Femmes et Fantômes – Alison Lurie

Titre original : Women and Ghosts
Traductrice : Céline Schwaller
Rivages, 1994, 229 pages

 

Titre des neuf nouvelles composant le recueil :
(avec en prime les petits coeurs pour celles que j’ai préférées)

– La maison d’Ilse ♥
– Les gens de la piscine
– La commode
– En comptant les moutons
– Dans l’ombre
– En attendant bébé
– Les gros ♥
– Un autre Halloween ♥
– Le poète double ♥

 

L(es) histoire(s) :
Neuf femmes voient la sérénité de leur quotidien perturbée par d’étrange apparitions, et doivent affronter leurs propres démons.

 

Morceau choisi :
C’était un matin d’hiver humide et sombre, et une pluie à moitié gelée striait les vitres de la cuisine comme de la colle transparente. En entrant dans la pièce, j’ai d’abord aperçu quelque chose ressemblant à des jambes et à des pieds, avec des collants gris et des ballerines noires éculées, dépasser entre le réfrigérateur et le mur. J’ai voulu crier, mais rien n’en est sorti à part une sorte de gargouillis. Ensuite, j’ai fait un pas en avant et j’ai vu une femme pâle vêtue d’une robe noire recroquevillée dans le trou. (page 16)

 

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Ce recueil de nouvelles marque mes retrouvailles avec l’un des auteurs phares de ma folle jeunesse. Alison Lurie, dont j’ai lu tous les romans à la fin de mon adolescence, est la créatrice de délicieuses comédies de moeurs mâtinées de critique sociale, se déroulant la plupart du temps dans des milieux universitaires plutôt aisés (mais pas seulement). J’ai toujours apprécié la fluidité de son style, ainsi que la justesse dont elle fait preuve lorsqu’il s’agit d’observer et de retranscrire les comportements humains, en particulier dans le domaine des relations amoureuses.

 

On retrouve cet aspect satirique dans Femmes et Fantômes, qui explore les doutes et les angoisses d’une galerie de personnages confrontés à l’inexplicable, condamnés à reprendre leur vie en main pour se débarrasser de ces encombrants intrus paranormaux. Ellie cherche à perdre du poids en surveillant son alimentation, et se retrouve face à une horde d’obèses tentateurs. Marguerite expie une erreur de jeunesse aux lourdes conséquences. La belle-mère de Clary Graber est durement punie pour avoir méprisé les ouvriers chargés de l’entretien de sa piscine. Celia Zimmern est hantée par le fantôme de son ancien amant, tandis que Dinah Kieran trouve dans sa cuisine le double spectral de l’ex-compagne de son futur époux, laquelle semble vouloir la mettre en garde…

 

“Ce qui rendait les choses plus difficiles encore, c’était les gros. J’en voyais partout, mais à présent, ils n’avaient plus l’air heureux ou amicaux. “Tu fais une grosse erreur, Ellie”, semblaient-ils me dire. Puis ils devinrent  hargneux et méprisants. “Bien sûr qu’il t’a écrit, idiote”, lisais-je sur leurs visages. Ca ne prouve pas qu’il n’est pas en train de se farcir une petite poulette indienne.” (page 172)

 

Le doute s’insinue progressivement dans la tête du lecteur : les fantômes sont-ils bien réels, ou ne sont-ils que des créations mentales reflétant les préoccupations intimes de ces femmes, dont certaines semblent parfois osciller dangereusement entre la raison et la folie ? Alison Lurie n’apporte jamais de réponse à cette question fort intéressante, laissant chacun donner sa propre interprétation. Les personnages féminins sont quant à eux bien développés, et l’on prend beaucoup de plaisir à suivre le déroulement de leurs pensées.

 

Comme souvent dans ce genre de recueil, les nouvelles sont assez inégales, et toutes ne possèdent pas le même pouvoir de séduction. Certaines sont tout à fait surprenantes, voire jubilatoires, quand d’autres semblent plus artificielles, et peinent à retenir l’intérêt du lecteur (du moins en ce qui me concerne). Ce n’est peut-être pas l’ouvrage que je conseillerais de lire en priorité pour découvrir l’univers d’Alison Lurie, laquelle a publié des romans bien plus aboutis. J’ai néanmoins apprécié cette lecture fort distrayante, toute à ma joie de retrouver la plume alerte et subtile de l’auteur de La Ville de Nulle Part (qui reste à ce jour l’un de mes romans préférés).

 

Un recueil de nouvelles intéressant et original, qui mêle la satire sociale à un petit soupçon de fantastique.

 

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Nouvelle contribution au Challenge Halloween des demoiselles Lou et Hilde, qui n’en finit pas de nous faire frémir de plaisir !

 

13 thoughts on “Femmes et Fantômes – Alison Lurie

  1. J'avoue que je suis tentée, j'aime beaucoup les nouvelles un peu angoissantes. Je ne connais pas cet auteur mais je note pour plus tard. 🙂

    1. J'ai lu les romans d'Alison Lurie vers 17-18 ans. Quant à ce recueil de nouvelles, c'était le seul ouvrage de l'auteur que je n'avais pas lu, et je viens donc tout juste de le découvrir.

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