L’énigme des Blancs-Manteaux – Jean-François Parot

Editions 10-18 (JC Lattès), 2000, 371 pages

 

Les premières phrases :
Dans la nuit du vendredi 2 février 1761, un équipage avançait péniblement sur la voie qui conduit de la Courtille à la Villette. La journée avait été sombre et, à la tombée du jour, de lourds nuages avaient éclaté en pluie et en tourmente. Quiconque aurait eu l’idée improbable de surveiller cette route eût remarqué ce chariot tiré par un cheval étique.

 

L’histoire :
Paris, 1761. Le jeune Nicolas Le Floch, fraîchement débarqué de sa Bretagne natale, entre sur la recommandation de son parrain au service de M. de Sartine, lieutenant général de police et chef absolu des administrations de sa Majesté le roi Louis XV. Ayant acquis la confiance de ce dernier, le jeune homme se voit alors confier l’enquête sur la disparition mystérieuse de son hôte, le très respectable commissaire Lardin, dont la seconde épouse mène une existence de débauche et de plaisirs en compagnie de ses (nombreux) amants. Nicolas, efficacement secondé par l’inspecteur Bourdeau, devra déployer des trésors d’ingéniosité et d’intelligence pour résoudre cette affaire difficile, dont les ramifications pourraient bien compromettre le Roi lui-même, menaçant ainsi la sécurité du Royaume de France.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Cela faisait bien longtemps que j’avais envie de découvrir cette série, dont j’avais vu et apprécié un épisode de l’adaptation télévisée (par ailleurs couverte de louanges par les critiques). J’aime les polars historiques, et celui-ci est particulièrement réussi.

 

L’intrigue policière, raisonnablement complexe, est cependant assez classique dans sa conception, et l’intérêt du roman réside avant tout dans les personnages, tous attachants et bien campés, ainsi que dans l’évocation du contexte historique. Jean-François Parot reconstitue magnifiquement le Paris du XVIIIème siècle, qui prend vie sous nos grands yeux émerveillés. Nous suivons Nicolas aux quatre coins de la capitale, dînant avec lui dans de petites auberges plus ou moins chaleureuses, avant d’arpenter en sa compagnie les faubourgs mal-famés, à la recherche de quelque cadavre. L’auteur nous donne un aperçu de la vie quotidienne des parisiens, et semble accorder une grande importance aux repas et à la nourriture, généralement décrits avec moult détails alléchants (ou pas, tout dépend de l’appétence que l’on a pour les abats… beuark). La pomme de terre  fait une entrée triomphale dans l’alimentation des français, et Parot nous offre au début du chapitre cinq une savoureuse recette de ragoût. C’est dire à quel point tout cela est pris au sérieux (pour notre plus grand bonheur) !

 

Les parisiens ne passant pas leur vie à manger, il faut bien qu’ils aient des endroits où se distraire. Les hommes s’encanaillent donc dans des maisons de jeu et de plaisirs, où opèrent des courtisanes aux origines parfois douteuses. L’entrevue de Nicolas avec la Paulet, grotesque matronne du Dauphin Couronné, est d’ailleurs particulièrement savoureuse !

 

Les déplacements du jeune commissaire nous mènent également à la forteresse du Châtelet, qui tenait tout à la fois lieu de prison et de Palais de Justice. C’est là que Nicolas vient faire état de l’avancement de son enquête au lieutenant général de Sartine, qui a soit-dit en passant réellement existé (il fit beaucoup pour le développement de la justice et l’amélioration de la sécurité des parisiens). On apprend tout un tas d’informations intéressantes concernant les procédures judiciaires de l’époque, ainsi que le sort cruel réservé aux régicides. Les conditions d’incarcération des prisonniers sont décrites lors d’une visite de Nicolas à la Bastille, vaste bâtiment humide et insalubre, où les plus riches avaient cependant la possibilité, moyennant finance, de séjourner dans des cellules plus “confortables”. Très intéressant !

 

Autre thème développé par Jean-François Parot : celui de la médecine, abordée sous des angles bien différents. La médecine légale se développe lentement mais sûrement, bien que les techniques d’analyse soient encore très rudimentaires. Les cadavres en décomposition sont soigneusement étudiés afin de déterminer l’heure et la cause exacte du décès, évitant ainsi aux enquêteurs de s’engager sur de fausses pistes. Le roman évoque également l’exercice quotidien de la médecine, domaine dans lequel la modernité s’oppose à l’obscurantisme de certaines pratiques, soulevant ainsi de nombreuses controverses. Le recours aux saignées est par exemple remis en cause avec véhémence par le docteur Semacgus, chirurgien militaire, et accessoirement suspect du meurtre de Lardin.

 

On sent l’auteur passionné par le siècle des Lumières, et l’on prend un réel plaisir à suivre l’évolution de l’enquête dans cet environnement. Le personnage principal est quant à lui très réussi. On s’attache vite à Nicolas Le Floch, jeune provincial éduqué mais un brin naïf, qui doute de sa propre légitimité, mais prend peu à peu confiance en ses compétences au fur et à mesure que l’enquête progresse. Il fait preuve d’exceptionnelles capacités d’analyse et de déduction, et se révèle plein de malice et de subtilité lors de l’exposé final de sa théorie, à l’image d’un Hercule Poirot débutant. L’auteur a créé un superbe détective, qui continuera probablement à évoluer dans les prochains tomes.

 

Et le style de l’auteur, me direz-vous ? Celui-ci est agréable, précis sans être pesant, et intègre un vocabulaire d’époque assez amusant (explicité dans les notes de fin d’ouvrage). La noirceur et la violence de certaines scènes contrastent avec la légèreté apparente du récit. On décèle ça et là quelques maladresses, mais le rythme soutenu et les nombreux rebondissements de l’intrigue suffisent à retenir l’attention du lecteur, séduit par la vivacité de l’enquêteur Le Floch et de son acolyte Bourdeau.

 

Une belle découverte ! J’ai très envie de lire la suite de cette sympathique série de polars historiques.

 

Pour aller plus loin :

 

 

– Le blog de Jean-François Parot, consacré aux aventures de Nicolas Le Floch. Je viens de le trouver à l’instant, et cela semble plutôt intéressant.

 

– La série télévisée adaptée des romans. Elle est excellente !

 

13 thoughts on “L’énigme des Blancs-Manteaux – Jean-François Parot

  1. J'ai lu le premier il y a longtemps, mais je n'ai jamais poursuivi alors que j'avais aimé cette reconstitution minutieuse. Il faudrait que je m'y replonge.
    France 2 m'avait énervée en commençant la série par le 2e volume de la série. Donc j'ai boycotté. Mais elle semble effectivement moins tarte que toutes les séries françaises (tu me diras, ce n'est même pas un titre de gloire, vu le niveau des autres).

    1. J'étais tombée sur un épisode au hasard, donc je ne m'étais pas vraiment posé la question de l'ordre et de la chronologie des enquêtes !

    2. P.S. Tu t'en doutes, je suis évidemment entièrement d'accord avec toi quant au niveau général des séries françaises ! Cela dit, j'aime beaucoup "Un village français", qui se bonifie d'une saison à l'autre.

  2. J'aime beaucoup les enquêtes de Nicolas et de Bourdeau. Le siècle des lumières, une époque que j'ai étudié est vraiment bien retranscrite et notamment la vie à paris. Je les ai tous lus sauf les 2 dernierd et l'adaptation télévisée est excellente aussi

  3. J'en ai lu un dans le temps, j'avais bien aimé ! Je retenterais bien mais la vie est courte et il y a des milliards de livres à lire… Je voudrais aussi lire "Le Trône der", au moins 15 tomes… mais quand? Quand????????

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