La débâcle – Romain Slocombe

Robert Laffont, 2019, 528 pages

 

La première phrase :

Noire et luisante, fraîchement lavée et astiquée à la peau de chamois par les mécaniciens du garage du boulevard Delessert, la Studebaker 3C President Eight 1937 de la famille Perret quitte l’avenue d’Eylau avec quatre-ving-dix minutes de retard sur l’horaire prévu.
 

L’opinion de Miss Léo :

Mon Romain Slocombe annuel ! Après avoir sillonné les rues du Paris occupé de 1942 dans la trilogie « Sadorski » (que j’adore), l’auteur nous propulse cette fois sur les routes de l’exode, en plein mois de juin 1940. On suit plusieurs personnages, embarqués malgré eux dans une migration forcée à l’issue incertaine. Qu’ils soient bourgeois parisiens, soldat déserteur, adolescente rêveuse, avocat fasciste ou jeune femme amoureuse, tous se retrouvent soudain plongés dans la même galère. L’incrédulité cède peu à peu la place à une forme de résignation, et les journées se recentrent autour de quelques préoccupations pour le moins terre-à-terre : échapper aux attaques de la Luftwaffe, trouver de l’essence, se procurer de la nourriture, parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour rejoindre l’objectif initial… Place à la débrouille et à la solidarité (même si certains font preuve dans ces circonstances d’une certaine mesquinerie) !
 
Comme toujours chez Romain Slocombe, le contexte historique constitue la base d’un récit extrêmement bien documenté. Bien qu’il s’agisse d’une oeuvre de fiction, l’auteur s’appuie sur une bibliographie très étoffée pour retranscrire l’ambiance qui régnait en France durant le printemps 1940. Sans négliger les opérations militaires en cours lors de cette semaine fatidique, marquée par la retraite désordonnée des troupes françaises, il s’attache surtout à l’impact de l’avancée de la Wehrmacht sur les populations civiles. Très ancré dans le quotidien, parfois anecdotique, le roman établit une proximité immédiate avec les personnages, dont le développement psychologique n’est pas sacrifié sur l’autel de l’Histoire (avec un grand H). Tout le contraire d’un Ken Follett… Bien que le comportement des différents protagonistes annonce d’ores et déjà leur positionnement futur (certains seront amenés à collaborer, tandis que d’autres ressentent déjà un dégoût viscéral de l’occupant), on ne tombe pas dans une caricature manichéenne de la France pré-vichyste. La situation politique du pays est évoquée avec finesse, et l’intrigue se nourrit de la précision des descriptions (tout est crédible, ou presque).
 
La débâcle est avant tout un roman noir, très sombre, teinté d’une pointe de satire sociale. On peut lui reprocher quelques excès, mais la densité du roman, ainsi que le brio avec lequel Romain Slocombe parvient à nous faire ressentir de façon tangible l’atmosphère et la confusion de ces quelques journées d’anéantissement valent vraiment le détour, et confirment mon attachement à l’auteur (voir mes précédents billets). Vivement le prochain !
 

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