Actes Sud, 2013, 318 pages
La première phrase :
La première fois que j’ai vu la maison, les arêtes de ses murs en brique disparaissaient sous une brume grise.
L’histoire :
Laura Kern, bretonne d’origine galloise, la trentaine bien avancée, vit à Vanves avec son chat pour seule compagnie, et travaille sans grande conviction pour une agence immobilière parisienne. La jeune femme est hantée chaque nuit par un rêve étrange, qui l’obsède et la terrifie. Quelle est donc cette mystérieuse maison entourée de brume, qui lui parle et l’appelle durant son sommeil ? Comment expliquer l’incompréhensible évaporation du petit Arthur, dont la disparition et la réapparition soudaines au cours de la visite d’un luxueux appartement de l’avenue des Ternes mystifient les parents du jeune garçon ? Laura lutte pour ne pas sombrer dans la folie, tandis que l’irrationnel s’immisce peu à peu dans son quotidien. Echappera-t-elle à la sombre menace qui plane sur la famille Kern depuis le décès de son père John, victime de la maladie dégénérative causée par un gène défectueux ? Il est temps pour Laura d’affronter ses démons.
L’opinion de Miss Léo :
Lady Hunt, ou Gorilles Laura dans la brume.
Une fois n’est pas coutume, je me suis laissée tenter par un roman français de la Rentrée Littéraire, lequel semblait, sur le papier du moins, susceptible d’intéresser, voire de toucher la lectrice enthousiaste que je suis. J’ai déjà évoqué à maintes reprises la totale confiance que je porte aux éditions Actes Sud, dont le catalogue n’en finit pas de me réjouir. Aussi étais-je plutôt bien disposée à l’égard de ce roman, que la quatrième de couverture présentait en ces termes alléchants : “Hélène Frappat trace une cartographie intime et (hyper)sensible de l’effroi et des tourments extralucides de l’âme. Des ruines du parc Monceau à la lande galloise, avec liberté et ampleur, elle réinvente le grand roman gothique anglais, et toutes les nuances du sortilège.” Il n’en fallait pas plus pour attiser ma curiosité !Parlons peu, mais parlons bien.
J’aime la Bretagne et l’Angleterre.
J’aime les univers fantastiques et les ambiances gothiques.
J’aime les héroïnes fragiles et “borderline”, en proie à d’insurmontables tourments.
J’aime les héroïnes fragiles et “borderline”, en proie à d’insurmontables tourments.
Je suis également friande d’atmosphères brumeuses et de vieilles maisons perdues dans la lande, où errent avec mélancolie les fantômes du passé (Emily Brontë, sors de ce corps !).
J’ajoute que les enfants extralucides “à la Shining” ne me font pas peur (au contraire, j’aurais plutôt tendance à nourrir quelque sympathie à leur égard, compte-tenu de leur très handicapante pathologie).Je m’attendais à trouver tout cela dans Lady Hunt, retravaillé de main de maître et avec subtilité par une Hélène Frappat au sommet de son art.
Autant le dire tout de suite, j’ai été profondément déçue !
Autant le dire tout de suite, j’ai été profondément déçue !
Cette incursion dans un univers pseudo-gothique moderne et quotidien dégage surtout un profond ennui. Il est difficile de ressentir une quelconque empathie envers le personnage principal, tant celui-ci paraît lointain et artificiel. Laura est une héroïne “brumeuse”, à l’image de ses rêves tourmentés. Sa profession (agent immobilier) rend d’emblée toute identification difficile (j’ai ces gens là en horreur). La relation amoureuse grotesque qu’elle entretient avec son patron n’arrange rien à l’affaire. Bref, je n’ai pas cru un instant à son histoire, et je ne me suis guère intéressée à son désordre psychiatrique, qui se révèle à la longue particulièrement épuisant.Je n’ai pas été séduite non plus par le cadre dans lequel se déroule l’intrigue, elle-même relativement plate et confuse. Les personnages évoluent dans une atmosphère fantastique de carton pâte, qui brasse tous les clichés du genre, sans jamais parvenir à les sublimer. Les mots “brume” et “brouillard” sont répétés environ 4242 fois dans le roman, ce qui traduit certes à merveille l’état psychique de Laura, mais n’en devient pas moins lassant après quelques dizaines de pages. Pour être honnête, j’ai également eu un peu de mal à adhérer à certains choix de l’auteur. Le parc Monceau, un décor gothique ? De qui se moque-t-on ?? Je connais bien ce parc, pour y avoir couru à plusieurs reprises, tout comme je connais le quartier qui s’étend de part et d’autres de l’avenue des Ternes. Lady Hunt évoque l’univers nauséabond des grands et hors de prix appartements bourgeois parisiens (avec un petit détour par le Boulevard des Belges à Lyon, tout aussi puant). Les clients de Laura sont des gosses de riches, qui ne parviennent pas à trouver le bien immobilier de leurs rêves (les pauvres chéris). Tout cela ne fait pas rêver, et j’ai été très gênée par cet aspect du roman.
L’entrée en matière est pourtant intrigante, et donne envie de poursuivre la lecture, mais l’histoire tourne en rond, et il ne se passe rien de significatif pendant toute la deuxième partie du récit, qui aurait probablement gagné à être raccourci de moitié. Les rêves de Laura sont redondants, et l’auteur saute constamment du coq à l’âne, dans une succession de courts chapitres très inégaux, générant un sentiment de frustration permanent. Le dénouement est quelconque, mais mon attention s’était de toute façon relâchée depuis longtemps lorsque j’ai enfin atteint les toutes dernières pages ! J’aurais peut-être davantage apprécié Lady Hunt si l’intrigue avait été plus resserrée, et le propos moins dilué. En l’occurrence, j’ai surtout regretté l’impression de vide qui se dégage de ce roman décousu, que j’ai trouvé très décevant, malgré la jolie plume d’Hélène Frappat.
Cela est d’autant plus dommage que j’y ai tout de même décelé quelques motifs de satisfaction (si, si, je vous assure que c’est vrai).
Les thèmes abordés sont intéressants, quoique insuffisamment développés à mon goût. Lady Hunt est un roman sur l’hérédité et la force des liens familiaux, qui traite de façon sensible du thème de la maladie (ici la Chorée de Huntington, que Laura et sa soeur ont une chance sur deux de développer à l’âge adulte). Cette épée de Damoclès qui pèse sur la tête de la jeune femme justifie ses angoisses, et explique qu’elle soit à ce point hantée par son passé. Les souvenirs d’enfance de Laura, à cheval sur deux cultures (père gallois, mère bretonne) sont d’ailleurs les passages qui m’ont le plus séduite. J’ai par exemple aimé le paragraphe consacré à ses cheveux roux et à ses taches de rousseur (un détail certes un peu “cliché”, cependant bien exploité ici). Hélène Frappat fait dans ces moments là preuve d’une grande finesse, et il est tout à fait regrettable que l’ensemble du roman ne soit pas à la hauteur de ces quelques instants de grâce. Le postulat de départ, selon lequel les maisons et appartements ont une âme, et exercent une influence bienfaisante ou maléfique sur leurs occupants, est quant à lui fascinant, et aurait pu donner lieu à de passionnants développements (encore eût-il fallu que !
Cela est d’autant plus dommage que j’y ai tout de même décelé quelques motifs de satisfaction (si, si, je vous assure que c’est vrai).
Les thèmes abordés sont intéressants, quoique insuffisamment développés à mon goût. Lady Hunt est un roman sur l’hérédité et la force des liens familiaux, qui traite de façon sensible du thème de la maladie (ici la Chorée de Huntington, que Laura et sa soeur ont une chance sur deux de développer à l’âge adulte). Cette épée de Damoclès qui pèse sur la tête de la jeune femme justifie ses angoisses, et explique qu’elle soit à ce point hantée par son passé. Les souvenirs d’enfance de Laura, à cheval sur deux cultures (père gallois, mère bretonne) sont d’ailleurs les passages qui m’ont le plus séduite. J’ai par exemple aimé le paragraphe consacré à ses cheveux roux et à ses taches de rousseur (un détail certes un peu “cliché”, cependant bien exploité ici). Hélène Frappat fait dans ces moments là preuve d’une grande finesse, et il est tout à fait regrettable que l’ensemble du roman ne soit pas à la hauteur de ces quelques instants de grâce. Le postulat de départ, selon lequel les maisons et appartements ont une âme, et exercent une influence bienfaisante ou maléfique sur leurs occupants, est quant à lui fascinant, et aurait pu donner lieu à de passionnants développements (encore eût-il fallu que !
L’écriture n’est pas mauvaise, bien au contraire, et la confession de Laura n’est pas dépourvue d’émotion. Le style est même assez poétique, voire onirique, et l’auteur fait preuve d’une belle aisance, qui mérite qu’on lui accorde quelque attention. Je ne suis cependant pas convaincue à cent pour cent ; comme souvent en littérature française contemporaine, Lady Hunt sonne creux, et le lecteur a parfois l’impression d’être confronté à un vain exercice littéraire, certes agréable, mais malheureusement vide de sens. Je commence à me lasser de ces auteurs qui ne savent pas raconter une histoire, et noient leur propos dans une déferlante de figures stylistiques, rendant parfois la narration chaotique. Comme le chantaient si bien Alain Delon et Dalida : “Toujours des mots, encore des mots, rien que des mooooots (et rien derrière)”. Je n’ai pas peur des lectures exigeantes, et je suis prête à fournir un petit effort supplémentaire lorsque l’auteur ne livre pas toutes les clés nécessaires à la compréhension de l’intrigue (ce qui est parfois justifié, notamment lorsque le rêve tient une place prépondérante, comme c’est le cas ici). Malheureusement, je ne trouve pas que cela fonctionne particulièrement bien dans Lady Hunt, ce qui explique pourquoi je suis à ce point restée sur ma faim (et surtout pourquoi je me suis autant ennuyée).Pour finir, j’ai apprécié la référence récurrente aux vers de Tennyson, extraits du poème romantique The Lady of Shalott (lequel retrace les aventures d’une héroïne de la légende arthurienne). La citation est sympathique, mais, il faut bien le dire, n’apporte strictement rien au roman, qui manque décidément d’unité et de cohérence (et ne ressemble en rien aux romans gothiques anglais, contrairement à ce que l’éditeur voulait nous laisser croire) !
The mirror crack’d from side to side;
“The curse is come upon me”, cried
The Lady of Shalott.
(Alfred Tennyson)
The Lady of Shalott – John William Waterhouse (toile exposée à la Tate Britain) (même que je l’ai vue en vrai cet été…) |
Pour résumer : la mayonnaise ne prend pas, et Lady Hunt se résume à la juxtaposition d’une multitude d’ingrédients alléchants mal assaisonnés. Un roman, c’est un peu comme un Orangina : il faut bien secouer, sinon la pulpe, elle reste en bas (et le lecteur sur le bord de la route) !
Une lecture en demi-teinte, qui ne tient pas ses promesses.
Je remercie Price Minister de m’avoir fait parvenir ce roman, dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire 2013.
Découvrez les avis de mes copines blogueuses ! La plupart ont été déçues, mais certaines lectrices ont été davantage sensibles à la poésie (?) de ce roman.
Je partage tout à fait tes impressions concernant ce roman. Une belle écriture mais que de confusions. L'intrigue amoureuse m'est passée complètement au dessus, il y a effectivement de bonnes choses dans ce roman, mais ça manque de cohérence, c'est sans doute pour ça aussi que ça ne fonctionne pas. Je suis souvent prête aussi à fournir un effort ou à faire preuve de patience lorsque l'intrigue met du temps à s'éclaircir mais là, ça ne devient pas vraiment limpide. Beaucoup de choses m'ont dérangée, j'ai d'ailleurs eu beaucoup de mal à l'expliquer dans mon billet. J'ai finalement mis 10/20 mais je trouve difficile de noter un roman.
Je crois que nous sommes d'autant plus déçues que nous étions bien disposées, tout à fait prêtes à être saisies par une ambiance gothique, étrange. Et les premiers billets lus, et surtout les nombreuses interviews étaient tellement élogieux… c'est comme un gâteau tout plat finalement, et tellement brumeux 😉
J'ai l'impression qu'il y a plus de déçues que de lectrices emballées pour ce roman. Je vais passer.
je sais vers qui me tourner pour exprimer mon ressenti pou run livre…alors que je ne trouvais pas mes mots pour exprimer clairement mon avis sur ce roman, j'ai tut retrouvé avec ton article, l'ennui, l'indiférence quant à ce personnage sans saveur, ce poème qui est là, sans savoir exactement pourquoi !
bref, en espérant que tes prochaines lectures seront plus savoureuses. Celui-ci avait carrément provoqué chez moi une panne de lecture, rien que ça !
Les avis sont décidément très partagés. Du coup, même si je sujet me semble intéressant, je vais peut-être attendre avant de dépenser 20 euros …
Je passe mon tour, d'après les points négatifs que tu soulèves, je pense que je serais aussi déçue que toi…
Ah oui, c'est plus qu'une lecture en demi-teinte… Tu confirmes les craintes que j'avais à l'égard de ce roman… Je verrai donc. (En plus, je n'ai pas du tout accroché à l'intervention de l'auteur sur le plateur de La Grande Librairie)
J'ai adoré ta référence à Orangina (c'était le commentaire constructif du jour). Sinon pour le reste, je pense passer mon chemin à moins vraiment d'avoir un gros désert de livres à la bibli et de ne tomber que sur celui-ci. Dommage parce que la référence à Tennyson m'intéressait, mais vu qu'il n'y a que cela…
Je suis en train de le terminer, je suis moins déçue que la plupart des lecteurs dont j'ai lu les avis jusqu'ici mais je pense que le fait d'avoir lu leurs réserves avant m'a évité une déconvenue. Je pense qu'Actes Sud a voulu survendre ce livre à travers un résumé extrêmement attractif, mais pas complètement en adéquation avec le contenu… d'où pas mal de déceptions. En tout cas je trouve ton billet très constructif.
C'est un roman qui attise ma curiosité que dont je vais attendre la sortie en poche !
Flûte, je l'ai réservé à ma BM. Affaire à suivre….
Je ne regrette pas d'avoir choisi Laura Kasischke pour ce match de la rentrée littéraire ! Mais, comme Maggie s'en ai débarrasser en me l'offrant, je vais quand même le lire ! Grâce à vos billets, je sais mieux à quoi m'attendre et peut-être serai-je moins déçue que toi. Merci pour ta référence à "Paroles, paroles", une grande chanson de notre répertoire à la poésie inégalée…
Du coup je ne sais plus… Tu es le premier avis négatif que je lis sur ce roman… bisous ma Leo
Tiens , moi aussi j'aime la Bretagne et l'Angleterre , les héroines border line , les vieux manoirs perdus dans la lande ( enfin, dans les romans !). Donc, après avoir longtemps hésité à lire ce roman , votre billet , me fera passer mon chemin sans hésiter !
tout à fait d'accord avec tout ce que tu dis ! J'ai aimé beaucoup de thèmes et même le style parfois surréaliste mais je n'ai mis que 8/20… Une déception aussi !
j'ai bien aimé
J'avais été tentée par ce roman mais après avoir l'auteure chez Busnel, j'ai eu quelques craintes, que ton billet conforte, hélas! Je vais donc passer mon tout, c'est plus prudent…
Je ne sais pas quoi en penser car ton avis et celui de Galéa sont tellement divergents et c'est suffisamment rare pour le souligner. Je pense que je le lirai un jour pour me faire ma propre opinion. Bises