À sang perdu – Rae DelBianco

Titre original : Rough animals
Traduction (américain) : Théophile Sersiron
Seuil, 2019, 336 pages

(Livre lu dans le cadre du Prix du Roman FNAC 2019)


La première phrase :

L’aube n’était pas levée quand Smith passa la porte, deux bonnes heures encore avant que les rayons du soleil soient assez hauts pour s’étirer sur les cimes de la falaise au loin.


Le résumé de l’éditeur :

Depuis la mort de leur père, Wyatt et Lucy vivent isolés sur le ranch familial de Box Elder, Utah. Jusqu’au matin où leur troupeau de bétail est décimé par une gamine sauvage au regard fiévreux, un semi-automatique dans une main, un fusil de chasse dans l’autre. Rendu fou par la perspective de perdre la terre de ses ancêtres, Wyatt s’engage dans une course-poursuite effrénée : douze jours à parcourir sans relâche un monde cauchemardesque, peuplé de motards junkies, de cartels de drogue sanguinaires et de coyotes affamés, au risque de s’éloigner à jamais de la seule personne qu’il ait jamais aimée.


L’opinion de Miss Léo :


Une excellente surprise ! Je n’étais pourtant guère enthousiaste au début de ma lecture, mais j’ai fini par me laisser happer par l’univers original proposé par cette jeune romancière au talent prometteur. J’ai trouvé ce roman très fort, et je l’ai lu d’une traite. Les westerns tarantinesques sont à la mode en littérature américaine, mais Rae DelBianco parvient à apporter sa touche personnelle à un genre souvent trop balisé. J’ai aimé son écriture très imagée, non dépourvue de sensibilité, tout comme j’ai apprécié le fait qu’elle prenne le temps de construire des personnages attachants et solidement incarnés.

 

Pourvu de belles descriptions, À sang perdu est un roman initiatique grandiose, qui nous transporte au coeur des paysages arides et somptueux de l’Ouest américain, dans un environnement hostile où chacun doit lutter pour préserver ce qui lui est cher (à savoir sa terre, son bétail, ses proches, ou tout simplement son intégrité physique). Il règne une ambiance post-apocalyptique dans cette Amérique miséreuse, où les cartels de drogue se livrent une lutte sans merci. Prêt à tout pour sauvegarder le cadre de vie de sa soeur jumelle, Wyatt se lance dans un long et sanglant périple, à la poursuite d’une jeune adolescente impitoyable. Leurs aventures sont captivantes, poisseuses à souhait, et portées par un indéniable souffle romanesque.

 

Attention tout de même : ce premier roman sombre et violent n’est pas exempt de défauts. Pour être honnête, j’ai trouvé le premier quart du livre un peu confus, et il m’a fallu du temps pour rentrer dans l’histoire (un démarrage hésitant heureusement compensé par la suite du roman). De façon générale, on peut regretter des effets de style parfois trop appuyés, à la limite du grotesque, et quelques développements peu crédibles (*) ; Rae DelBianco a peut-être voulu trop en faire… Soyons magnanimes, et pardonnons-lui de bonne grâce ces quelques maladresses, sans doute imputables à son manque d’expérience (je me suis également demandé si certaines lourdeurs ne pouvaient pas être attribuées à la traduction). Pour finir, les révélations autour de la mort du père sont cousues de fil blanc, et ne constituent pas vraiment une surprise, mais il n’en demeure pas moins intéressant de découvrir par quel cheminement Wyatt finira par découvrir le pot aux roses.

 

Pour résumer : un premier roman honorable et bien maîtrisé, qui ne révolutionnera pas le genre, mais qui se lit néanmoins avec plaisir. À sang perdu n’a pas franchi le cap des sélections du prix FNAC, et a été éliminé de la sélection de septembre du prix Elle, au profit de Jo Nesbo. C’est bien dommage, car l’univers de l’auteur mérite d’être découvert. Je ne sais pas ce qu’il m’en restera dans quelques mois, mais je ne m’attendais pas à passer un aussi bon moment !

 

(*) P.S. Je réfléchis à ce que j’ai écrit plus haut, et je me dis que les invraisemblances et les excès sont également présents dans le cinéma de Tarantino, pour poursuivre la comparaison. On peut y voir une forme d’arnaque et se sentir floué, mais on peut également crier au génie. À vous de voir !

 




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