Pocket, Editions Anne Carrière, 2011, 931 pages
La première phrase :
La masure lui tenait chaud comme un manteau en drap d’Espagne.
L’histoire :
Duché de Lorraine, 1694. Nicolas Déruet, chirurgien itinérant, croise la route de la jeune Rosa de Montigny, promise au marquis de Cornelli. Il rencontre le même jour Marianne Pajot, sage-femme, qu’il assiste lors d’un accouchement difficile, et dont il ne tarde pas à s’éprendre. Nicolas décide alors de s’installer à Nancy, chez son ami et mentor François Delvaux. Le décès d’un patient influent, imputé à tort à des complications post-opératoires, contraint toutefois le jeune chirurgien à l’exil. Ce dernier exercera désormais son art dans le chaos des champs de bataille de Hongrie…
L’opinion de Miss Léo :
Le pouvoir d’attraction exercé par un livre fraîchement sorti de chez l’imprimeur relève parfois de processus chimiques inaltérables. Comme dirait l’autre : “C’est la nature, Thérèse !”. Je veux bien sûr parler de ces redoutables phéromones de livres, qui agissent sur nos récepteurs sensoriels et nous attirent irrémédiablement, au point de nous faire perdre tout contrôle et saisir sans retenue l’objet de notre convoitise, pour le présenter à la caisse d’un air piteux. C’est à peu de choses près ce qui m’est arrivé avec Le soleil sous la soie, dont je ne comprends toujours pas par quel insondable mystère il a pu se retrouver dans mon sac de courses (mais bon, puisqu’il était là, il a bien fallu que je le lise). J’ai d’abord été séduite par le titre. Et quel titre ! Doux, lumineux, sensuel, un brin mystérieux… Une stimulante et subtile allitération, qui nous invite à embarquer séance tenante pour un voyage plein de promesses.
(bon, allez, je me calme)
Le soleil sous la soie est un savoureux cocktail savamment dosé d’action, de rigueur documentaire et de fluidité narrative. Eric Marchal signe un roman intelligent et enlevé, qui renouvelle avec bonheur les figures traditionnelles de l’épopée historique. Analysons ensemble les clés de de ce succès.
Une intrigue rythmée, tu concocteras
Nicolas Déruet a fait le choix d’une existence nomade, afin de pouvoir vivre pleinement sa passion, la chirurgie, qu’il pratique avec talent et conviction. Si les événements le poussent à se sédentariser quelques temps dans la ville de Nancy, sa rencontre avec Rosa puis Marianne marque toutefois le début d’une décennie riche en découvertes et en péripéties pour le jeune praticien, que nous suivrons tout au long de ses aventures mouvementées. Les rebondissements, sobres et sans excès, quoique relativement classiques, sont habilement exploités par l’auteur, et les voyages de Nicolas rythment le récit, évitant ainsi tout sentiment de lassitude. La vie sentimentale du jeune homme est quant à elle clairement reléguée au second plan, ce qui permet à Eric Marchal de se consacrer pleinement à l’approfondissement des principaux thèmes de fond du roman.
De la chirurgie, tu nous entretiendras
(bon, allez, je me calme)
Le soleil sous la soie est un savoureux cocktail savamment dosé d’action, de rigueur documentaire et de fluidité narrative. Eric Marchal signe un roman intelligent et enlevé, qui renouvelle avec bonheur les figures traditionnelles de l’épopée historique. Analysons ensemble les clés de de ce succès.
Une intrigue rythmée, tu concocteras
Nicolas Déruet a fait le choix d’une existence nomade, afin de pouvoir vivre pleinement sa passion, la chirurgie, qu’il pratique avec talent et conviction. Si les événements le poussent à se sédentariser quelques temps dans la ville de Nancy, sa rencontre avec Rosa puis Marianne marque toutefois le début d’une décennie riche en découvertes et en péripéties pour le jeune praticien, que nous suivrons tout au long de ses aventures mouvementées. Les rebondissements, sobres et sans excès, quoique relativement classiques, sont habilement exploités par l’auteur, et les voyages de Nicolas rythment le récit, évitant ainsi tout sentiment de lassitude. La vie sentimentale du jeune homme est quant à elle clairement reléguée au second plan, ce qui permet à Eric Marchal de se consacrer pleinement à l’approfondissement des principaux thèmes de fond du roman.
De la chirurgie, tu nous entretiendras
Le soleil sous la soie a parfois été comparé aux Piliers de la Terre de Ken Follett, dont il ne possède ni le souffle épique ni l’efficacité dramatique, mais avec lequel il présente toutefois une évidente similitude, à savoir le fait de décrire dans les moindres détails les tâches et les conditions de travail d’un corps de métier. C’est ici la chirurgie qui est mise à l’honneur, et j’ai été particulièrement enthousiasmée par cet aspect du roman. Le parcours de Nicolas nous apprend énormément de choses sur cette profession en pleine évolution, qui souffrait encore en cette fin de XVIIème siècle d’un cruel manque de reconnaissance en dehors des champs de bataille. Le chirurgien peine à imposer ses vues, et souffre de la rivalité qui l’oppose aux médecins, lesquels n’hésitent pas à avancer des diagnostics contradictoires. Eric Marchal reconstitue avec minutie des opérations pour le moins hasardeuses, réalisées avec des instruments rudimentaires… et sans anesthésie ! Nicolas consulte de nombreux ouvrages de référence pour parfaire sa technique, et le lecteur assiste fasciné à l’extraction d’un calcul, et autres interventions sanguinolentes. Le deuxième tiers est quant à lui consacré à la chirurgie militaire, qui n’a évidemment rien à voir avec le travail effectué en temps de paix. Passionnant !
Des personnages attachants, tu enfanteras
La seule faiblesse (relative) de l’ouvrage réside à vrai dire dans le personnage de Nicolas, que j’ai trouvé bien fade, et difficile à cerner. On peut bien sûr louer sa soif de connaissance et son perfectionnisme, ainsi que sa capacité à sans cesse se remettre en question. Le jeune chirurgien se distingue également par son obstination à vouloir rester libre coûte que coûte, à refuser le confort d’un poste fixe à l’hôpital, pour ne pas s’enfermer dans une vie trop étriquée. Nicolas n’est pourtant pas un personnage charismatique, malgré (à cause de ?) ses multiple qualités. Il en émane au contraire une certaine froideur, probablement imputable à son absence de défaut, qui le rend presque inhumain. Je lui ai (nettement) préféré les personnages secondaires, qu’il s’agisse de Marianne, la sage-femme compétente et cultivée, de François Delvaux, l’ami et mentor rêvant d’évasion, de Germain Ribes de Jouan, le chirurgien de guerre bon vivant, ou encore d’Azlan, le jeune et fougueux tzigane devenu élève attentif. Rosa est quant à elle assez agaçante, parfois à la limite de la mièvrerie, mais on la voit peu, et son dynamisme joue indéniablement en sa faveur. Signalons également la présence de quelques puissants au casting de ce roman, comme le tout jeune Duc de Lorraine, Léopold, dont Nicolas se fera un allié de poids. Il manque toutefois un vrai “méchant” à cette intrigue un peu plate, dont les protagonistes sont dans l’ensemble trop lisses, voire un peu simplistes. Un peu de noirceur aurait sans doute été profitable !
Des personnages attachants, tu enfanteras
La seule faiblesse (relative) de l’ouvrage réside à vrai dire dans le personnage de Nicolas, que j’ai trouvé bien fade, et difficile à cerner. On peut bien sûr louer sa soif de connaissance et son perfectionnisme, ainsi que sa capacité à sans cesse se remettre en question. Le jeune chirurgien se distingue également par son obstination à vouloir rester libre coûte que coûte, à refuser le confort d’un poste fixe à l’hôpital, pour ne pas s’enfermer dans une vie trop étriquée. Nicolas n’est pourtant pas un personnage charismatique, malgré (à cause de ?) ses multiple qualités. Il en émane au contraire une certaine froideur, probablement imputable à son absence de défaut, qui le rend presque inhumain. Je lui ai (nettement) préféré les personnages secondaires, qu’il s’agisse de Marianne, la sage-femme compétente et cultivée, de François Delvaux, l’ami et mentor rêvant d’évasion, de Germain Ribes de Jouan, le chirurgien de guerre bon vivant, ou encore d’Azlan, le jeune et fougueux tzigane devenu élève attentif. Rosa est quant à elle assez agaçante, parfois à la limite de la mièvrerie, mais on la voit peu, et son dynamisme joue indéniablement en sa faveur. Signalons également la présence de quelques puissants au casting de ce roman, comme le tout jeune Duc de Lorraine, Léopold, dont Nicolas se fera un allié de poids. Il manque toutefois un vrai “méchant” à cette intrigue un peu plate, dont les protagonistes sont dans l’ensemble trop lisses, voire un peu simplistes. Un peu de noirceur aurait sans doute été profitable !
Le contexte historique, tu soigneras
La solidité de l’arrière-plan historique est l’autre grande force du roman, dont l’essentiel de l’intrigue se déroule dans le Duché de Lorraine, alors indépendant, mais occupé par les troupes françaises. Si l’on nous a maintes fois rabâché l’importance que celui-ci prendrait par la suite (Vous n’aurez pas l’Alsace etc…), force est de constater que l’histoire de cette enclave nous est totalement inconnue (à moins d’avoir sérieusement potassé le sujet). Le décor a le mérite d’être original, et Eric Marchal nous régale d’une foule d’informations pertinentes, habilement intégrées à l’intrigue. Le lecteur découvre ainsi enjeux politiques et intrigues de Cour, ainsi que divers aspects de la vie quotidienne à Nancy ou sur le front hongrois (le Régiment de Lorraine participant à la guerre contre l’Empire Ottoman). L’ensemble demeure cependant très fluide, et surtout jamais rébarbatif, les informations étant subtilement distillées à doses homéopathiques. Le romancier n’étale jamais son érudition, et utilise à bon escient ses connaissances, bâties à l’aide d’une solide documentation (comme en atteste la bibliographie présentée en fin d’ouvrage). Les puristes regretteront sans doute que l’écrivain prenne parfois quelques libertés avec les faits historiques, ce dont il s’explique d’ailleurs dans la postface. J’ai envie de dire : peu importe. Le roman est bien écrit, bien construit et se lit facilement, malgré les 900 pages. Une bien belle réussite !
Très bon roman historique (et en plus, on y apprend plein de choses).
——————————-
Dernier pavé d’août pour Bianca, nouveau pavé de l’été pour Brize, et nouvelle participation à mon challenge Le mélange des genres, catégorie “Roman historique”.
ah oui 900 pages quand même. Mais bon comment résister face à un bon roman historique… Mais j'ai une petite question : regorge-t-il de détails sanguinolents (au regard du thème) ?
Oh, c'est typiquement le genre de livre que j'adore ça !
Belle coïncidence, je suis en train de le lire, je n'en suis qu'à la 144ème page et j'aime beaucoup ! Mon exemplaire ne fait que 620 et quelques pages, en broché emprunté à la bibliothèque. Je posterai ma chronique dans le cadre du Pavé de l'été…
J'ai tout de même été déçu par ce titre un peu trop prometteur.
C'est un roman que j'ai noté depuis sa parution et je ne désespère pas de le lire mais j'ai plein d'autres pavés qui m'attendent déjà !
Est ce qu'il y a des détails gores ? non parce que la chirurgie sur un champ de bataille, ce doit être bien sanglant. Sinon , c'est drôle parce que là je travaille sur les chirurgiens aux 17è siècle et je m'aperçois que certains ne faisaient pas médecine, j'ai beaucoup de chirurgien-barbiers dont on sens quand même la limite des compétences…peut être que je me laisserais tenter un jour par ton pavé, ceci dit s'il manque de noirceur, ce n'est pas jamais bon pour un roman historique…
Je rejoins bien sûr ton enthousiasme : ce roman est un must en matière de roman historique.
Ah ! Mais que de louanges ! Je crois que, si j'ai envie d'un roman historique, je n'aurai pas à me poser la question du choix !
Je l'ai noté depuis longtemps après avoir entendu un libraire en parler avec passion. Ben reste plus que. J'ai beaucoup aimé les piliers de la terre, qui m'ont permis de découvrir Follett.