Le Roi Transparent – Rosa Montero

 

Titre original : Historia del Rey Transparente
Traduction de l’espagnol : Myriam Chirousse (2008)
Points, Editions Métailié, 2005, 563 pages

 

Les premières phrases :
Je suis femme et j’écris. Je suis plébéienne et je sais lire. J’ai vu dans ma vie des choses merveilleuses. J’ai fait dans ma vie des choses merveilleuses. Pendant un temps, le monde fut un miracle. Puis l’obscurité est revenue.

 

L’histoire :
Leola a quinze ans, et mène sereinement sa vie de jeune paysanne serve en compagnie de son père et de son frère Antoine, sur les terres du seigneur d’Aubenac. Pour échapper à la violence d’une armée d’hommes de fer en déroute, elle revêt l’armure d’un chevalier décédé. Commence alors une vie d’errance, aux côtés de l’énigmatique Nynève, rencontrée au hasard d’une halte en forêt. Léola apprend à manier les armes, et participe avec succès à son premier tournoi. La voici désormais pourvue d’un fier destrier ! Déguisées en hommes, les deux femmes parviennent au château de Dhuoda, étrange duchesse lunatique, qui deviendra très proche de Léola, et lui apprendra à se comporter comme une dame. En sa compagnie, elle découvriront la vie à la Cour d’Alienor d’Aquitaine, avant qu’un événement regrettable ne les pousse à reprendre la route. Elle connaîtront alors une vie d’aventures et de souffrance, qui les mènera aux quatre coins du Royaume de France, perturbé par d’incessantes guerres de pouvoir et de religion.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Le Roi Transparent est un très beau roman, d’une intelligence et d’une vivacité réjouissantes, comme on aimerait en lire plus souvent ! Porté par une superbe héroïne atypique, le récit nous plonge au coeur d’un XIIème siècle contrasté, tour à tour violent et somptueusement raffiné. Il ne s’agit cependant pas d’un ouvrage documentaire, l’auteur prenant quelques libertés avec la chronologie pour nous livrer un concentré de presque deux siècles d’histoire médiévale. Elle s’en explique d’ailleurs dans une courte postface, et je trouve ses arguments tout à fait respectables. Cela ne m’a pas gênée outre mesure, mais il faut dire que mes connaissances sont assez limitées…

 

Le texte de Rosa Montero est avant tout extraordinairement romanesque. Le périple de Léola prend la forme d’une fresque épique et intimiste, rédigée à la première personne, qui passionne le lecteur dès les toutes premières pages. Les nombreuses péripéties permettent une immersion rapide dans un monde poussiéreux et tourmenté, dont les contours et les enjeux se dessinent progressivement. Obligée de lutter pour sa survie, la jeune femme apprend à se battre auprès d’un vieux guerrier solitaire. En bonne escrimeuse, j’ai beaucoup aimé ces quelques scènes d’initiation au combat, qui contribuent par ailleurs à établir le caractère du personnage principal. La route de Léola sera par la suite semée d’embûches et d’ennemis divers, qui justifient à eux seuls la lecture du roman.

 

Mais ce n’est pas tout. A ces aventures palpitantes vient en effet se greffer une réflexion philosophique sur l’amour, la tolérance et le progrès. Le lecteur découvre avec Léola le déroulement des tournois de chevalerie (qui me fascinaient lorsque j’étais enfant), la servitude paysanne, la vie de la noblesse, mais aussi la naissance de nouveaux conflits religieux, les catholiques voyant d’un (très) mauvais oeil l’émergence du mouvement cathare. Le Roi Transparent évoque les progrès réalisés dans le domaine de la philosophie et des arts, qu’accompagnent un semblant de démocratisation de la culture et une valorisation de la place de la femme dans la société. Le roman se déroule pour l’essentiel en pays occitan, terre des Cathares et de la reine Alienor, dont la Cour faisait figure d’exception en matière de raffinement et d’ouverture culturelle. C’est là que naissent la fin’amor et les débats d’idées, là aussi qu’émerge l’espoir, notamment en matière de tolérance. Hélas, ce fameux XIIème siècle sera aussi celui de la violence et de la régression : c’est le temps des Croisades, mais aussi de l’Inquisition, et nul n’est en sécurité. Difficile dans ces conditions de mener une vie sereine et épanouie. Le progrès attendra !

 

Au centre du roman se trouvent deux femmes modernes et attachantes, qui illuminent le chaos dont elles sont témoin. On fond pour cette formidable Miss Léo, paysanne devenue guerrière, plus courageuse que bien des hommes de son temps, mais qui n’en demeure pas moins femme, en dépit des blessures physiques et morales endurées au fil des ans. Son évolution est en tout point remarquable, et l’on se prend vite d’affection pour cette adolescente naïve et un peu fruste qui se métamorphose avec l’expérience en femme forte et réfléchie. Sa compagne de voyage n’est pas en reste : Nynève est une femme cultivée, lettrée, qui prétend avoir connu Arthur et Merlin, et dont l’intelligence et les connaissances médicales forcent l’admiration.

 
Autour de ces deux femmes de caractère gravite une belle galerie de personnages : alchimiste, forgeron, religieuses, maître d’armes, chevaliers, mais aussi quelques figures connues, comme Aliénor d’Aquitaine, Chrétien de Troyes, Richard Coeur de Lion, ou encore Héloïse et Abélard… Tout ce petit monde contribue à donner du corps et de la substance à un roman par ailleurs très riche et extrêmement bien construit, qui tient jusqu’au bout ses promesses. La fin (captivante) est d’ailleurs parfaitement réussie.
 

Je remercie Ys, dont le billet m’a convaincue de la nécessité de lire ce roman au plus vite. J’ai hâte de découvrir les autres textes de l’auteur, qui semblent tout aussi prometteurs !

 

Un roman historique foisonnant et original. Enorme coup de coeur !

 

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Voici ma onzième participation aux 12 d’Ys, catégorie “Auteurs espagnols” ! Et une nouvelle contribution au Challenge voisins, voisines d’Anne.
 
J’en profite également pour remplir la case “Métier/Fonction” du Challenge Petit Bac d’Enna.

 

 

 

25 thoughts on “Le Roi Transparent – Rosa Montero

  1. Je ne connais pas l'auteur mais ton commentaire et la jolie couverture me donnent envie de la découvrir, surtout que j'aime beaucoup les romans historiques (et le moyen âge est mon époque préférée – enfin, après le XIXème siècle évidemment !)

    1. Je pense qu'il devrait te plaire (du moins, je l'espère). J'aime de plus en plus le Moyen Age, dont ma connaissance s'est trop longtemps limitée aux seuls Piliers de la Terre et aux Frère Cadfael d'Ellis Peters !

  2. Je ne vais pas être originale : ton avis m'a convaincue, je note ce titre ! En sachant que nous avons été assez d'accord jusque là dans nos lectures en commun, ça me donne un très bon a priori pour ce roman.

  3. je ne comprends pas la fin de l'histoire du roi transparent…la réponse à l'énigme est interrompue et il semble que toute la fin de l'histoire est absente…c'est très frustrant de feuilleter les dernières pages …blanches….

    1. Je suis désolée, je viens de m'apercevoir que j'avais oublié de répondre à votre commentaire, reçu pendant les vacances de Noël ! Je comprends votre frustration. Ces dernières pages blanches sont effectivement assez déroutantes.

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