Un café maison – Keigo Higashino

Titre original : Seijo no Kyûsai
Traduction (japonais) : Sophie Refle
Actes noirs, Acte Sud, 2008, 335 pages

 
Les premières phrases :

Ayané regardait les jardinières du balcon depuis l’intérieur de la maison. “Les pensées commencent à fleurir. Elles manquent d’eau mais cela n’altère en rien l’éclat de leurs couleurs. Ce ne sont pas des fleurs voyantes, mais elles ont une vigueur extraordinaire. Il ne faut pas non plus que j’oublie d’arroser les autres plantes”, se dit-elle.
– Tu m’écoutes, oui ou non ? demanda une voix derrière elle.
Elle se retourna et sourit.
– Bien sûr que oui. Comment peux-tu en douter ?
 
L’histoire :

Ayané Mashiba a tout pour être heureuse : elle s’épanouit dans son art (le patchwork), entretient méticuleusement son jardin et ses fleurs, et mène une existence idyllique et confortable en compagnie de son mari Yoshitaka, PDG d’une entreprise prospère (youp la boum). Or voici que ce dernier annonce brusquement à son épouse son intention de la quitter. Comment ??? Mais pourquoi donc ???? Eh bien figurez-vous que cette incapable d’Ayané n’a pas été fichue de tomber enceinte, après un an de vie commune ! Un mariage sans enfants ? Inacceptable pour Yoshitaka, qui estime que sa moitié n’a pas respecté les termes du contrat qui les unissait.  Résignée et convaincue que son mari entretient d’ores et déjà une liaison avec une autre femme, Ayané décide de passer quelques jours chez ses parents à Sapporo, tandis que Yoshitaka demeure seul dans leur maison de Tokyo. Seul ? Pas tout à fait ! La jeune Hiromi Wakayama, amie proche du couple Mashiba (et accessoirement élève d’Ayané), est là pour lui tenir compagnie. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle découvre le corps sans vie de Yoshitaka, allongé dans son salon aux côtés d’une tasse de café renversée ! L’arsenic retrouvé dans le café écartant d’emblée l’hypothèse d’une mort accidentelle, l’inspecteur Kusanagi et sa jeune collègue Kaoru Utsumi sont dépêchés sur les lieux du crime, tandis que la veuve du défunt rentre en catastrophe d’Hokkaido après avoir appris la triste nouvelle. Les relations d’Ayané avec la victime font d’elle une suspecte idéale. Problème : la jeune femme n’a pas pu matériellement commettre le meurtre, et sa culpabilité semble par conséquent bien improbable. Perplexe, Koaru sollicite l’aide du physicien Yukawa, afin de démêler les fils d’une affaire possédant toutes les apparences d’un crime parfait.

 
L’opinion de Miss Léo :
 

J’ai découvert Keigo Higashino le mois dernier avec Le dévouement du suspect X, qui avait su me séduire par son intelligence et sa sobriété, ainsi que par la qualité de son intrigue machiavélique. Autant dire que j’ai bondi comme une furie lorsque j’ai aperçu Un café maison à la bibliothèque, exposé sur un rayonnage à la vue de tous. Et Miss Léo de s’exclamer : “Myyyyyyyy precious !”. Toute excitée d’avoir enfin mis la main sur le précieux opus, je ne pus résister au besoin impérieux de l’ouvrir et de le lire sur le champ, confortablement installée sur le canapé du salon, en compagnie de mon chat et d’une délicieuse tasse de thé maison (hahaha). Au diable ma PAL prioritaire ! Higashino n’attend pas, et j’espérais retrouver dans Un café maison les qualités qui m’avaient tant plu lors de ma première tentative.

 

Verdict : essai transformé ! L’auteur n’a pas son pareil pour retenir l’attention du lecteur, et ce jusqu’à la toute dernière page du livre. J’ai à nouveau aimé la résolution “scientifique” de l’énigme, et si le dénouement peut sembler un peu tiré par les cheveux, il est en revanche passionnant de suivre le déroulement de l’enquête, qu’aucun élément extérieur ne vient parasiter. Rédigé dans un style sobre et rigoureux, le récit peut parfois sembler froid et mécanique, les faits étant rabâchés et décortiqués sans relâche. Cela ne m’a cependant pas dérangée outre mesure, et je dois dire que j’apprécie beaucoup ce dépouillement (très japonais il est vrai), ainsi que la capacité de l’auteur à ne pas se disperser dans d’improbables intrigues secondaires. Pas d’esbrouffe ni de “spectaculaires” et invraisemblables rebondissements dans ce roman, qui n’a rien d’un thriller.

 

On se doute assez rapidement de l’identité du coupable et de son mobile, mais là n’est pas l’intérêt. Tout le sel du roman réside dans la découverte progressive du “comment”. On se demande constamment par quel cheminement les enquêteurs parviendront à élucider les circonstances du meurtre, il est vrai assez mystérieuses. Le personnage de Yukawa, déjà présent dans Le dévouement du Suspect X, est décidément très réussi, et met la démarche scientifique à l’honneur, en analysant inlassablement et méticuleusement chaque aspect du crime, validant ou invalidant des hypothèses pour établir la vérité.

 

J’avais regretté dans mon billet sur Le dévouement du suspect X la fadeur des personnages féminins, réduites au rang de potiches sans cervelle. Il n’en est rien ici, et j’ai été plus que ravie de découvrir la sympathique Kaoru, jeune inspectrice têtue comme une mule et pleine de bon sens, qui se révèle extrêmement subtile et pertinente dans ses analyses. Elle se montre la plupart du temps bien plus perspicace que Kusanagi, lequel semble ici un peu en retrait. Ayané est quant à elle un personnage fort, au centre d’un drame poignant dont on découvre peu à peu l’ampleur.

 

Le roman permet également d’apprécier fugitivement certains aspects de la vie quotidienne du Japon d’aujourd’hui, ainsi que les codes sociaux qui conditionnent le comportement et les réactions des personnages. Le thème de la maternité est également abordé à plusieurs reprises, à travers les différentes figures féminines de l’intrigue. Pour l’anecdote, il est aussi fait mention du synchrotron SPring-8 de Hyogo, utilisé par la police scientifique pour effectuer des analyses, ce qui m’a évidemment beaucoup plu.

 

Je suis donc une nouvelle fois convaincue par cet auteur, et j’espère que d’autres ouvrages seront bientôt traduits (il me reste toutefois à lire La maison où je suis mort autrefois, déjà paru en poche).

 

Un excellent roman policier !

 

D’autres avis ici.

 

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Keigo Higashino était au programme de janvier du challenge Ecrivains japonais, organisé par Adalana.
 

12 thoughts on “Un café maison – Keigo Higashino

  1. Je l'ai lu et j'ai été mitigée à cause de ce côté froid, sobre, rabâché mais j'aime beaucoup ta chronique. Vraiment !

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