Titre original : Ender’s Game
Traduction (américain) : Daniel Lemoine
J’ai Lu SF, 1977, 383 pages
Les premières phrases :
J’ai vu à travers ses yeux, j’ai entendu à travers ses oreilles, et je vous assure que c’est le bon. De toute façon, nous ne trouverons pas mieux.
L’histoire :
La Terre dans un futur lointain… L’Humanité a vaincu les Doryphores, espèce extra-terrestre insectoïde très évoluée, lors de la Première et de la Deuxième Invasions. L’état-major de la FI (pour Flotte Internationale) se prépare désormais à la Troisième Invasion, laquelle se révélera probablement décisive et fatale à l’une ou l’autre des deux armées. Problème (de taille) : la FI ne possède plus de commandant digne de ce nom depuis la retraite du célèbre Mazer Rackham, légende vivante et principal artisan des succès passés. Tous les espoirs reposent sur le petit Ender Wiggin, qui intègre à six ans (!) la très sélective et rigoureuse Ecole de Guerre, où sont formés les futurs officiers de la flotte. Des enfants surdoués triés sur le volet y apprennent à se battre et à maîtriser les aspects tactiques du combat ; ils sont regroupés en armées, lesquelles s’affrontent quotidiennement en apesanteur dans d’inoffensives et néanmoins impitoyables joutes militaires. Chacun vise l’excellence, et les règles de fonctionnement de l’école entretiennent une rivalité permanente, allant à l’encontre de tout sentiment de camaraderie. La solidarité n’est pas de mise entre ces élèves arrachés très jeunes à leur famille ! Isolé, privé d’amour et d’affection, Ender n’en demeure pas moins un stratège hors-pair, redoutablement compétent et efficace, qui se révèle aussi capable d’une très grande violence vis à vis de ses semblables. Est-il vraiment l’homme de la situation ?
L’opinion de Miss Léo :
Je poursuis mon exploration des classiques de la science-fiction avec (encore) un roman recommandé par mon cher F., premier tome d’un cycle en quatre volumes dont l’adaptation cinématographique déferlera bientôt sur nos écrans. La stratégie Ender se situe (pour résumer grossièrement) à mi-chemin entre Starship Troopers (roman publié en 1959, adapté et remis au goût du jour par Paul Verhoeven à la fin des années 90) et Hunger Games. La filiation avec Starship Troopers est évidente, les deux romans présentant de nombreuses similitudes, à commencer par le contexte : les humains sont en guerre contre les insectoïdes, et forment de jeunes soldats destinés à combattre l’ennemi pour assurer la survie de l’espèce. De la bonne SF martiale, donc, laquelle se pare ici d’un enjeu supplémentaire, les élèves de l’Ecole de Guerre ayant la particularité de commencer leur formation à un âge où la plupart des enfants “normaux” se contentent encore de participer à des jeux innocents dans la cour de récréation. Ender n’est pas un petit garçon comme les autres, et sa maturité impressionne autant qu’elle inquiète. La discipline et surtout la monstrueuse inhumanité de l’environnement auquel il se retrouve confronté font froid dans le dos : Ender et ses comparses ne connaissent aucun répit, l’apprentissage de la stratégie militaire s’effectuant par le biais de batailles organisées par les officiers adultes, maîtres d’oeuvre d’un terrible jeu violent et ambigu, favorisant l’individualisme et exaltant l’esprit de compétition (d’où ma référence à Hunger Games). Le jeu s’arrête cependant avant la mort des participants (quoi que…), le but ultime étant de former des chefs militaires rusés et sans scrupule, capables de mener une armée à la victoire et de remporter la guerre contre les Doryphores.
J’ai trouvé le style un peu fade (cela est peut-être dû à la traduction), mais je n’en ai pas moins apprécié ce roman, dont le point fort est indéniablement la description des relations entre les personnages, qui prennent le pas sur les scènes de batailles, pourtant évoquées avec beaucoup de réalisme. Ender est le pivot autour duquel gravitent des figures aussi diverses et intéressantes que le colonel Graff, recruteur cynique et référent d’Ender à l’Ecole de Guerre, Peter et Valentine, frère et soeur d’Ender aux caractères diamétralement opposés, eux-mêmes redoutablement intelligents, ou encore Bean et Petra Arkanian, deux élèves promis à un brillant avenir au sein de la FI. Ender tente de préserver sa part d’humanité, luttant constamment pour ne pas devenir ce monstre froid et calculateur que l’on semble vouloir faire de lui. Sa sensibilité se heurte aux mensonges des adultes, lesquels semblent ourdir quelque manipulation autour de ce petit garçon au destin exceptionnel, appelé à devenir l’arme secrète de l’Hégémonie, le dernier recours de l’Humanité toute entière.
L’intrigue se déroule presque intégralement dans les différentes écoles fréquentées par Ender au cours de sa formation, et les Doryphores n’apparaissent pour ainsi dire jamais, si ce n’est au travers de vidéos réalisées lors des deux premières invasions. Les scènes d’action (il y en a tout de même un certain nombre) décrivent par le menu les agissements des enfants lors des simulations de batailles organisées à l’Ecole de Guerre. Je les ai trouvées plutôt réussies, et suffisamment courtes pour ne pas devenir ennuyeuses ! Roman d’anticipation, roman militaire, métaphore politique, roman d’apprentissage : La stratégie Ender est tout cela à la fois, et véhicule une idéologie résolument pacifiste (pas étonnant quand on sait que l’auteur est mormon). Le dénouement est à cet égard exemplaire, et incite à la réflexion, tandis que le récit dans son ensemble forme un tout original et cohérent, dont j’ai pour ma part grandement apprécié les différents développements.
Plutôt que de lire la suite du Cycle d’Ender (à savoir La voix des morts, Xenocide et Les enfants de l’esprit), je pense que je jetterai plutôt mon dévolu sur La stratégie de l’ombre, qui reprend sous un autre angle l’histoire de ce premier tome. Orson Scott Card y adopte le point de vue du jeune Bean, collègue d’Ender au sein de l’Armée du Dragon, dans une variation paraît-il très intéressante. J’hésite en revanche à aller voir le film, qui promet d’être une grosse daube, malgré la présence de Ben Kingsley et Harrison Ford au générique. Qui sait, peut-être serons-nous agréablement surpris ??
Un bel exemple de SF martiale pacifiste, adoptant le point de vue d’un enfant contraint de renoncer à son innocence. Ce classique mérite d’être lu.
Un bel exemple de SF martiale pacifiste, adoptant le point de vue d’un enfant contraint de renoncer à son innocence. Ce classique mérite d’être lu.
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Première participation au Challenge US, organisé par mademoiselle Noctenbule. Ce roman compte également pour le challenge Les Lieux Imaginaires, organisé par Arieste.
j'en ai entendu parler plusieurs fois et toujours en bien.QUant au film, malheureusement, H. Ford nous a trop habitué ces derniers temps aux daubes pour que je m'y risque!
La SF n'est pas (loin s'en faut) mon genre de prédilection, mais ce titre fait indéniablement partie des quelques romans qui m'ont bien plu en ce domaine. D'accord avec toi concernant le film…
Perso je n'arrive pas à lire de SF, à part certains Stephen King
Lorsque j'étais petite dans ma région les doryphores c'étaient les touristes qui venaient les week-end ou les vacances. Même s'ils habitaient le département limitrophe c'étaient des doryphores.
Je ne suis pas fan de SF non plus à la base, mais c'est un genre que j'apprends peu à peu à apprécier, grâce à des romans comme celui-ci. Merci pour ton anecdote concernant les "touristes doryphores" ! 😉
Je l'ai lu l'année dernière et pour le coup, j'en avais eu un avis hyper négatif. J'y avais vu un précipité de pensée judéo-chrétienne particulièrement moralisante et flagellante qui m'avait parfaitement outrée. (D'ailleurs, je ne me rappelais pas avoir été aussi virulente sur ma chronique!)
Comme quoi, les regards peuvent être nombreux sur une même lecture ^^
C'est marrant, parce que c'est justement ce que je craignais d'y trouver (une pensée judéo-chrétienne ultra-moralisatrice, chose qui me fait habituellement fuir), mais au final, je ne l'ai pas du tout ressenti comme ça ! Je vais aller lire ton billet.
J'ai bien aimé cette série et l'ensemble des livres qui se passent dans cet univers.
Tentant même si je me lance rarement dans une série et je n'ai pas fini encore la série Majipoor de Silverberg 😉
Je crois que je lirai le livre donc, et que je fuirai la daube. 🙂
Il me tente celui-là… mais pour le film… scary!
On est bien loin de l'univers de Darcy…
Bonjour Miss Léo,
Je peux te dire que le style de la version originale est nettement plus percutant et aiguisé que ce que j'en ai lu en Français. Ce premier tome est vraiment le meilleur de la série. À mon avis, les autres tentent simplement de garder la licence en vie… Sinon, l'adaptation cinématographique m'a franchement déçu sur sa scène finale, où la découverte est totalement escamotée !