Les enfants sauvages – Louis Nowra

Titre original : Into that forest
Traduction (australien) : Perrine Chambon et Arnaud Baignot
Editions Denoël, 2012, 172 pages

 
La première phrase :

Hannah O’Brien, c’est comme ça que je m’appelle et j’ai soixante-seize ans.

 

L’histoire :
Séparées de leurs parents suite à un violent orage, deux petites filles se retrouvent seules au coeur d’une dense forêt du bush australien. Paniquées et affamées, Hannah et Becky se réfugient dans une grotte abritant un couple de tigres de Tasmanie, avec lesquels elles vont cohabiter. Les deux gamines nouent peu à peu une relation basée sur la confiance et l’entraide avec leurs parents de substitution, et renoncent progressivement à leur humanité pour vivre comme des bêtes. Elles apprennent ainsi à  marcher à quatre pattes et à se nourrir de viande crue, et développent un langage à base de grognements. Les années passent, et les deux enfants s’épanouissent dans leur nouvelle vie… jusqu’au jour où elles sont retrouvées par un chasseur, qui les ramène au père de Becky.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

C’est la bonne surprise de ce début d’été ! Je n’avais absolument pas prévu de lire ce roman, qui m’a été envoyé sans que je l’aie demandé par les éditions Denoël (que je remercie au passage). Je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait, et je l’ai donc lu sans a priori (pas sûr que j’aurais été très tentée si je l’avais croisé en librairie).Le début m’a semblé totalement invraisemblable, bien que l’intrigue soit apparemment basée sur des faits avérés. Les premiers contacts entre les petites filles et les deux tigres s’enchaînent trop rapidement à mon goût, et paraissent par conséquent assez irréels.

 

Il faut dire que je me représentais le tigre de Tasmanie de cette façon :
 

Shere Khan
(The Jungle Book, Walt Disney)

 
Vous vous en doutez, j’avais un peu de mal à imaginer ce monstre sanguinaire prenant sous son aile deux petites humaines terrorisées !
 
Sauf que le tigre de Tasmanie n’est pas un tigre : c’est un marsupial ! L’espèce est aujourd’hui éteinte, mais voici l’allure du bestiau :
 

Si vous voyez cet animal en vrai et que vous n'avez pas bu, merci de prévenir l'ONU.
Source : Libération

 
Ouf, je comprends mieux !
 
J’étais donc sceptique, après une entrée en matière quelque peu laborieuse. Le style atypique de la narratrice nécessite un temps d’adaptation, et la situation particulière des deux héroïnes itou. J’ai néanmoins fini par me prendre au jeu, et j’ai suivi avec plaisir l’évolution de Becky et Hannah au contact des deux animaux. Si la seconde adopte sans hésiter le mode de vie des tigres de Tasmanie, la première montre quant à elle une certaine réticence devant l’insouciance de sa camarade, et refuse dans un premier temps de marcher à quatre pattes, de dévorer un oiseau mort ou de laper l’eau à même le ruisseau. Becky s’accroche désespérément à tout signe tangible d’appartenance à l’espèce humaine, et lutte pour ne pas revenir à l’état sauvage. Les deux gamines finissent toutefois par abandonner le dernier lien qui les rattachait encore à leur ancienne existence : en renonçant définitivement au langage, elles acceptent leur nouvelle condition, et perdent du même coup leur humanité… ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une mauvaise chose ! La vie avec Dave et Corinna (les deux tigres) se révèle en effet pleine de surprises et de tendresse, malgré les dangers de la vie en pleine nature.

 

Cette première partie est intéressante, mais la “transformation” des fillettes en tigres manque tout de même légèrement de réalisme. J’ai pour ma part préféré la suite du roman, consacrée au retour (difficile) de Becky et Hannah à la vie “civilisée” après cette expérience d’une rare intensité. La réadaptation est longue et douloureuse, et le processus de “réhumanisation” ne se fera pas sans douleur. Les deux adolescentes connaissent une situation d’une violence extrême (il ne s’agit pas tant de violence physique que de violence morale), et peinent à retrouver leur place dans la société des hommes. C’est là tout l’enjeu dramatique de ce roman sobre et délicat, rédigé dans un style simple et sans fioriture.

 

Bien documenté sur la vie sauvage, le récit de Louis Nowra se révèle par moments très émouvant, et se montre très critique vis à vis des chasseurs et autres baleiniers, qui abattent les bêtes sans discernement. L’auteur fustige le mépris de l’homme pour la vie sauvage, qui conduit à l’extinction des espèces. Il prône le respect de la nature, mais ne s’érige pas en donneur de leçon pour autant : les faits parlent d’eux-mêmes !
J’ai passé un excellent moment avec ce roman, qui a le mérite d’être court, évitant ainsi tout sentiment de lassitude. Les enfants sauvages peut sans problème être lu par de jeunes adolescents, et et m’a rappelé certains titres des collections Castor Poche ou Medium de l’Ecole des Loisirs, qui firent les beaux jours de ma pré-adolescence.
 
Un roman prenant sur les relations complexes et parfois conflictuelles qu’entretient l’Homme avec le règne animal.
 
Merci à Dana et aux éditions Denoël pour cette jolie découverte.

 

3 thoughts on “Les enfants sauvages – Louis Nowra

  1. Je dois dire que le sujet me faisait peur mais vu ce que tu en dis, il a finalement l'air d'être fait pour moi ! Je note.

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