Open Road Media, 1991, 422 pages
La première phrase :
Just to give you an idea of Susie.
L’histoire :
Suzanne Stone est belle, talentueuse, adulée de tous, et semble promise à une longue et brillante carrière dans l’audiovisuel (du moins en est-elle persuadée). Ambitieuse et fermement décidée à occuper un jour le devant de la scène médiatique, elle épouse Larry Maretto, et s’installe avec lui dans un charmant pavillon richement meublé, où le jeune couple mène une existence privilégiée, tandis que Suzanne se fait embaucher comme présentatrice météo dans une petite station de télévision locale. Tout cela vole en éclats lorsque le mari aimant est retrouvé mort à son domicile, probablement assassiné par des cambrioleurs. La veuve éplorée se retrouve instantanément placée sous les feux des projecteurs, jouissant ainsi d’une célébrité inespérée. La personnalité de la jeune femme ne fait cependant pas l’unanimité, et certains n’hésitent pas à la décrire comme une redoutable arriviste, perverse et manipulatrice. Famille, beaux-parents, belle-soeur, collègues, sans oublier le petit groupe d’adolescent que Suzanne côtoyait dans le cadre d’un reportage : chacun y va de son témoignage, et les enquêteurs voient peu à peu se dessiner le portrait d’une femme prête à tout pour parvenir à ses fins.
L’opinion de Miss Léo :
La vie réserve parfois de bien jolies surprises. L’été suivait tranquillement son cours, et je me remettais doucement de la fatigue accumulée lors de mes trois premiers mois de grossesse, lorsque j’eus l’immense plaisir, que dis-je, la joie suprême de découvrir l’existence d’un roman de
Joyce Maynard que je ne connaissais pas. J’ignorais en effet que le film
Prête à tout de
Gus Van Sant (que je n’avais du reste jamais vu, mais dont je me souvenais parfaitement de la sortie en 1995) était en réalité l’adaptation d’un ouvrage de cette romancière que j’adore (voir mon billet sur
Les filles de l’ouragan), initialement publié en 1991, et réédité en français par les éditions Philippe Rey au mois de juin dernier.
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Editions Philippe Rey
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Mon sang n’a fait qu’un tour, et je me suis jetée comme une morte de faim sur la version originale dudit roman, dont je n’ai d’ailleurs fait qu’une bouchée, malgré le vrombissement incessant de la perceuse des nouveaux voisins du dessus (qui nous auront bien pourri la fin des vacances, soit dit en passant). To die for est une bien belle réussite, qui séduit d’abord par sa construction : le récit n’est pas linéaire, et alterne les points de vue, en donnant tour à tour la parole aux principaux protagonistes du drame. Tous reviennent sur l’histoire de Suzanne, de sa naissance à la mort de son mari.
La mère de cette dernière ouvre le bal, et nous dresse le portrait d’une enfant brillante, charmante et volontaire, à qui tout réussit. Soyons honnêtes : on se dit dès le début que la gamine pourrie gâtée est surtout une vraie tête à claques, ce que semblent d’ailleurs confirmer les témoignages ultérieurs… On découvre bien vite que derrière les apparences souriantes et policées se cache en réalité une jeune femme froide et égoïste, qui se soucie peu des autres, et ne pense qu’à assouvir ses propres désirs de gloire et de succès. Joyce Maynard crée un personnage terrifiant de bonne grosse salope manipulatrice, dont le charmant minois fait tourner bien des têtes, et ôte tout discernement à ceux qui comme Larry ou Jimmy ont le malheur de succomber à son charme vénéneux. Capricieuse et dévorée d’ambition, Suzanne se montre prête à tout (y compris au pire) pour parvenir à ses fins et occuper le devant de la scène, atteignant parfois un degré de perversion extrême et redoutablement sophistiqué.
La jolie blonde sème chaos et destruction dans son sillage, n’hésitant pas à exploiter la crédulité d’adolescents mal dans leur peau ou à travestir la réalité pour tirer profit des circonstances. Quoi de plus jouissif et révoltant pour le lecteur que de la voir se positionner en victime innocente, quand les témoignages discordants de ses proches viennent constamment contredire sa propre version des faits ? L’énergie qu’elle déploie pour concrétiser ses desseins laisse rêveur, et l’on se demande jusqu’au bout quel sera le dénouement. Suzanne aura-t-elle à répondre de ses actes, ou bien sortira-t-elle totalement blanchie de cette affaire, qui pourrait bien constituer pour la présentatrice en herbe le tremplin tant attendu vers l’antenne des grands médias nationaux ?
Autour de ce monstre calculateur gravite une jolie constellation de personnages secondaires tous convaincants et superbement esquissés. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire leur version des événements, et à découvrir leur failles et leurs faiblesses, ainsi que les sentiments de confiance aveugle et/ou de défiance lucide qu’ils entretiennent vis à vis Suzanne. Mention spéciale à la soeur du mari défunt, qui m’a beaucoup plu, et pour laquelle j’éprouve énormément de sympathie !
Joyce Maynard signe avec ce roman une satire mordante et pleine d’ironie, qui fustige la superficialité frénétique des médias, ainsi que la terrifiante bêtise de ce monde de faux-semblants. Montrer sa bobine et devenir célèbre (à n’importe quel prix) deviennent dès lors les principaux indicateurs de réussite d’une société dépourvue de tout sens moral, à une époque où la télé-réalité n’en était encore qu’à ses premiers balbutiements. L’image idyllique du couple idéal formé par Suzanne et Larry vole en éclats avec la mort de ce dernier, et la réalité se révèle bien moins reluisante que ne pouvaient le laisser supposer les apparences. J’ai adoré le côté profondément immoral de l’intrigue (dont mon mauvais fond ne pouvait que se réjouir), et je suis par ailleurs totalement fan de la fin du roman, à l’issue duquel certains personnages connaîtront un destin des plus tragiques. Du grand Joyce Maynard !!
Portrait au vitriol d’une perverse narcissique et d’une société malade : un roman passionnant d’un bout à l’autre, à mi-chemin entre le roman noir et la chronique de moeurs. J’ai adoré !
J’ai depuis eu l’occasion de regarder le film de Gus Van Sant, qui signe une adaptation honnête et plutôt réussie, fidèle à l’esprit du roman, et portée par de très bons acteurs. La distribution réunit notamment Matt Dillon en époux un peu épais, la trop rare Ileana Douglas en soeur inconsolable, le tout jeune Joaquin Phoenix en adolescent romantique et bécasson, sans oublier l’impeccable Nicole Kidman, qui campe une Suzanne plus vraie que nature !
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Première (et unique) (et dernière) participation au
Mois Américain organisé par ma copine Titine. Il était temps !!
Billet rédigé sous influence hormonale.
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j'aime tes influences hormonales 🙂
lu également cet été à Istanbul et adoré, à mes yeux le meilleur de Joyce Maynard
Jamais lu cet auteur, mais tu as l'air 100% fan!
J'avais vu le film de Gus Van Sant au moment de sa sortie et je l'avais beaucoup aimé. Je n'ai appris que l'année dernière lors du festival America qu'il était tiré d'un roman de Joyce Maynard. Celle-ci nous avait d'ailleurs annoncé la sortie de son roman en France. Je le guettais donc et je ne vais pas tarder à le lire !
Super, il est dans ma Pal et comme JOyce Maynard sait autant me plaire que me décevoir, j'ai toujours un doute.
Ce que tu en dis me tente grandement !