Meurtres à Pékin – Peter May

Titre original : The Firemaker
Traduction : Ariane Bataille
Babel Noir, Actes Sud, 1999, 500 pages

 

La première phrase :
Les rires des deux enfants qui gambadent sur les sentiers poussiéreux du parc Ritan résonnent dans l’aube comme les cloches d’un service funèbre.

 

L’histoire :
Margaret Campbell, jeune médecin légiste de Chicago, s’installe pour quelques semaines à Pékin, dans le but d’y donner une série de conférences à l’université. Sa méconnaissance des moeurs locales et de la mentalité chinoise lui valent d’emblée quelques déconvenues, qui accroissent progressivement sa mauvaise humeur. Désappointée et subissant de plein fouet les effets du décalage horaire et culturel, Margaret trouve cependant quelque motif de satisfaction lorsque les autorités lui demandent d’assister le professeur Xie sur l’autopsie d’un cadavre carbonisé, découvert le matin même dans un parc de Pékin. Suicide ou meurtre ? Le commissaire Li Yan s’interroge, mais déplore la présence de la légiste américaine, au caractère si différent du sien. Ces deux personnages que tout opposent entretiennent dès leur première rencontre des relations houleuses, mais se voient néanmoins contraints de collaborer, pour le bon déroulement de l’enquête. 

 

L’opinion de Miss Léo :

 

J’ai découvert Peter May il y a quelques mois avec L’île des chasseurs d’oiseaux, premier tome de la fameuse (et formidable) trilogie “de Lewis”, dont je vous avais déjà longuement vanté les mérites ici. L’auteur écossais est cependant davantage connu pour sa série “chinoise”, dont les intrigues se déroulent en … Chine (bravo, merci d’avoir joué avec nous) ! Cela faisait un moment que je tournais autour de ce premier volume, dans lequel apparaissent pour la première fois le commissaire Li Yan et sa collaboratrice Margaret Campbell, couple improbable et cependant terriblement attachant, que j’aurai grand plaisir à retrouver dans d’autres enquêtes.J’ai passé un très agréable moment avec ce roman, dont j’ai surtout apprécié le côté “exotique” et dépaysant. Peter May excelle à créer des ambiances originales, et utilise à merveille le décor constitué par la bouillonnante ville de Pékin, qui sert de cadre à une intrigue policière satisfaisante et bien construite. Entre tradition et modernité, nous découvrons la capitale chinoise à travers ses parcs et ses marchés, et arpentons en compagnie des personnages ses ruelles commerçantes peuplées de marchands ambulants. Le contexte est intéressant, et j’ai beaucoup aimé l’alternance de points de vue, l’auteur envisageant tout à tour celui de Margaret, occidentale perdue dans une jungle asiatique dont elle ne maîtrise ni les codes ni les coutumes, et celui du commissaire Li Yan, lui-même plein de méfiance et de préjugés envers cette rouquine impérialiste américaine, aux bras criblés de taches de rousseur. Le choc culturel semble inévitable, et donne lieu à d’innombrables situations burlesques et embarrassantes, qui accentuent le sentiment d’isolement de la jeune femme. Sa rencontre avec Li Yan, fonctionnaire de police ironique et taciturne, lui permet cependant de mieux appréhender la mentalité chinoise, et Margaret prend peu à peu conscience de son ignorance. J’ai apprécié que l’auteur s’attarde sur l’histoire récente de la Chine, que nous découvrons à travers le témoignage de quelques autochtones. Il est à plusieurs reprises fait référence à la politique de l’enfant unique, ainsi qu’à la Révolution culturelle : chasse aux intellectuels, liquidation des élites, camps de travail agricole… Combien de destins et de familles brisés par la folie d’une (grosse) poignée d’individus ? On prend toute la mesure de la détresse d’un peuple meurtri, qui n’en demeure pas moins terriblement philosophe et discipliné.
 
Les personnages principaux sont attachants et travaillés, dotés d’un passé la plupart du temps douloureux, ce qui leur confère une certaine épaisseur (à l’image du Fin MacLeod de L’île des chasseurs d’oiseaux). Je le répète, j’aime beaucoup Margaret et Li Yan, dont la relation se pare bien vite d’une incontrôlable tension sexuelle, mais je me suis également prise d’affection pour Lily Peng, fonctionnaire de police austère et un peu trop zélée, pour l’oncle Yifu, vieux joueur d’échecs amateur de feng shui, pour Mei Yan, vendeuse de crêpes cartésienne, ou encore pour Lotus, brave prostituée de luxe envers laquelle le commissaire ne semble éprouver que du mépris. Le roman réserve par ailleurs quelques moments savoureux, comme les affrontements (très drôles) entre Margaret et Lily Peng, ou les chamailleries entre Li Yan et son oncle Yifu.
 
Venons en maintenant à l’intrigue policière à proprement parler. Celle-ci est assez prévisible, et n’échappe pas à certains clichés, mais l’enquête me semble plutôt bien menée par l’auteur, empruntant parfois aux codes de la série télévisée (les scènes “d’action”, heureusement peu nombreuses, ne sont toutefois pas les plus convaincantes du roman). Triades, tueurs à gages et magouilles politiques sont au rendez-vous : c’est simple, mais efficace ! J’ai en tout cas pris beaucoup de plaisir à suivre le déroulement de l’histoire, dont j’ai par ailleurs apprécié l’aspect “scientifique”. Celui-ci transparaît non seulement dans la description des autopsies réalisées par Margaret, mais aussi à travers le thème des OGM, qui constitue l’un des principaux ressorts de l’intrigue. Peter May propose une hypothèse intéressante, à la fois crédible et totalement effrayante. La fin du roman prend quant à elle une dimension quasi-apocalyptique, qui m’a toutefois semblé un peu tirée par les cheveux.

 

Pour résumer : on retrouve dans Meurtres à Pékin les qualités et les défauts de Peter May, déjà entrevus dans L’île des chasseurs d’oiseaux. L’auteur britannique et sinophile réussit un roman séduisant et bien écrit, peuplé de personnages attachants et fouillés évoluant dans un univers et une atmosphère originaux. On peut en revanche regretter le caractère parfois trop simpliste et prévisible de l’intrigue (ce qui ne m’a à vrai dire pas tellement gênée). Je lirai bien évidemment la suite de la série, dont les six tomes sont tous parus chez Babel Noir.
 

Un roman policier très plaisant, qui offre une vision intéressante de la Chine contemporaine.
J’ai beaucoup aimé !

 

5 thoughts on “Meurtres à Pékin – Peter May

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