Lecture commune avec Shelbylee et Philisine Cave
eBook Kindle, 1818, environ 250 pages
Les premières phrases :
No one who had ever seen Catherine Morland in her infancy, would have supposed her born to be an heroine. Her situation in life, the character of her father and mother, her own person and disposition, were all equally against her.
L’histoire :
Catherine Morland est une jeune oie blanche, on ne peut plus naïve et inexpérimentée, qui ne connaît de la vie que ce qu’elle en a lu dans ses livres. Du haut de ses dix-sept ans, elle se prépare à effectuer ses débuts en société dans la charmante ville thermale de Bath, sous le chaperonage avisé de ses voisins, Mr et Mrs Allen. Les distractions ne manquent pas : bals, sorties au théâtre, escapades agrémentées de piques-niques dans la campagne environnante . . . Catherine élargit peu à peu son champ de fréquentations. Elle se prend d’affection pour la pétillante Isabella Thorpe, en qui elle voit une amie fidèle, et tombe sous le charme du jeune et séduisant Henry Tilney.
L’opinion de Miss Léo :
Northanger Abbey est un roman que j’aime beaucoup, et pour lequel j’éprouverai toujours une tendresse particulière. Il s’agit en effet du tout premier Jane Austen que j’ai lu, il y a de cela dix-sept ans. J’étais encore adolescente, et j’avais (déjà !) été conquise par le style de l’auteur, ainsi que par la fraîcheur malicieuse de l’intrigue. Je ne l’avais jamais relu depuis, et c’est donc avec un immense plaisir que j’ai redécouvert ce court roman atypique, à l’occasion de la lecture commune organisée par les Miss Shelbylee et Phiphi Cave, dont vous pouvez lire les billets enthousiastes sur leurs blogs respectifs.
Comment ne pas tomber sous le charme de ce petit bijou d’humour et d’ironie, orchestré de main de maître par une Jane Austen au meilleur de sa forme ? Les premières pages sont remarquables, et annoncent d’emblée le ton du roman. Catherine nous est clairement présentée comme une anti-héroïne, et l’auteur dresse un portrait réjouissant de la famille Morland, dans une entrée en matière surprenante et percutante, qui intrigue autant qu’elle séduit. Je n’en dirai pas plus, pour ne pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs ! Le départ de la jeune fille pour Bath permet à la romancière de s’adonner à son exercice favori, à savoir la satire sociale. La première partie est ainsi consacrée à une description subtile et toute en finesse des moeurs de la bonne société britannique, qu’il nous est donné d’observer à loisir à travers le regard candide d’une Catherine complètement dépassée par les événements. Les mondanités se succèdent, et les visages se parent de sourires hypocrites. Bienvenue dans un monde de faux-semblants et de tromperies en tout genre, où l’amabilité de façade ne tarde pas à se fissurer, révélant ainsi les véritables motivations de cette petite bourgeoisie soucieuse d’accroître sa position sur l’échelle sociale. L’argent est évidemment au coeur des préoccupations, et les mariages de convenance ne laissent que trop rarement place à l’amour véritable, tandis que les coureurs de dots fondent sur leurs proies comme neige au soleil (euh, je crois qu’il y a comme un problème dans ma comparaison, là). James Morland, frère de Catherine, l’apprendra malheureusement à ses dépens ! (Ils ne sont quand même pas fut’fut’, dans cette famille.)
La comédie de moeurs est comme toujours portée par une plume admirable et délicieuse, d’une modernité qui n’en finit pas de m’impressionner. Quelle causticité ! Quel merveilleux sens de l’observation ! Et quelle originalité dans la façon d’aborder des thèmes somme toute assez banals, qui pourraient vite devenir niais soporifiques sous la plume d’un auteur lambda ! Chaque relecture de l’oeuvre de Jane Austen me conforte dans l’idée qu’il s’agit bien d’un écrivain majeur, dont le style unique et très personnel se démarque totalement de celui de ses contemporain(e)s. J’aime la façon dont elle casse le rythme de la narration, intervenant personnellement dans son roman pour en commenter l’action (avec humour, cela va sans dire). Ce procédé crée une immédiate complicité avec le lecteur, qui, à défaut de pouvoir totalement s’attacher à l’héroïne, est invité à suivre d’un oeil curieux et avisé le déroulement de ses aventures. Le regard de Jane Austen n’est d’ailleurs pas dénué d’une certaine forme de tendresse malicieuse envers son personnage principal, qu’elle malmène tout au long des trente et un chapitres de ce qui s’apparente également à un roman d’apprentissage. Catherine est en réalité la victime d’une “expérience” conduite par l’auteur, qui s’amuse de la naïveté et des réactions parfois inappropriées de son héroïne (à laquelle elle réservera cependant un sort des plus enviables).
Le texte propose en filigrane une intéressante réflexion sur l’art romanesque. Qu’est-ce qu’une héroïne ? Quels seraient les rebondissements attendus dans un roman “classique” ? Jane Austen va à l’encontre des clichés, et se moque gentiment des romans gothiques “à sensation”, déjà très à la mode en cette fin de XVIIIème siècle. Catherine Morland est elle-même une fervente admiratrice d’Ann Radcliffe, et défend vivement la littérature romanesque, à une époque où celle-ci avait encore mauvaise presse. Northanger Abbey est donc tout à la fois une parodie et un hommage, et il semble évident que Jane Austen s’efforce ainsi de redorer le blason d’un genre alors considéré comme mineur.
Catherine est une jeune femme rêveuse, à l’imagination fertile, nourrie par la lecture de nombreux romans. Quelle n’est pas sa joie lorsque la famille Tilney lui propose de l’emmener à Northanger Abbey, où se déroule la seconde partie du roman ! Songez-donc : une abbaye ! Facilement impressionnable, la jeune fille se fera quelques frayeurs, et s’imaginera volontiers plongée dans quelque macabre aventure. Je tiens cependant à rassurer mes lecteurs : nous sommes bien chez Jane Austen, pas chez Ann Radcliffe, et tout cela se terminera évidemment dans la plus complète ironie !
Et les autres personnages, me direz-vous ?
Les Thorpe frère et soeur se montrent délicieusement odieux. Isabella est une vipère de haut vol, et ses entretiens mielleux avec la pauvre Catherine sont savoureux. Je la trouve bien plus intéressante que Caroline Bingley (de Pride and Prejudice), qui me semble nettement moins intelligente, et dont le pouvoir de nuisance me paraît beaucoup plus limité. Je suis également tombée sous le charme de la famille Tilney. Henry Tilney est un personnage séduisant, cultivé et réfléchi, mais je le trouve finalement assez peu présent dans le roman. Eût-il été moins en retrait, je l’aurais volontiers classé dans le trio de tête de mes héros austeniens préférés, aux côtés du colonel Brandon et de l’inévitable Fitzwilliam Darcy ! Sa soeur Eleanor est également fort sympathique, et j’ai apprécié la plupart de ses interventions. Tous ces personnages secondaires aux personnalités bien affirmées compensent parfaitement le manque de profondeur de Catherine, qui n’en demeure pas moins une héroïne attachante (bien que l’on ait parfois envie de la secouer un peu).
J’ai été comblée par cette relecture, qui me donne (évidemment) envie de me replonger dans les autres romans de la géniale anglaise. Persuasion et Lady Susan sont dans les starting-blocks ! Je crois en revanche que je vais arrêter la “littérature” para-austenienne, désespérément médiocre en comparaison. Mieux vaut relire les originaux !
Un roman à l’ironie mordante et au charme irrésistible.
Coup de coeur !
————————————————
Nouvelle participation au Challenge austenien et au Challenge Thursday Next, tous deux organisés par Alice.
Je l'ai lu l'année dernière et j'ai adoré ! Tu me donnes même envie de le relire ! Mais je pense que je vais d'abord découvrir ceux que je ne connais pas (Lady Susan, Mansfield Park) et relire celui dont je ne me souviens plus, Emma.
Je n'ai aps encore lu Lady Susan, qu'il me faut donc absolument découvrir !
Bien d'accord avec toi, j'ai abandonné depuis longtemps la littéature "para-austienne",comme tu l'appelles, mieux vaut lire les originaux aux copies bien pâles !!!
Je n'ai pas encore lu celui-ci, mais ton analyse me donne très envie !
Je l'aime vraiment beaucoup, et je te le conseille !
Exactement, se méfier des imitations et lire la vraie et l'unique JA!
Bien dit !
C'est l'un de ceux dont je me souviens le moins, je pense donc ne pas tarder à le relire !! Je suis déjà ravie à l'idée de redécouvrir ce roman 😉
Je l'avais un peu oublié, et l'ai donc redécouvert avec plaisir. Je n'avais pas dû ressentir la même chose la première fois, vu que j'étais très jeune, et qu'il s'agissait de mon premier Jane Austen !
j'avais beaucoup aimé toute le sous-entendu sur le roman gothique, les références à Ann Radcliff ! Bon souvenir de lecture pour moi !
Ce roman est un peu à part dans l'oeuvre de Jane Austen, et je l'aime vraiemnt beaucoup !
Je l'ai lu il y a peu de temps et je suis tout à fait d'accord avec toi !
La plume de Jane Austen est décidément délicieuse et son ironie mordante rend chaque petit évènement exquis ! 😉
pas encore lu en ce qui me concerne, j'en ai lu trois de Jane : Emma, O&P, et Sanditon…j'espère espacer au maximum mes lectures pour faire durer le plaisir de la découverte !
C'était une superbe lecture et je trouve les romans bien fades après : qu'elle est dure, la comparaison ! Bises
Je suis un peu plus méchante que toi avec Catherine. J'ai trouvé NA vraiment original, ce qui me fait vraiment regretter que JA ait écrit si peu car on voit qu'elle était bien capable de se renouveler contrairement à ce que disent ses détracteurs. Et je pense comme toi pour la littérature para-austenienne -j'ai enfin fini le fameux 1932 que je vais démonter avec grand plaisir dans un billet- mais c'est clair que je ferais mieux de relire les originaux !
Je l'avais beaucoup aimé lorsque je l'avais lu. Et je me retrouve dans ton billet qui me donne envie de le rouvrir. J'avais commencé une relecture des romans de Jane Austen car rien ne veut les originaux et mes lectures commencent à dater.
C'est l'un de mes préférés pour les raisons que tu pointes. Et je suis bien d'accord, rien ne vaut (et de loin) l’œuvre originale.
C'est une merveille ! J'ai lu je crois tout Jane Austen et j'ai tout aimé ! Celui-là est particulièrement savoureux 🙂
Le roman de Jane Austen que je trouve le plus "charmant" et "cocon" … J'avais adoré ma lecture de ce petit bijou de tendresse, d'humour … Et cette Isabella! Ah lalalala! Comme elle m'avait énervée
C'est mon petit coup de coeur aussi dans l'oeuvre de Jane Austen
Je trouve que ce roman se démarque des cinq autres. Le ton en est vraiment très particulier, et je l'aime beaucoup.
J'avoue que je suis d'accord avec toi pour les austeneries, mais je ne peux pas m'empêcher d'en lire!! (c'est l'éternelle optimiste en moi!!). Et puis j'ai quand même fait quelques chouettes découvertes!!
Mais rien n'arrive à la cheville de Jane Austen!! Et justement je pense que je vais aller visionner Northanger Abbey 2007!