Titre original : De Laatkomer
Traduction (néérlandais) : Danielle Losman
Editions Denoël, 2012/2015, 142 pages
La première phrase :
Je traverse le Styx et j’emporte : un tube de dentifrice (pour le fun)…
L’histoire :
(extrait de la quatrième de couverture)
Par désespoir, pour asticoter son monde et surtout pour se venger de son épouse qu’il déteste, Désiré Cordier, petit bibliothécaire retraité de son état, décide de simuler la maladie d’Alzheimer. Bientôt il se prend au jeu et s’amuse des réactions désemparées de sa famille. Il découvre là une liberté qu’il n’a jamais connue et un moyen sûr de s’éloigner de son entourage, et surtout de sa femme qui l’a toujours régenté. Il décide alors de se plonger dans les joies de la démence, la sénilité et l’incontinence… et finit par être interné dans une institution…
L’opinion de Miss Léo :
Ayant quelques atomes crochus avec la Belgique, mais connaissant très mal la littérature d’outre-Quiévrain, c’est avec une réelle curiosité que j’ai accepté de recevoir le dernier ouvrage de cet auteur flamand d’une quarantaine d’années, que je connaissais de nom pour son roman La merditude des choses, adapté au cinéma en 2009 (un titre pareil, ça ne s’oublie pas !).Récit tragi-comique de la descente aux Enfers volontaire et consentante d’un homme las de jouer en permanence la comédie de l’existence, mais aussi réflexion pertinente sur le mariage, la vieillesse et la fin de vie, Comment ma femme m’a rendu fou adopte le ton de la fable pour nous conter la dernière folie de Désiré Cordier, bibliothécaire retraité écoeuré par le comportement égocentrique et agressif de son épouse Monik. Ce dernier prend la décision pour le moins surprenante de se retirer du monde à soixante-quatorze ans révolus, simulant pour cela les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer. Quiconque a déjà fréquenté le petit monde des homes et des maisons de retraite et/ou perdu des proches victimes de cette terrible maladie ressentira comme une impression de déjà-vu à la lecture de ce roman. Devenu pensionnaire au home Lumière d’Hiver, Désiré doit endurer les hurlements des infirmières, la médiocrité intellectuelle abêtissante de cet environnement régressif, ainsi que les petites manies de ses nouveaux compagnons d’infortune, quant à eux réellement séniles et incontinents. Il y croise des personnalités surprenantes, à l’image de cet ancien nazi revenu d’Amérique du Sud, et assiste chaque jour à des scènes surréalistes, ce qui nous vaut quelques moments de franche (et amère) rigolade.
L’idée d’un voyage sans retour est dès le départ clairement établie, comme en atteste la référence récurrente au Styx, assortie d’une énumération d’objets à emporter qui s’étoffe davantage à chaque chapitre, créant ainsi une mélodie lancinante et entêtante, à la manière du célèbre nursery-rhyme “This is the House that Jack built”. Désiré revient sur son mariage et sa vie quotidienne avec Monik, afin d’expliquer les raisons qui l’ont poussé à quitter définitivement le confort de son petit monde d’intellectuel simple et sans prétention. On peut douter de la crédibilité du postulat de départ : difficile d’imaginer qu’un homme lettré, cultivé renonce ainsi à son indépendance, pour passer ses journées à regarder des émissions idiotes à la télévision en simulant l’incontinence, dans le but de berner des aides-soignantes s’adressant à lui comme à un enfant de quatre ans. Et pourtant… Désiré échappe ainsi au poids des conventions sociales, ainsi qu’aux récriminations de son épouse capricieuse et exigeante, et acquiert de ce fait une toute nouvelle forme de liberté, qui lui permettra de se retrouver (enfin !) seul avec lui-même.
Dimitri Verhulst use volontiers d’un humour très noir, et compose à travers la voix de son narrateur un portrait au vitriol de ce couple vieillissant et mal assorti, qui se révèle surtout terriblement banal et ordinaire. Drôle et acerbe, le roman ne se départit cependant jamais d’une certaine tendresse empreinte de mélancolie, et certaines scènes sont très touchantes à leur manière, en ce qu’elles incitent le lecteur à s’interroger sur la vie, le temps qui passe, les relations familiales et autres considérations d’ordre métaphysique. On suit avec délectation la discipline quotidienne à laquelle se soumet Désiré pour faire admettre à son entourage la réalité de son déclin progressif. Il lui faut trouver le bon dosage, simuler la démence et l’amnésie tout en restant crédible, afin de réussir le test ultime devant les médecins, qui seuls pourront attester de la perte irrémédiable de ses capacités intellectuelles. Le personnage se révèle somme toute assez égoïste, puisqu’il n’hésite pas à mentir à ses enfants, en particulier à sa fille Charlotte, profondément touchée par la perte de ce père qu’elle aimait temps. Dimitri Verhulst n’épargne rien ni personne, et c’est ce qui fait la force de ce roman décidément très atypique, qui aura su me séduire par son écriture sobre et réaliste, tout autant que par son irrévérence. Le ton badin ne saurait en effet masquer l’extrême noirceur des thèmes abordés par l’auteur, qui refuse de se plier aux exigences du politiquement correct pour nous offrir sa vision très personnelle d’un fait de société par lequel nous sommes (ou serons un jour) tous concernés.Je ne peux toutefois conclure ce billet sans apporter quelques bémols à ma critique. J’ai trouvé le roman trop court, et j’aurais aimé que le romancier aille encore plus loin dans sa démarche. Les dernières pages m’ont semblé trop rapidement expédiées, voire tirées par les cheveux, et j’ai été gênée par certaines invraisemblances, notamment lors des dernières scènes à la maison de retraite. Le personnage de Monik est quant à lui très (trop) caricatural, ce qui est évidemment regrettable, et nuit à la crédibilité de l’ensemble. Il est vrai que l’on découvre les autres protagonistes à travers le regard de Désiré, dont le point de vue est forcément biaisé (et donc de mauvaise foi)… Pour finir, il m’aura manqué un poil d’émotion derrière la satire grinçante pour être totalement convaincue. Je tiens néanmoins à préciser que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman original et bien écrit, lequel demeure avant tout une excellente et bien agréable surprise.
Dimitri Verhulst use volontiers d’un humour très noir, et compose à travers la voix de son narrateur un portrait au vitriol de ce couple vieillissant et mal assorti, qui se révèle surtout terriblement banal et ordinaire. Drôle et acerbe, le roman ne se départit cependant jamais d’une certaine tendresse empreinte de mélancolie, et certaines scènes sont très touchantes à leur manière, en ce qu’elles incitent le lecteur à s’interroger sur la vie, le temps qui passe, les relations familiales et autres considérations d’ordre métaphysique. On suit avec délectation la discipline quotidienne à laquelle se soumet Désiré pour faire admettre à son entourage la réalité de son déclin progressif. Il lui faut trouver le bon dosage, simuler la démence et l’amnésie tout en restant crédible, afin de réussir le test ultime devant les médecins, qui seuls pourront attester de la perte irrémédiable de ses capacités intellectuelles. Le personnage se révèle somme toute assez égoïste, puisqu’il n’hésite pas à mentir à ses enfants, en particulier à sa fille Charlotte, profondément touchée par la perte de ce père qu’elle aimait temps. Dimitri Verhulst n’épargne rien ni personne, et c’est ce qui fait la force de ce roman décidément très atypique, qui aura su me séduire par son écriture sobre et réaliste, tout autant que par son irrévérence. Le ton badin ne saurait en effet masquer l’extrême noirceur des thèmes abordés par l’auteur, qui refuse de se plier aux exigences du politiquement correct pour nous offrir sa vision très personnelle d’un fait de société par lequel nous sommes (ou serons un jour) tous concernés.Je ne peux toutefois conclure ce billet sans apporter quelques bémols à ma critique. J’ai trouvé le roman trop court, et j’aurais aimé que le romancier aille encore plus loin dans sa démarche. Les dernières pages m’ont semblé trop rapidement expédiées, voire tirées par les cheveux, et j’ai été gênée par certaines invraisemblances, notamment lors des dernières scènes à la maison de retraite. Le personnage de Monik est quant à lui très (trop) caricatural, ce qui est évidemment regrettable, et nuit à la crédibilité de l’ensemble. Il est vrai que l’on découvre les autres protagonistes à travers le regard de Désiré, dont le point de vue est forcément biaisé (et donc de mauvaise foi)… Pour finir, il m’aura manqué un poil d’émotion derrière la satire grinçante pour être totalement convaincue. Je tiens néanmoins à préciser que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman original et bien écrit, lequel demeure avant tout une excellente et bien agréable surprise.
Un roman drôle et grinçant sur le mariage, la vieillesse et la vie en maison de retraite. Pas mal du tout.
Roman chroniqué dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Denoël.
Je n'ai pas été tentée par ce livre, il y a déjà assez de malades 'involontaires' sans en ajouter un. Bon postulat de départ, pourtant.
Je pense au côté financier : avec ce qu'on doit payer pour ce type d'établissements de santé, il aurait pu couler des jours heureux ailleurs et libre, non?
Moi aussi, j'ai trouvé que l'auteur n'allait pas assez loin dans ses explorations.il ouvre une piste, je m'attends à un truc fort avec de l'émotion ou de la violence et puis, on passe à côté.
La fin se fond dans une idée qui, par contre, me plaît bien. Mais, je l'ai peut-être mal interprétée.
En tout cas, c'est un agréable moment de lecture.
Il m'attend. J'ai tellement "La merditude des choses" que je ne pouvais pas passer à coté de celui-là !
L'idée de départ me plait bien, mais j'ai peur qu'il soit un peu trop noir et grinçant pour moi…
Tu as titillé ma curiosité, j'adore l'humour noir et je ne suis pas étonnée que cette idée ait germé dans un cerveau belge !