Titre original : The Story of Chicago MayTraduction : Vitalie Lemerre
10/18, 2005, 393 pages
Les premières phrases :
J’étais dans l’ouest de l’Irlande lorsque j’entendis parler d’une irlandaise qui s’était enfuie de chez elle vers la fin du XIXème siècle et était devenue une criminelle célèbre en Amérique sous le nom de “Chicago May”.
L’histoire :
1890, Irlande – May Duignan a dix-neuf ans lorsqu’elle fuit son village natal d’Edenmore, abandonnant ses trois jeunes frères ainsi que sa mère sur le point d’accoucher d’un cinquième enfant. Intrépide et séduisante, May émigre aux Etats-Unis, espérant ainsi échapper aux contraintes et à la pauvreté d’une existence sans avenir dans la ferme familiale. Premier larcin : elle vole les économies de ses parents, et s’offre une luxueuse traversée en première classe, à bord d’un transatlantique où s’entassent des centaines d’autres émigrants. La jeune femme est absolument seule à son arrivée à New York. Commence alors pour May une vie de crime et de débauche (il faut bien gagner sa vie), qui la mènera du Nebraska à Chicago et Détroit, en passant par New-York, Londres et Paris. Nuala O’Faolain tente de reconstituer l’existence tragique de celle que l’on appelle désormais Chicago May, tour à tour voleuse et prostituée, maintes fois incarcérée, souvent trahie par les hommes de sa vie, et cependant éternellement amoureuse et optimiste.
L’opinion de Miss Léo :
Critique mitigée pour un livre qui s’annonçait pourtant très prometteur. J’ai aimé, mais je ne suis pas aussi enthousiaste que prévu.
L’histoire de Chicago May est une oeuvre étrange. Présenté comme une biographie romancée, le récit ne possède en réalité aucun souffle romanesque, et le personnage de Chicago May est bien peu attachant. Ce “roman” ressemble plus à l’oeuvre d’un journaliste qu’à celle d’un écrivain de fiction. Cela n’est pas gênant en soi, mais mieux vaut être prévenu. L’auteur nous livre des faits bruts, et, si elle est souvent amenée à combler les vides de l’existence de May, ne cherche jamais à enjoliver la réalité, ni à rendre son héroïne plus complexe qu’elle ne l’était dans la vraie vie. Il semble difficile de ressentir la moindre empathie envers cette femme, au destin pourtant riche en péripéties, mais dont la retranscription est finalement assez terne. C’est selon moi l’un des principaux points faibles du livre.J’ai également été gênée par de
trop fréquentes interventions de l’auteur dans le récit.
Nuala O’Faolain passe son temps à expliquer pourquoi elle se sent des affinités avec Chicago May, évoque son propre frère Dermot, ainsi que sa vie en Irlande. Cela donne lieu à de multiples digressions superflues, qui n’apportent rien à l’histoire. Qui plus est, la répétition trop fréquente de formules telles que “supposons”, “imaginons un instant” ou “je l’imagine en train de” devient vite fatigante, pour ne pas dire agaçante. On se doute bien que tout n’est pas rigoureusement exact ni avéré, et que l’auteur a dû broder un peu pour aboutir à un récit convaincant. Il n’était pas nécessaire de nous prévenir systématiquement. Je comprends la démarche de
Nuala O’Faolain, mais peut-être eût-elle davantage rendu justice à la pauvre May en écrivant un vrai roman, et en s’effaçant davantage derrière son personnage. Cela n’est bien sûr qu’une opinion personnelle, et j’imagine que d’autres lecteurs ne partageront pas mon point de vue.
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Chicago May
(Archives de Police de Detroit) |
Malgré ces quelques désagréments, j’ai tout de même pris beaucoup de plaisir à la lecture de cet ouvrage, qui ne m’a pas ennuyée, et auquel j’ai trouvé un indéniable intérêt historique. La vie mouvementée de May permet à l’auteur d’évoquer ses thèmes de prédilection : la condition féminine dans les classes sociales les plus défavorisées, mais aussi l’histoire de l’Irlande (à travers les mouvements indépendantistes de 1914), ainsi que l’évolution d’une société en pleine mutation, au cours d’une longue période s’étendant de 1890 à 1929.
Nuala O’Faolain offre une vision peu glamour des hors-la-loi et des prostituées, à mille années-lumière des clichés souvent véhiculés par le cinéma ou la littérature. La pauvreté, la faim et le manque d’hygiène conduisent inévitablement à la maladie, souvent suivie d’une mort misérable et solitaire. On est troublé par le fait que May se prostituait encore à plus de cinquante ans, obligée de vendre son corps pour survivre. Son incarcération à la prison pour femmes d’Aylesbury et celle de son compagnon Eddie Guerin au bagne de l’île du Diable (où fut enfermé le tristement célèbre capitaine Dreyfus) donnent un aperçu de ce qu’étaient les (terribles) conditions de détention des condamnés, dont beaucoup mouraient avant d’avoir purgé leur peine.
L’auteur a pu bénéficier de différentes sources pour bâtir son récit : rapports de police, archives diverses (il est d’ailleurs impressionnant de voir tout ce que l’on peut y trouver), autobiographies de May et Eddie… On la sent passionnée par son sujet, et l’on devine la difficulté et la méticulosité du (très beau) travail de documentation effectué pour les besoins du livre.
C’était mon premier Nuala O’Faolain. Je ne suis pas entièrement convaincue, mais je tenterai tout de même Chimères et Best Love Rosie, dont j’ai entendu le plus grand bien.Un livre intéressant, malgré certaines interventions peu pertinentes de l’auteur et un personnage principal peu attachant.
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Vu ce que tu écris, je pense que ca fera un bon emprunt à la bibliothèque, parce que moi aussi je pensais que c'était un roman classique et je risque de ne pas apprécier non plus les digressions de l'auteur sur sa vie !
Lis le quand même si tu en as l'occasion. Ce n'est pas inintéressant, mais il ne faut effectivement pas s'attendre à une grande fresque bouleversante !
L'histoire me tentait bien mais ton avis mitigé me refroidit ! Je pense que je vais découvrir Nuala O'Faolain avec un autre livre.
L'histoire reste intéressante, mais le récit manque un peu d'ampleur et d'émotion. A mon humble avis.
j'avais lu Best love Rosie, que j'avais bien aimé, sans être totalement transportée. Celui-ci ne me tente ps plus que cela.
Je pense que je continuerai ma découverte de l'auteur avec Chimères, sur lequel j'ai lu plusieurs avis positifs.
Malgré tous les défauts que tu évoques, il me tente bien à cause d ela peinture de son siècle… J'avais commencé "On s'est déjà vu quelque part ?", une autobio que j'avais abandonné non par manque d'intérêt mais parce que je devais le rendre à la biblio et je pense que je commencerai bien par celui-là.
Comme je l'ai dit, les thèmes abordés sont tout de même intéressants, et j'ai malgré tout passé un bon moment. Tu peux donc te laisser tenter.
Je crois que je vais privilégier l'emprunt à la bibliothèque comme Shelbylee (si je le trouve du moins…), parce que les interventions de l'auteure risquent de m'agacer aussi. Malgré tout, ce que tu dis ensuite, notamment sur la condition des femmes ou sur celle des voleurs, m'intéresse énormément.
Les thèmes abordés sont intéressants. N'hésite pas à le prendre si tu le trouves à la bibli (tu pourras ainsi te faire ta propre opinion) !
Il est fort possible que l'auteure soit d'abord plus investigatrice que romancière. Cela arrive souvent chez les auteurs contemporains.
C'est probable. Ce n'est d'ailleurs pas un problème à mes yeux, tant que l'auteur ne se met pas trop en avant.
J'ai abandonné le seul livre de l'auteure que j'avais. Pas sûre que je la lise à nouveau.
Les avis sur Nuala O'Faolain semblent très partagés ! Certains adorent, mais tu n'es pas la première à avoir abandonné en cours de route. Je dois me situer quelque art entre les deux.
Ah, dommage… pourtant, l'idée de départ me plaît bien. Bon, je n'écarte pas totalement mais pas une priorité non plus.
Tu peux tenter s'il te fait envie ! Ce n'est pas non plus un navet.
Ta critique est en gros la façon dont ce livre m'a parlé, en demi teinte, mais j'ai finalement bien aimé. Mais je ne suis pas gênée par un style sec ou journalistique pour une biographie ; au contraire je n'aime pas les bio trop romancées.
Mais ce n'est pas mon livre préféré de cet auteur. J'ai cent fois préféré Chimères. Vu que tu n'es pas complètement dégoutée je pense que tu devrais tenter un autre livre de O Faolain.
Le style journalistique ne me gêne pas forcément non plus à priori, à condition tant que l'auteur reste discret (ce qui n'est malheureusement pas le cas ici).
Je pense lire Chimères très prochainement !