la crédibilité à la relation entre Ali et Malika, eux mêmes réalistes et attachants., du moins au début du roman. Le jeune couple incarne la figure centrale d’une intrigue relativement anecdotique, qui entre en résonance avec l’actualité, et sert de prétexte à l’écrivain pour développer sa vision du monde. La trame narrative principale alterne ainsi avec de courts chapitres à portée philosophique, retraçant dans les grandes lignes l’histoire de la civilisation musulmane. Ce découpage m’a semblé pertinent, et donne matière à une réflexion intéressante, articulée autour d’une passionnante théorie selon laquelle occidentaux et musulmans auraient une perception très différente de l’Histoire passée, à l’origine de bien des malentendus… L’incompréhension fait le lit de la violence, et installe les bases des conflits à venir.

 

Fouad Laroui propose des pistes pour une discussion approfondie. Déjà auteur de quelques essais sur le thème de l’islamisme et de l’intégration culturelle, le romancier a cette fois souhaité écrire un ouvrage plus digeste, qui pourrait notamment être étudié par de jeunes élèves (je n’invente rien, c’est lui-même qui le dit lorsqu’on l’interroge sur ses motivations). Il signe un récit intelligent, truffé de considérations politiques et sociologiques bien senties, qui envisage avec lucidité les facteurs pouvant conduire à la radicalisation les membres les plus fragiles d’une communauté musulmane oscillant entre colère et désarroi, et revient sans pathos sur les attentats du 13 novembre 2015. Jeune homme ouvert et plein d’humour, Ali devient l’ombre de lui-même dès lors qu’il cède au piège de l’islamisme radical, se coupant progressivement de ses amis français.

 
Voyons maintenant les points négatifs (car il y en a)…
 

J’ai parfois été agacée par la tonalité un brin moralisatrice du roman, probablement liée aux velléités pédagogiques de l’auteur. Certes, le style de Fouad Laroui n’est pas dénué d’humour, et l’on peut y voir le ton de la fable, du pamphlet, du conte philosophique. Le récit n’en demeure pas moins lourdement insistant, et trop ouvertement démonstratif. L’auteur force le trait, et tombe parfois dans le cliché. Je n’ai pour ma part pas cru à la radicalisation du personnage principal, qui se retrouve soudainement pris dans l’engrenage de l’obscurantisme, ce qui ne me semble tout simplement pas coller avec son caractère, bien que le processus d’endoctrinement soit la plupart du temps rapide et inattendu. Frustration et exclusion font à n’en pas douter le jeu de l’extrémisme, mais j’ai trouvé l’évolution d’Ali très caricaturale, sans parler de ses lamentations permanentes lorsqu’il se retrouve en Syrie. Ceci explique sûrement pourquoi je n’ai pas réussi à m’intéresser à la dernière partie du roman… Dommage, la première moitié m’avait vraiment beaucoup plu !

 
Un roman engagé et intelligent, agréable à lire, quoique parfois trop moralisateur.
 

3 thoughts on “Ce vain combat que tu livres au monde – Fouad Laroui

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