L’Etranger – Jacques Ferrandez (et Albert Camus)

Adapté du roman d’Albert Camus
Collection Fétiche, Editions Gallimard, 2013, 134 pages

 
La première phrase :

Aujourd’hui, maman est morte.

 

L’histoire :
Meursault, jeune homme taciturne et vaguement apathique, assiste dans la fournaise à l’enterrement de sa vieille mère, en compagnie des pensionnaires de l’hospice de Marengo. Il semble toutefois peu affecté par la mort de cette dernière, et se laisse peu à peu envahir par une moite torpeur, sous l’effet combiné de la fatigue et du violent soleil algérien. De retour à Alger, il retrouve par hasard son ancienne collègue Marie Cardona, avec laquelle il entame une liaison. Meursault se lie également d’amitié avec son voisin Raymond Sintès, individu peu recommandable au moeurs plus que douteuses, qui l’invite cependant à passer un week-end à la plage dans le cabanon d’un ami. Tout ce petit monde se retrouve au bord de la mer par une chaude journée d’été…

 

L’opinion de Miss Léo :

 

L’Etranger. . . Un classique qu’on ne présente plus, ici adapté et illustré par le grand Jacques Ferrandez, spécialiste de l’Algérie et auteur inspiré des remarquables Carnets d’Orient (dont j’ai d’ailleurs terminé le dixième et dernier tome il y a moins de deux mois). Un classique que j’avais lu et étudié pour le bac de français, que j’avais apprécié, mais dont je ne conservais toutefois que de vagues souvenirs très imprécis : la première phrase, la trame générale, les sensations liées au soleil et à la chaleur… J’envisageais de relire le roman, et voici que Gallimard a eu la bonne idée de publier cette nouvelle version de l’oeuvre d’Albert Camus, sur laquelle je lorgnais avant même d’avoir l’opportunité de la recevoir par le biais de l’opération “La BD fait son Festival”, organisée par Price Minister en parallèle de l’édition 2014 du festival d’Angoulême.

 

Ferrandez propose une relecture plutôt fidèle et semble-t-il assez respectueuse du texte original. Le récit à la première personne retrace le parcours de Meursault, banal employé de bureau algérois, qui choque son entourage par son indifférence et son absence d’émotions. Ce jeune homme insaisissable et taciturne ne montre aucune ambition professionnelle, et fait preuve d’un surprenant détachement vis à vis de ses semblables. Il place ainsi sur le même plan les relations qu’il entretient avec sa fiancée Marie (qu’il accepte d’épouser, mais dont il “ne sait pas” s’il l’aime ou pas) et avec son “ami” Raymond, proxénète notoire et élément déclencheur du drame à venir. Rien ne semble avoir d’importance pour Meursault, qui payera pourtant au prix fort les conséquences de son imperméabilité au monde extérieur. Le jeune homme a en effet le tort de ne montrer aucun chagrin suite au décès de sa mère, allant même jusqu’à se faire servir un café dans la chambre mortuaire ! Ces faits anodins lui seront lourdement reprochés par la suite, et offriront une preuve irréfutable de sa noirceur d’esprit à ses détracteurs (difficile d’en parler sans révéler des éléments clés de l’intrigue, mais je ne veux pas gâcher le plaisir de celles et ceux d’entre vous qui n’auraient pas lu le roman).

 

L’étranger appartient au cycle de l’absurde, et développe plusieurs aspects de la philosophie camusienne, au même titre que Caligula et Le mythe de Sisyphe (une pièce et un essai que j’avais beaucoup aimés, et que j’ai également très envie de relire). Le destin de Meursault permet à l’auteur d’aborder des thèmes aussi divers que la justice, la peine de mort, le libre-arbitre, la fatalité ou l’existence de Dieu. Les événements relatés se déroulent dans un climat étouffant, le soleil et la chaleur plongeant les personnages dans une sorte de torpeur engourdie, et déclenchant chez certains des réactions insoupçonnées. Meursault serait ainsi victime de la lumière, et non de ses propres instincts meurtriers. L’utilisation de la première personne favorise quant à elle l’identification au personnage principal, pourtant loin d’être irréprochable, ce qui rend l’expérience assez troublante pour le lecteur.

 

Les somptueuses illustrations de Jacques Ferrandez servent à merveille le texte de Camus. Le dessinateur s’est parfaitement réapproprié l’oeuvre du romancier, à laquelle il offre un support visuel tout à fait adapté, se montrant aussi doué pour les portraits que pour les paysages. Chaque planche est un régal pour les yeux, et donne pleinement à ressentir l’atmosphère lourde et lumineuse de cette Algérie (trop) ensoleillée, dans laquelle évolue un Meursault aux allures de jeune premier. On prend plaisir à suivre le déroulement de l’intrigue, bien que la complexité du texte oblige parfois à se concentrer davantage sur les dialogues que sur les illustrations, surtout dans la deuxième partie. Les dessins n’en demeurent pas moins magnifiques, et méritent d’être appréciés à leur juste valeur !

 

Je suis ravie d’avoir pu découvrir cette adaptation réussie d’un classique en bande dessinée. Celle-ci ne se substitue évidemment pas à l’original, mais la vision de Ferrandez n’en demeure pas moins pertinente et tout à fait recommandable. Je suis prête à renouveler l’expérience !Un classique indémodable, sublimé par les illustrations d’un excellent auteur de bandes dessinées. A lire !
 
Je lui attribue la note de 17/20.
 
Livre chroniqué en partenariat avec Price Minister, dans le cadre de l’opération “La BD fait son Festival 2014”.
 
bd
 
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Nouvelle participation à mon challenge Le mélange des genres (encore une BD).
 

5 thoughts on “L’Etranger – Jacques Ferrandez (et Albert Camus)

    1. Si tu aimes L'Etranger, tu ne seras pas déçue ! Jacques Ferrandez est un excellent dessinateur, et son travail est assez subtil.

  1. C'est une adaptation parfaitement fidèle au texte et je trouve que le dessin de Ferrandez offre à ce chef d'oeuvre un écrin magnifique.

  2. Je suis certaine de craquer très prochainement. Il est bien en évidence dans les librairies où je vais!! et puis pour mes grands qui n'ont pas lu ce texte, c'est intéressant.

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