Le médaillon de Budapest – Ayelet Waldman

Titre original : Love and Treasure
Traduction (américain) : Daphné Bernard
Robert Laffont, 2014, 456 pages

 

La première phrase :
Jack Wiseman, immergé comme toujours dans son livre, ne s’aperçut de l’arrivée du car qu’en constatant l’agitation des gens dans la salle d’attente surchauffée de la gare routière.

 

L’histoire :
(résumé de l’éditeur)
En 1945, Jack Wiseman, lieutenant américain basé à Salzbourg, est chargé de garder le « train de l’or hongrois », rempli de biens volés aux Juifs. Avant d’être démobilisé, il dérobe un médaillon en forme de paon, en souvenir d’une femme qu’il a rencontrée là et dont il est tombé amoureux. Soixante ans plus tard, voulant faire la paix avec sa conscience, il confie une mission à sa petite-fille, Natalie : retrouver la propriétaire du bijou.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Une superbe couverture art-déco… La promesse d’une intrigue dense et profondément romanesque, à cheval sur trois époques et trois continents… Une irrésistible invitation au voyage, à travers l’évocation de la capitale hongroise… Vous l’aurez compris, j’étais pleine d’espoir au moment d’entamer la lecture du dernier roman d’Ayelet Waldman (jamais entendu ce nom là), découvert par l’intermédiaire des éditions Robert Laffont.

 

Je serais tentée de considérer cet ouvrage avec une certaine indulgence, tant celui-ci regorge d’idées originales. L’approche de l’auteur est intéressante, et le fait que la plus grande partie de l’histoire se déroule en terre magyare n’est pas pour me déplaire : j’adore Budapest, et j’ai apprécié de retrouver dans le roman une ambiance et des lieux familiers, tout en suivant le parcours du fameux médaillon émaillé, égaré parmi les dizaines de milliers d’objets volés aux Juifs hongrois déportés pendant la guerre. Ce bijou sert de fil conducteur au récit : ramené aux Etats-Unis en 1946 par un lieutenant américain épris de littérature classique, qui regrettera toute sa vie son menu larcin, le médaillon échoue finalement entre les mains de Natalie, qui tente de retrouver les descendants de la propriétaire supposée dudit médaillon. Son enquête la conduit (et le lecteur avec) sur les traces d’une jeune suffragette austro-hongroise du début du siècle. La petite histoire se mêle à la grande, la romancière choisissant de focaliser son récit sur les destins croisés de quelques personnages, ce qui lui permet d’aborder des thèmes aussi divers que le sort peu enviable des rescapés des camps de concentration après 1945, l’évacuation clandestine des réfugiés Juifs en Palestine, le trafic d’oeuvres d’art ou encore l’homosexualité au début du XXème siècle, le tout pimenté d’un soupçon de politique et de religion. On y croise un psychologue compatissant d’inspiration freudienne, une famille de nains et une flopée d’historiens de la Shoah, au milieu d’autres personnages hauts en couleurs, tous de confession israélite, bien qu’issus de milieux variés. J’ai apprécié ce côté foisonnant, et j’ai également été séduite par la sobriété dépourvue de pathos que l’auteur parvient à maintenir d’un bout à l’autre du récit.Voilà pour les points positifs. Passons maintenant aux choses qui fâchent !
 
Ayelet Waldman signe un roman ambitieux et bien documenté, qui possède toutefois les défauts de ses qualités, et ne tient pas ses promesses. La construction en trois parties augmentées d’un prologue et d’un épilogue m’a semblé bancale, et finalement peu appropriée. L’ensemble manque de cohésion, et les enjeux dramatiques sont dilués au coeur d’une intrigue plate et décousue, qui donne souvent l’impression de sauter du coq à l’âne. Je n’ai pas été touchée par cette histoire, dont le fil conducteur me paraît quelque peu tiré par les cheveux, comme si la romancière avait eu besoin d’un prétexte pour caser toutes les idées mal exploitées qui lui passaient par la tête. Le médaillon de Budapest souffre selon moi d’un excès de zèle de la part de l’auteur, qui échoue par ailleurs à donner vie à des personnages dans l’ensemble bien peu attachants, en dehors de Nina et de son amie naine Gizella, suffragettes en quête d’émancipation dans le Budapest d’avant la Grande Guerre. Cette troisième et dernière partie est d’ailleurs celle qui m’a le plus intéressée, notamment pour son regard plein d’ironie sur la condition féminine de l’époque. La partie contemporaine du roman ne m’a en revanche guère emballée, et je n’ai été convaincue ni par l’idylle naissante entre Natalie et le marchand d’art Amitai, ni par le déroulement de leur enquête soporifique sur les origines du fameux médaillon en forme de paon.

 

La quatrième de couverture annonce un roman “bouleversant”, “un puissant roman d’amour”, “un thriller (???) sur le trafic d’oeuvres d’art”. WTF ???? Je n’ai pas dû lire le même livre ! Le médaillon de Budapest me semble au contraire être un roman au rythme ronronnant, plutôt honnête au demeurant, mais manquant fondamentalement de souffle et d’émotion. C’est dommage, car l’idée de départ était prometteuse !
 
Un roman terne et mal dosé, qui fourmille pourtant de bonnes idées mal exploitées.
 
Roman chroniqué dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Robert Laffont.
 
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Nouvelle participation au challenge Petit Bac d’Enna, catégorie Objet.
 

 
Pavé d’avril chez Bianca.