Série Z – J.M. Erre

Pocket (2014), Editions Buchet-Chastel, 2010, 284 pages

 

Le premier paragraphe :
Il était une fois, il y a bien longtemps, un enfant qui courait sous un ciel sans lune. Fille ou garçon ? Impossible à dire. Parce qu’une longue cape rouge le recouvrait, parce que la nuit était profonde, et surtout parce que ça gâcherait le suspense si l’on donnait son identité dès la première page.

 

L’histoire :
Félix Zac, adolescent trentenaire attardé et amateur inconditionnel de films de série Z, au grand désespoir de sa pacsée Sophie, cohabite tant bien que mal avec le chat obèse de cette dernière, et subit les provocations quotidiennes de leur fille Zoé, douze mois et un caractère déjà bien affirmé. Il croit entrevoir enfin le bout du tunnel lorsqu’un obscur producteur débutant lui propose de financer le tournage de son premier navet scénario, “L’Hospice de l’Angoisse”, une histoire de mystérieuses et improbables disparitions dans une maison de retraite pour acteurs de second plan. Persuadé d’être sur le point de réaliser enfin son rêve le plus cher, Félix se retrouve alors confronté à une série de morts suspectes à la Niche Saint-Luc, un hospice de Barges-les-Gonesse dont les pensionnaires ressemblent étrangement à ceux décrits dans le script. Suspecté par la police, le voici entraîné malgré lui dans une invraisemblable succession d’aventures rocambolesques, qui menacent son couple et son intégrité d’esprit.

 

L’opinion de miss Léo :

 

Ce n’est un secret pour personne : j’adooore les romans de Jean-Marcel Erre. Après Le mystère Sherlock et Prenez soin du chien, me voici enfin en possession de Série Z, dont la sortie en poche au début du mois de janvier aura sans nul doute réjoui bien des petits coeurs livrophiles. J’en attendais beaucoup, et, chose extraordinaire, je n’ai absolument pas été déçue ! Le style porte indéniablement la patte de l’auteur, qui nous livre avec ce troisième opus l’un de ces réjouissant festivauxls d’humour absurde et déjanté dont il est désormais coutumier. Série Z est en effet d’une drôlerie irrésistible, et je ne peux que m’incliner devant l’incomparable maîtrise de monsieur Erre, qui aura réussi l’impensable, à savoir me faire rire à presque toutes les pages.

 

Les tournures de phrases sont souvent hilarantes ; le fond l’est tout autant. L’écrivain entretient une constante connivence avec son lecteur, par le biais d’apartés et autres ruptures narratives. Ce roman regorge de trouvailles qui, sans être révolutionnaires, sont en tout cas parfaitement exploitées d’un bout à l’autre du récit, témoignant d’une imagination incroyablement fertile, ainsi que d’une parfaite appropriation des codes de la série Z et du polar. On peut y voir une forme de cabotinage, mais je suis pour ma part totalement adepte de cet état d’esprit délicieusement subversif, et les digressions m’amusent au plus haut point (surtout quand elles sont agrémentées de références familières et contemporaines).

 

J.M. Erre joue avec la langue française, qu’il manie d’ailleurs avec une remarquable aisance, et se moque gentiment des stéréotypes et archétypes de notre époque. Les personnages sont extraordinaires, et chacun en prend pour son grade. Du couple bobo de la rue Mouffetard au policiers pompeux et suffisants, en passant par la mère envahissante et le monstrueux bébé-tornade, tous finiront par connaître leur heure de gloire, dans un récit traitant de façon équitable l’ensemble de ses protagonistes (y compris le chat Krasucki, au comportement particulièrement réaliste). Sophie, prof de SVT engagée et “écologiste intégriste” (dixit Félix), raille constamment ce fainéant de Félix, aux centres d’intérêt décidément bien puérils, tandis que les peaux de vache grabataires de la maison de retraite se vannent à coup de piques acerbes. Les scènes se déroulant à l’hospice sont d’ailleurs hilarantes de méchanceté, et j’ai beaucoup aimé ce côté politiquement incorrect, assez inhabituel en littérature française contemporaine.

 

“Sept heures sept, Krasucki se léchait les babines devant une écuelle sinistrée, ronronnant d’un vieux râle asthmatique à l’idée que la préposée au brossage allait bientôt se réveiller. Félix était rassuré, il ne se ferait pas attaquer. Pas comme la veille, quand l’animal avait exigé du rab en labourant de ses griffes jaunâtres les mollets de son esclave humanoïde.” (page 23)

 

Le roman se veut aussi (évidemment) un hommage au cinéma bis, avec ses monstres de carton pâte, ses scénarios ridicules à dormir debout et ses titres à rallonge (dont le roman propose d’ailleurs un florilège édifiant). Il s’agit certes d’une parodie, mais l’auteur n’en éprouve pas moins une certaine tendresse vis à vis de cet univers étrange et décalé, presque poétique parfois. Signalons également que Série Z, malgré son point de vue ouvertement loufoque, n’en aborde pas moins avec beaucoup de justesse le thème délicat de la vieillesse (mieux vaut en rire qu’en pleurer) ; J.M. Erre se montre assez subtil dans sa dissection des comportements humains, ce qui confère contre toute attente une certaine part de réalisme à une intrigue par ailleurs totalement invraisemblable. Bref, tout cela est loin d’être sot, et le rire n’en est que plus satisfaisant.

 

Vous l’aurez compris, je suis totalement enthousiaste, et je laisserai à d’autres le soin de relever les quelques menues lourdeurs et autres imperfections (en existe-t-il seulement ???). Série Z est un roman à tiroirs très distrayant, dont on tourne avidement les pages entre deux éclats de rire, pour se laisser surprendre par les multiples trouvailles qui émaillent le récit. Après trois tentatives couronnées de succès, je suis désormais en mesure d’affirmer que J.M Erre possède un univers et un humour proches des miens, dans lesquels je me reconnais pleinement. Je suis impatiente de découvrir son nouveau roman, La fin du monde a du retard, qui sortira au mois de février (toujours chez Buchet-Chastel).

 

Un divertissement loufoque comme je les aime. Et indéniablement un coup de coeur !
A lire de toute urgence !!!

 

7 thoughts on “Série Z – J.M. Erre

  1. Lu, bien sûr, je suis fan de l'auteur (et rencontré à ma bibli, nananèreuh…)
    Hélas j'ai commis l'erreur de prêter mon exemplaire chéri à une collègue, ça va faire deux ans…

    1. J'ai commencé, j'en suis déjà à la moitié et évidemment je suis pliée en 2. Mais je dois dire que j'ai en dvd 2 des chefs d'oeuvre cités dans cet ouvrage…

  2. Et dire que "Prenez soin du chien" est dans ma PAL depuis très longtemps. Bon, cette année, je découvre cet auteur !

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