Au revoir Phnom Penh (L’année du Lièvre, T1) – Tian

Gallimard, Collection Bayou, 2011, 120 pages

 
L’histoire :

Phnom Penh, 17 avril 1975. Les Khmers rouges prennent le pouvoir, après cinq années de guerre civile. Ils organisent aussitôt l’évacuation massive de Phnom Penh. Commence alors un long périple pour Khim et sa famille, contraints de quitter leur maison comme des millions d’autres citadins cambodgiens. Plongés du jour au lendemain dans une vie d’errance et d’incertitude, ils vont peu à peu découvrir les horreurs perpétrées par le nouveau régime.

 
L’opinion de Miss Léo :

 
Au revoir Phnom Penh est le premier tome d’une trilogie en forme de témoignage, sur un thème qui, s’il n’est pas des plus gais, possède néanmoins un indéniabe intérêt historique. L’auteur, Tian, est né en avril 1975, soit trois jours après la prise du pouvoir par les Khmers rouges. L’Année du Lièvre raconte l’histoire de sa famille. Dans un récit sobre et sensible, Tian nous propose de revivre les atrocités commises par le Kampuchea démocratique, ce premier tome se focalisant essentiellement sur l’exode du printemps 1975. Nous découvrons progressivement la stratégie d’anéantissement mise en place par l’Angkar (autre nom du Parti Communiste Khmer), visant à supprimer la notion de classes sociales et à s’affranchir du modèle occidental. Il m’a fallu un peu de temps pour m’habituer aux dessins, qui ne sont pas exceptionnels, mais par lesquels j’ai cependant fini par me laisser convaincre, probablement emportée par la force du récit.
 

Tian

 
Je ne savais pas grand chose de ces événements avant de visiter Phnom Penh, il y a de cela deux ans. Rappelons que la politique dictatoriale de l’Angkar a conduit à un génocide de grande ampleur, dont l’un des principaux objectifs fut la destruction des élites et des intellectuels, identifiés selon des critères plus ou moins fantaisistes (il ne faisait pas bon porter des lunettes dans le Cambodge de Pol Pot). Déportation et torture étaient alors monnaie courante, et de nombreux cambodgiens moururent de faim dans les campagnes, où ils avaient été installés de force pour cultiver la terre (collectivisation oblige). Une bonne partie de la population fut décimée par ces quatre années de terreur, dont le pays porte encore les séquelles. Même si la situation s’améliore progressivement, on croise dans les rues de Phnom Penh de nombreux mutilés et autres enfants orphelins. Le manque d’élites intellectuelles se fait encore cruellement sentir de nos jours, dans un pays qui peine à sortir la tête de l’eau. On a constamment la sensation de se trouver en zone sinistrée, bien que la ville de Phnom Penh en elle-même ne soit pas désagréable. Quel contraste avec la magnificience des temples d’Angkor, symboles de la grandeur d’une civilisation depuis longtemps éteinte !
 

Lors de mon voyage au Cambodge, j’ai pu me rendre au musée de Tuol Sleng, ancien lycée (!) transformé en centre d’emprisonnement et de torture, plus connu sous le nom de S-21. La visite fait froid dans le dos, et l’on ne sort pas indemne de cette expérience, que je recommande pourtant à tout le monde.

 

 

 

A travers de nombreux objets et photographies témoignant de la violence arbitraire des crimes perpétrés en ces lieux, nous pouvons mesurer le désarroi d’une population prise au piège de ses dirigeants. Le fait que ces événements se soient déroulés dans un passé relativement proche ajoute au malaise ressenti. Les enfants de l’époque étaient nés dans les années 70… comme la plupart de mes proches ! L’identification est donc particulièrement forte. Il est par ailleurs fascinant de constater qu’il a existé, au Cambodge comme partout ailleurs, des individus suffisamment malades dans leur tête pour organiser méthodiquement la destruction de leur propre peuple. Ce n’est plus une surprise, mais cela reste évidemment affligeant.
 

 
Désolée de plomber l’ambiance, mais il s’agit encore une fois d’un sujet qui me tenait à coeur. Dans mon prochain billet, je vous parlerai de sujets plus réjouissants, tels le printemps ou la Pierre de Lune de Wilkie Collins !  😉
 

Pour résumer : une BD à lire, pour se documenter sur des événements pas si lointains. J’ai hâte de découvrir le deuxième tome !

 

 
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Pour aller plus loin :
 

 
L’Année du Lièvre a été préfacé par Rithy Panh, cinéaste et documentariste, à l’origine du fameux “S21, la machine de mort Khmère rouge” (que je n’ai pas vu), sorti en 2002.
 
Il est également l’auteur d’un livre publié cette année, L’Elimination (éditions Grasset), que j’ai bien envie de lire. Comme pour l’Année du Lièvre,  il s’agit d’un ouvrage autobiographique racontant le génocide.
 
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L’Année du Lièvre marque ma première participation au Challenge Dragon 2012.
 

 

2 thoughts on “Au revoir Phnom Penh (L’année du Lièvre, T1) – Tian

  1. Ton billet est presque un reportage !^^ Très intéressant, je connais un peu l'histoire bien sûr mais comme beaucoup, j'en ai oublié des morceaux. J'avais noté cette BD, il y a un an et toujours pas lue (jamais à la médiathèque quand j'y vais note bien…). J'ai lu aussi ton billet sur la chimie, waouf ! Je connais les symboles pour avoir été une cruciverbiste enragée mais je dois dire que mon intérêt pour la "chose" est assez limité… 🙂

  2. Bonjour Miss Léo, bienvenue dans le challenge Dragon 2012. Merci pour cette belle note de lecture (j'ai aussi beaucoup aimé cette bande dessinée) et pour ton témoignage (j'espère pouvoir visiter le Cambodge un jour). Bonne continuation et bonne semaine.

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