To Kill a Mockingbird – Harper Lee

 

Lecture commune avec Deuzenn et Shelbylee

 

Titre français : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
Arrow books, 1960, 309 pages

 

La première phrase :
When he was nearly thirteen my brother Jem got his arm badly broken at the elbow. 

 

L’histoire :
Maycomb, Alabama, 1935. Jean Louise Finch (dite Scout) et son frère Jeremy, de quatre ans son aîné, grandissent dans une petite ville décrépite du Sud rural des Etats-Unis, où ils partagent chaque été les jeux (et les bêtises) de leur ami Dill, un jeune voisin en vacances chez sa tante Rachel. Atticus Finch, avocat plein de bon sens, supervise avec tendresse l’éducation de ses deux enfants, auxquels il s’efforce d’inculquer quelques notions élémentaires de respect et de tolérance, ce qui n’est pas une mince affaire dans ce comté économiquement ravagé par la Grande Dépression, où racisme et violence sont trop souvent érigés en art de vivre. Jem et Scout se retrouvent à leur tour confrontés à l’hypocrisie de cette société embourbée dans ses propres préjugés, lorsque leur père se voit commis d’office pour défendre Tom Robinson, un jeune Noir accusé d’avoir violé une Blanche (autant dire que la cause semble perdue d’avance). Le procès s’ouvre dans un climat délétère, et la tension atteint bientôt son paroxysme.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Je souhaitais depuis longtemps découvrir l’unique roman de Harper Lee, prix Pulitzer en 1961, dont on m’avait à plusieurs reprises chanté les louanges au moment de la publication de mon billet sur The Help, de Kathryn Stockett. Les deux romans n’ont en réalité pas grand chose en commun, bien qu’ils abordent tous deux le thème des préjugés raciaux et de la ségrégation infligée aux Noirs américains. Force est néanmoins de constater que la comparaison tourne largement en faveur du présent opus, infiniment plus subtil et plus original que La couleur des sentiments, que j’avais trouvé caricatural et assez convenu, et dont je ne garde finalement que peu de souvenirs (mais bon, je l’avais bien aimé quand même sur le moment).

 

Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en débutant ma lecture, et j’ai été très agréablement surprise par la structure et le ton  général du roman. To kill a mockingbird n’a rien du pamphlet virulent en faveur des droits civiques des Noirs, et l’auteur respecte constamment l’intelligence de son lecteur, qu’elle suppose capable de lire entre les lignes pour combler les vides de la narration. C’est d’ailleurs ce qui fait toute la force de l’oeuvre, laquelle distille habilement son message humaniste et égalitaire, en nous proposant de découvrir la vie dans un état du Vieux Sud rural à travers les yeux d’une enfant de huit ans, dont la capacité d’analyse forcément limitée empêche d’emblée toute dérive moralisatrice. Scout porte un regard décalé et tendre sur les événements, et le roman prend très vite l’apparence d’un récit initiatique sur l’enfance, sans pour autant perdre de vue les enjeux majeurs que sont le racisme atavique, le mensonge et la violence, omniprésents en arrière-plan.

 

Je suis instantanément tombée sous le charme de Scout, inénarrable garçon manqué en salopette. Un sacré personnage, dans lequel on peut voir un double de l’auteur (Harper Lee est née en 1926 dans l’Alabama, et il est probable que le personnage de Dill lui ait été inspirée par Truman Capote, qui fut le compagnon de jeux de son enfance). La petite fille n’a pas froid aux yeux, et son imagination débordante lui inspire moult activités pas si innocentes, auxquelles elle s’adonne avec son frère Jem. Ensemble, ils jouent à se faire peur, errant devant la maison d’un mystérieux voisin, et échafaudent des plans de bataille savamment élaborés. Les relations entre le frère et la soeur sont touchantes, et l’on ressent l’affection qu’ils se portent mutuellement (ponctuée comme il se doit de disputes et de chamailleries vite oubliées). L’innocence sera hélas rattrapée par une réalité bien moins reluisante : Scout y laissera une partie de ses illusions, mais pas son énergie !Pour être honnête, j’ai ressenti quelques longueurs dans la première partie, exclusivement consacrée aux jeux et aux activités des enfants. Si j’ai pu éprouver quelques difficultés à rentrer dans l’histoire, j’ai cependant beaucoup aimé ce côté “roman d’apprentissage”, qui renforce l’impact des événements ultérieurs, lesquels forgeront la personnalité future de Jem et Scout. La narration enjouée de la petite Jean Louise Finch n’est pas dépourvue d’humour (le premier jour de classe de Scout vaut son pesant de cacahuètes), et j’ai été frappée par la douceur qui émane du récit. Cela offre un contraste saisissant avec la violence de certaines scènes !
 
Car l’auteur ne se contente pas d’effleurer les maux et les vices d’une société désespérément archaïque et conservatrice. La deuxième partie du roman (superbe) est intégralement dédiée au procès et à ses conséquences, et aborde de façon admirable des thèmes très durs. Les préjugés, la violence physique, le port d’armes et la justice sont au coeur du récit, et les (magnifiques) scènes de procès retranscrivent à merveille les tensions et les haines qui cristallisent à cette occasion. L’accusation comme le jury obéissent à des schémas de pensée préétablis, et n’ont que faire de la vérité. Le sort du malheureux Tom Robinson semble par conséquent joué d’avance, malgré l’acharnement d’Atticus Finch. Ce dernier fait figure d’OVNI à Maycomb, et semble en complet décalage avec la plupart de ses voisins et “amis”. Atticus est un homme droit et cultivé, un modèle de tolérance et de dévouement, qui préfère inculquer de vraies valeurs à ses enfants, plutôt que de leur enseigner les bonnes manières et les convenances propres à leur classe sociale. La tante Alexandra désespère de voir un jour sa nièce Scout se comporter comme une vraie “lady”, mais cela ne semble guère émouvoir le vaillant avocat, qui milite en faveur d’une justice égalitaire, et consacre toute son énergie à défendre le violeur présumé, dont l’innocence ne fait aucun doute à ses yeux.L’engagement d’Atticus Finch met en relief les contradictions d’un pays devenu complètement schizophrène, qui condamne la persécution des Juifs allemands par Hitler, mais considère les Noirs américains comme une race de sous-hommes, menteurs, v(i)oleurs et bons à rien. Le parallèle est troublant… Harper Lee dresse un portrait peu reluisant de son pays, durement touché par la Crise de 29, ainsi que (encore et toujours !) par la Guerre de Sécession. Les mentalités peinent à évoluer, et les préjugés raciaux semblent devoir s’enraciner durablement, tandis que les laissés pour compte et les indigents envahissent les villes et les campagnes, contribuant à entretenir un climat de peur et de violence. La tension est palpable durant toute la seconde partie du roman, que j’ai d’ailleurs lue beaucoup plus rapidement que la première !

 

Last but not least : l’auteur a su créer des personnages secondaires attachants et réalistes, qui renforcent l’intérêt du lecteur. La famille Finch est tellement sympathique, avec son goût marqué pour la lecture et son ouverture d’esprit, qu’il est presque impossible de ne pas les aimer ! Calpurnia (la cuisinière noire), Miss Maudie, le Juge Taylor ou encore Boo Radley incarnent d’autres figures marquantes de ce très beau roman, que nous découvrons par le biais du regard tour à tour bienveillant, effrayé ou gentiment moqueur de notre amie Scout.

 

To kill a mockingbird est très vite devenu un classique, et les jeunes américains l’étudient en classe (ce qui ne peut pas leur faire de mal, si tant et qu’ils y comprennent quelque chose). Il a été adapté au cinéma avec Gregory Peck : il paraît que le film n’est pas mal du tout, mais pourquoi l’avoir sorti sous un titre français aussi débile (Du silence et des ombres) ?? J’essayerai de le voir à l’occasion, car j’ai été conquise par le roman, que je trouve tout à fait admirable. Quel dommage que l’auteur n’ait rien publié d’autre !

 

Un excellent roman, très dense, dur et tendre à la fois. A lire !

 

Je vous invite maintenant à découvrir les avis de mes camarades de LC.

 

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Nouvelle participation au Challenge Thursday Next, organisé par Alice.
 

16 thoughts on “To Kill a Mockingbird – Harper Lee

  1. Les quelques longueurs de la première partie, que j'ai aussi ressenties, ont disparu dans le film (essaie de le dénicher, il est très bien, G Peck, oui!)

  2. Un de mes livres préférés, c'est un roman splendide et Atticus est un si beau personnage. Et malgré le titre, je te conseille vraiment de voir le film. Gregory Peck dans le rôle d'Atticus…on ne peut rêver mieux !

  3. C'est vrai que les titres français sont (souvent ?) ridicules. Déjà que je n'avais pas envie de lire The Help, mais le titre français m'en aurait "définitivement" dégoûtée. Je ne suis pas surprise que le livre d'Harper Lee soit meilleur, puisqu'il s'agit d'événements qu'elle a vécus. Pour The Help, l'auteure s'est contentée de recopier une histoire qu'on lui a racontée.

    (PS Comment s'appelle la police que tu utilises ? J'aime beaucoup.)

  4. Moi pas d'accord du tout Miss Léo sur La Couleur des sentiments 🙂
    Je l'ai adoré, et j'en garde un souvenir très fort des mois après la lecture !
    Celui-ci est dans ma Pal depuis longtemps, je vais bientôt l'en sortir ! Bisous

  5. Je n'ai pas été séduite par ce roman pourtant culte, je comprends qu'il est autant marqué les esprits à l'époque de sa publication mais tant de choses ont été écrites sur le sujet depuis !

  6. C'est un livre que j'ai beaucoup aimé, mais contrairement à beaucoup je crois, j'ai adoré la première partie. La parole et la vision de l'enfant sont pour moi ce qui est le plus réussi dans ce livre.

  7. Je partage ton avis sur "La couleur des sentiments", tellement insignifiant. Et le film avec Gregory Peck est très fidèle au livre et excellent.

  8. Je suis plutôt d'accord avec Malika. J'ai trouvé Atticus au contraire extrêmement moralisateur avec un côté il faut pardonner à tout le monde quoiqu'il te fasse.
    Le passage que tu relèves sur la comparaison entre le génocide des juifs et la ségrégation m'a au contraire gênée, je n'aime pas trop cette mentalité de comparer les malheurs et surtout ce qui n'est pas comparable : quelque qu'horrible que soit la ségrégation, ce n'est pas une politique d'extermination. Sans compter que la maîtresse prophétise dès les années 30 l'extermination des juifs, ce qui est vachement crédible dans un trou perdu du fin fond de l'Alabama.

  9. Un excellent souvenir de cette lecture. J'ai aussi ressenti quelques longueurs mais vite effacées par l'excellente deuxième partie.

  10. J'ai etudié ce livre à l'école et je l'ai bien aimé. Scout est une de mes personnages favoris dans la littérature, elle est trop mignonne mais courageuse et intelligent à la fois!

    (Pardonnez mon français, je suis anglaise ;p)

    Laura @ What's Hot?

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