Premier tome d’une trilogie
Titre original : The Passage
Traduction (américain) : Dominique Haas
Pocket, Robert Laffont, 2010, 1265 pages
Les premières phrases :
Avant de devenir la Fille de nulle part – Celle qui vint en marchant, la Première, la Dernière et la Seule, et qui vécut mille ans -, ce n’était qu’une petite fille appelée Amy. Amy Harper Bellafonte, née dans l’Iowa.
L’histoire :
Iowa, 5 ans av. V. – Jeannette Bellafonte, serveuse et fille unique, accouche à dix-neuf ans d’une petite Amy, fruit de ses amours brèves mais passionnées avec un homme marié. La jeune femme se retrouve hélas sans ressource, et se résout la mort dans l’âme à abandonner sa fille dans un couvent. Amy, désormais âgée de six ans, est accueillie à bras ouverts par l’énigmatique Soeur Lacey Antoinette Kudoto, qui se prend très vite d’affection pour l’enfant taciturne que Dieu (who else ?) lui a confiée. La petite fille semble également recherchée par de mystérieux agents du FBI, chargés de ramener dans le Colorado une poignée d’individus destinés à servir de cobayes pour les expériences médicales du très secret Projet NOE, développé conjointement par une poignée de scientifiques renommés en collaboration avec l’armée américaine.Californie, 92 ans ap. V. – L’humanité a été décimée par un virus. Les rares survivants tentent de sauvegarder ce qui reste de civilisation. Il leur faudra pour cela échapper aux viruls, nouvelle race d’humains mutants assoiffés de sang, capables de performances physiques spectaculaires.
L’opinion de Miss Léo :
Quel roman ! Je me méfiais pourtant de ce qui aurait pu n’être qu’un énième best-seller post-apocalyptique, surfant opportunément sur le mythe du vampire et appliquant à la lettre de vieilles recettes éculées et sans saveur. C’était compter sans le talent et l’habileté de Justin Cronin, qui réussit avec ce premier tome une étonnante fresque fantastique, en tout point palpitante et totalement maîtrisée par un auteur en état de grâce.Mon billet sera dépouillé (si, si, je vous jure !) : mieux vaut en effet en révéler le moins possible concernant l’intrigue, afin de préserver le plaisir de la découverte. Je vous dirai simplement ceci : lecteurs de tous horizons, ne vous laissez pas rebuter par le volume de ce pavé (1260 pages en poche tout de même, soit 998 cm3, si mes calculs sont exacts), et plongez sans plus attendre dans cet excellent roman, qui vous réservera à n’en pas douter quelques délicieux moments de lecture. Le récit, très équilibré, emprunte à divers genres littéraires, et se révèle plus intelligent que ne le laisserait supposer la quatrième de couverture. J’ai apprécié que l’intrigue soit dans l’ensemble très centrée sur les personnages, nombreux et variés, tous dotés d’un passé et d’une personnalité propre. C’est l’une des grandes forces de ce Passage, lequel décrit par ailleurs un monde post-apocalyptique crédible et effrayant, dans lequel une poignée d’êtres humains regroupés au sein de petites communautés strictement hiérarchisées survivent tant bien que mal à la catstrophe, rongés par l’angoisse de lendemains incertains.
J’ai beaucoup aimé la construction du récit, qui mêle plusieurs époques et envisage différents points de vue. Justin Cronin alterne narration classique et extraits de documents divers (journaux intimes à la première personne, coupures de presse). Cela peut sembler artificiel, mais le procédé n’en demeure pas moins redoutablement efficace, en ce qu’il permet de raviver constamment l’intérêt du lecteur, déjà stimulé par la qualité des rebondissements qui émaillent le déroulement de l’intrigue. L’auteur fait preuve d’un remarquable sens du suspense et du cliffhanger, qui rendent le roman totalement addictif. Je reconnais toutefois avoir préféré la première partie, consacrée aux événement pré-apocalyptiques (soit 400 pages environ). Cela n’a rien d’étonnant : j’aime les ambiances de “calme avant la tempête”, et l’enchaînement de faits inéluctables conduisant au désastre imminent me fascine au plus au point (d’autant plus que la catastrophe est ici particulièrement bien amenée). Comme je m’y attendais, j’ai eu un peu plus de mal avec le début de la deuxième partie, et j’ai légèrement décroché au moment de la présentation de l’univers post-apocalyptique, qui introduit également une multitude de nouveaux personnages Je ne sais pas vous, mais j’éprouve toujours quelques difficultés à m’intéresser à ces néo-sociétés, décrites à grands renforts de ce que j’appelle les “noms à majuscule” : la Maisonnée, le Sanctuaire, le Mur, les Familles, l’Entrepôt, les Longues Chevauchées… Ces dénominations un peu pompeuses ont tendance à m’ennuyer et à me détacher du texte. Cela n’a heureusement pas duré, et je me suis bien vite remise à tourner frénétiquement les pages, dans le but de connaître la suite de l’histoire !
Nous suivons le destin des membres de la Première Colonie, près d’un siècle après l’Apocalypse. Ceux-ci mènent un combat permanent contre les viruls, ces vampires sanguinaires qui tentent chaque nuit de s’introduire dans la forteresse, protégée par de hautes murailles gardées par de jeunes archers, ainsi que par la lumière produite par des batteries à l’autonomie déclinante. On voit mal comment l’humanité pourrait survivre à ce fléau. Et pourtant… L’Homme, espèce animale au tempérament pourtant ô combien destructeur, se caractérise également par sa remarquable capacité d’adaptation, ainsi que par son aptitude à reconstruire une civilisation à partir des cendres encore fumantes d’un monde à jamais éteint. Le rêve et l’espoir subsistent, notamment à travers la jeunesse, qui refuse d’envisager la défaite et l’anéantissement. C’est ainsi qu’un groupe de jeunes colons se lance dans un périple à l’issue terriblement incertaine, espérant vaincre à jamais les créatures malfaisantes lancées à leur poursuite. Il est intéressant de noter que cette société préserve autant que possible l’innocence de ses enfants, enfermés jusqu’à l’âge de huit ans dans un Sanctuaire imperméable à la réalité du monde extérieur. Une bien belle idée !
Le personnage d’Amy, Messie protecteur au comportement souvent déroutant, est à la fois fascinant et extrêmement attachant. Sa quête d’identité est très émouvante, et entre en résonance avec le drame personnel vécu par les viruls eux-mêmes. Je n’en dirai pas plus, mais… on en viendrait presque à les plaindre !! Les personnages, sans être d’une complexité extrême, ne sont cependant pas manichéens, même si les héros de la deuxième partie sont un peu agaçants parfois (je n’aime ni Alicia, ni Peter Jaxon, trop lisses à mon goût). Mon préféré ? Brad Wolgast, agent spécial rongé par ses propres incertitudes.
On relève quelques clichés ça et là, mais Justin Cronin parvient néanmoins à surprendre, et son roman tient remarquablement bien la distance, oscillant entre le thriller, la fable de SF dystopique et le conte horrifique un peu gore. On y retrouve des thèmes relativement classiques. Les hommes (et l’armée) jouent aux apprentis-sorciers, dans le but d’améliorer les capacités de l’espèce. Leur expérience tourne mal, pour le malheur de tous. C’est l’histoire de Frankenstein revisitée ! Le thème de la guerre est omniprésent, l’auteur se montrant par là-même bien peu optimiste quant au devenir de la “civilisation” telle que nous la connaissons actuellement, au demeurant bien éphémère (que deviendront nos appareils électroniques et autres équipements ultra-sophistiqués dans cent ans, dans mille ans ?). Les viruls se font quant à eux très discrets, incarnant une sourde menace (les scènes dans lesquelles ils apparaissent ne sont à ce titre pas les plus réussies). Le roman ne comporte pas d’effets horrifiques, ni de tension “insoutenable” à la Stephen King (auteur que je trouve soit-dit en passant bien moins talentueux), mais il règne du début à la fin un climat oppressant, qui invite au questionnement et peut légitimement susciter quelques inquiétudes.
Je conclurai avec ce simple constat : Le Passage, ce sont 1260 pages de bonheur, que j’aurai finalement lues en… deux jours ! Je n’ai pas pu résister : j’ai déjà acheté la suite, The Twelve, que je compte lire rapidement, avant que le souvenir de ce premier tome ne se soit totalement estompé.
Un excellent divertissement dystopique, intelligent et bien mené. J’ai adoré !
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Il s’agit de mon premier Pavé de l’été, que j’inscris également au challenge Lieux imaginaires d’Arieste, catégorie Dystopie.
Je suis impressionnée par ta vitesse de lecture!
Je n'avais jamais entendu parler de ce roman mais je le note dans ma wishlist. Tu en parles très bien et sais donner envie!
Bonne découverte du second tome!
comment tu as dévoré ce roman c'est impressionnant…tu ne vas pas m'aider à descendre ma PAL spéciale SP, si tu me donnes envie de ressortir celui-ci !
Je l'avais repéré à sa sortie, j'avais lu quelques bonnes critiques (mais pas que, il me semble). Il a fini par atterrir à la bibli mais je n'ai toujours pas franchi le pas (et pourtant, j'ai été tentée lorsque je l'ai vu en version poche !), ayant les mêmes craintes que celles que tu évoques au début de ton billet.
Donc OK, tu as dissipé ces craintes (tu as dévoré ton pavé !)et l'envie est revenue !
Mais dis-moi, y a-t-il un cliffhanger de folie à la fin du tome 1 ou bien peut-on attendre un peu avant le tome 2 ?
Mmm…dans ma pal…
Il me tente depuis longtemps et il est dans ma PAL, il faut juste que je trouve le bon moment pour m'y mettre !
Un roman qui m'avait déçu, mai sil est vrai que les atmosphères post-apocalyptiques, ce n'est pas mon truc.
Tu l'as lu en deux jours !!! Chapeau 😉 Malgré un léger coup de mou au milieu où je me suis un peu perdue dans les personnages, j'ai adoré ce tome ! En revanche, je suis coincée depuis quelques semaines au milieu du deuxième : Les Douze…
Je l'ai et je n'étais pas hyper motivée jusqu'à ce que je lise ton billet !
:))) moi aussi c etait mon pavé de l'ete et j'ai bq aimé