De profundis – Emmanuelle Pirotte

Le Cherche Midi, 2016, 286 pages
Livre reçu en service-presse.

 
La première phrase :

On tambourinait à la porte.
 
L’histoire :

(je vous colle le résumé de l’éditeur, que j’ai trouvé plutôt bien fichu)
Bruxelles, dans un avenir proche. Ebola III a plongé l’Europe dans le chaos : hôpitaux débordés, électricité rationnée, fanatismes exacerbés. Roxanne survit grâce au trafic de médicaments et pense à suivre le mouvement général : s’ôter joyeusement la vie. Mais son ex-mari succombe au virus, lui laissant Stella, une fillette étrange dont elle ne s’est jamais occupée. Quand une bande de pillards assassine sa voisine, Roxanne part pour un hameau oublié, où l’attend une ancienne maison de famille. La mère et la fille pourront-elles s’adapter à ce mode de vie ancestral et à cette existence de recluses ?

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Au delà de l’intrigue, c’est surtout l’identité de l’auteur qui m’a poussée à m’intéresser à cet ouvrage. Je connaissais Emmanuelle Pirotte de nom, puisque je lorgnais depuis plusieurs mois sur son premier roman, Today we live, dont j’avais beaucoup entendu parler l’an dernier. Le fait qu’il s’agisse d’une romancière d’origine belge a également joué en sa faveur (je suis toujours ravie de découvrir de bons écrivains issus du pays de mes ancêtres). Et puis bon, pour être honnête, je ne crache pas non plus sur une bonne dystopie de temps en temps.J’ai donc attaqué De profundis sans attente autre que celle de passer un bon moment. On découvre dans un premier temps un monde apocalyptique réaliste, dans lequel la plupart des hommes se contentent de vivoter en attendant la mort. Bruxelles est ravagée par le virus Ebola, comme toutes les autres capitales d’Europe, et des groupes de fanatiques religieux sillonnent les rues de la ville pour y imposer leur loi. C’est dans cette métropole désolée que vit Roxanne, héroïne dépressive et débrouillarde, qui survit en dealant du Xynon, un somnifère hallucinogène très recherché en ces temps troublés. L’arrivée impromptue de sa fille de huit ans, élevée par son ex-mari désormais décédé, marque une rupture dans la vie de Roxanne, qui se décide à fuir le chaos urbain pour se réfugier à la campagne. Le village dans lequel elle atterrit, s’il n’est pas totalement épargné par le fléau, semble toutefois à l’abri de certaines dérives, et ses habitants sont dans l’ensemble mieux lotis que ceux des grandes villes.
 
Un hameau coupé du monde, une nouvelle vie en autarcie, une relation fusionnelle avec la nature, dont les ressources se révèlent essentielles à la survie… J’ai souvent pensé au Mur invisible pendant ma lecture, et il semblerait que ce soit également le cas d’Emmanuelle Pirotte, puisqu’il est explicitement fait référence au roman de Marlen Haushofer dans la dernière partie de l’ouvrage. Et un bon point de plus pour l’auteur ! Le récit possède un ancrage local, puisque l’intrigue se déroule dans des lieux facilement identifiables, pour qui connaît un minimum Bruxelles et la Wallonie. On peut même y lire quelques phrases en wallon.
 

On croit d’abord s’acheminer vers un scénario classique de dystopie “pandémique”, mais la romancière a plus d’un tour dans son sac, et l’évolution ultérieure du récit se révèle très surprenante. Emmanuelle Pirotte joue la carte du mélange des genres : tour à tour roman d’anticipation, conte fantastique ou subtile histoire d’amour, De profundis a parfois tendance à s’éparpiller, au risque de déstabiliser le lecteur. C’est aussi ce qui fait sa force, car on ne sait jamais à quoi s’attendre ! L’auteur ne cède pas à la facilité, et imagine de fréquentes et soudaines bifurcations dans le déroulement de son intrigue. Les rebondissement sont nombreux, mais ne s’opèrent pas aux dépens de la cohérence narrative, et le côté légèrement fourre-tout du récit devient finalement un atout, de mon point de vue du moins.

 

Un mot sur les personnages pour finir. L’héroïne m’a beaucoup plu, probablement en raison de ses nombreuses imperfections. Je l’ai trouvée suffisamment atypique et contrastée pour être crédible, à l’image des autres protagonistes. Dommage que la relation entre Roxanne et Stella, brièvement évoquée avec pudeur et délicatesse, ne soit pas davantage développée.

 

Pour résumer : De profundis est un roman qui a du charme, sans doute pas inoubliable, mais néanmoins terriblement original et personnel. J’ai douté, j’ai longtemps cru que je resterais sur une impression mitigée, mais je me suis finalement laissé prendre au plaisir de la découverte. L’écriture soignée et la créativité d’Emmanuelle Pirotte font le sel de ce récit audacieux et maîtrisé, qui confirme mon envie de lire Today we live (lequel présente en plus l’avantage de se dérouler pendant la seconde Guerre Mondiale).

 

Un roman surprenant, à la croisée de plusieurs genres littéraires. 

 

5 thoughts on “De profundis – Emmanuelle Pirotte

  1. J'étais tentée par le premier (Today we live) car il se passe pendant la Seconde Guerre Mondiale (c'est original ^^) mais je n'ai pas encore eu le temps de le lire – celui-ci m'attirait moins car je ne suis pas fan de science-fiction… Je vais d'abord mettre la main sur le premier, on verra ensuite pour le second !

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