Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage – L.C.Tyler

Titre original : The Herring Seller’s Apprentice
Traduction (2012) : Julie Sibony
Editions Sonatine, 2007, 229 pages

 
La première phrase : 

Post-scriptum
 
Vous vous en serez sans doute aperçu par vous-même : juste au moment où vous pensez avoir commis le crime parfait, les événements prennent fort injustement une fâcheuse tournure.

 

L’histoire :
(je suis très en retard dans la rédaction de mes billets, aussi vais-je céder à la facilité, en recopiant le résumé de la quatrième de couverture, en l’occurrence plutôt bien fichu)
Ethelred Tressider écrit des romans policiers sous trois noms différents. Et, ces temps-ci, il a trois fois plus de problèmes que n’importe qui. Avec l’inspiration d’abord, qui commence à lui faire sérieusement défaut, avec son agent littéraire ensuite, l’encombrante Elsie, qui n’aime ni la littérature ni les écrivains, avec son ex-femme enfin, Géraldine, qui vient de disparaître mystérieusement. Lorsque le corps de celle-ci est retrouvé près de chez lui et que la police évoque la piste d’un tueur en série, l’infatigable Elsie pousse notre brave romancier à exploiter d’hypothétiques talents de détective pour résoudre cette étrange affaire qui, elle en est convaincue, saura lui rendre l’inspiration. Mais y a-t-il vraiment un tueur en série ? Et si oui, est-ce vraiment lui qui a tué Géraldine ?

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Les tentations sont nombreuses en ce mois anglais ! J’ai cette fois été attirée par l’éditeur (Sonatine, que l’on ne présente plus), ainsi que par le titre à rallonge, certes très différent du titre original, qui promettait un environnement loufoque et passablement déjanté.

 

Je n’ai pas été déçue. Voici un roman policier tout à fait rafraîchissant, qui joue habilement avec les codes et les clichés du genre pour mieux les détourner, et dont le principal atout est sans conteste son humour absurde et décalé, lequel se manifeste au travers de savoureuses réparties pince-sans-rire proférées avec un sens très anglais de l’autodérision. Certains passages sont tout bonnement hilarants, et l’auteur manie à merveille  cette arme typiquement britannique, à la manière d’un Douglas Adams ou d’un Monty Python. Cela donne un cocktail particulièrement jouissif, drôle et plein de charme, d’autant plus que l’intrigue policière tient la route.

 

“Mes parents ne devaient pas m’aimer non plus. Ils m’ont appelé Ethelred. Que mon père m’ait assuré avoir choisi ce nom d’après le roi Ethelred Ier (865-871) et non Ethelred le Malavisé (978-1016) était une bien maigre consolation pour un garçonnet de 7 ans que ses copains surnommaient tous “Ethel”.” (page 13)

 

Le lecteur est d’emblée pris à témoin par un narrateur impertinent, avec lequel s’installe un rapport de connivence. Ethelred est un personnage attachant, conscient de sa propre médiocrité, qui donne l’impression de subir passivement les aléas de sa vie d’écrivain raté et divorcé. Elsie Thirkettle, son agent, est un personnage truculent, dont les répliques valent leur pesant de cacahuètes. Elle prend parfois en charge la narration, adoptant alors le ton d’un privé à l’américaine, que Dashiell Hammett ou Raymond Chandler n’auraient pas renié. Son addiction ? Le chocolat ! Comment résister à cette petite femme replète et pleine de tact, dans la bouche de laquelle Geraldine devient tout simplement “la salope”?

 

Ce couple d’enquêteurs improbable tente de percer le mystère de la disparition de Geraldine, et l’intrigue multiplie les fausses pistes et les retournements de situation. Le suspense est bien réel, mais l’auteur se garde de tout effet spectaculaire, évitant ainsi les rebondissements invraisemblables. Il multiplie en revanche les clins d’oeil au lecteur, en réutilisant (et commentant) la plupart des ingrédients du roman policier traditionnel. Tout commence ainsi par un étonnant “Post-Scriptum”, évoquant un mystérieux coup de téléphone reçu en pleine nuit.

 

“La sonnerie du téléphone avait résonné de façon lugubre dans le silence de la nuit, réveillant ainsi votre Serviteur ainsi que la moitié du West Sussex.”

 

Ethelred sera par la suite interrogé par la police, ira identifier un corps à la morgue, et se retrouvera exécuteur testamentaire de son ex-épouse. Rien que de très classique ! Les changements de narrateur (et par conséquent de police de caractère, comme le veut la tradition) insufflent de l’énergie à un récit par ailleurs très dynamique, au style familier mais travaillé, qui plus est doublé d’une réflexion sur le métier d’écrivain et le processus de création.

 

L.C.Tyler réussit au final un premier roman séduisant et très agréable à lire, léger mais intelligent, qui ne se perd pas en digressions inutiles (il est assez court, ce qui est indéniablement une qualité). Ce n’est probablement pas le roman du siècle, mais j’ai beaucoup aimé l’ambiance, ainsi que l’humour omniprésent, qui m’a fait sourire à de nombreuses reprises. Il existe une suite à ce premier opus, parue en anglais sous le titre Ten Little Herrings, et qui devrait sortir prochainement en France (ce type a quand même le chic pour trouver des titres absurdes et originaux).

 

Un excellent divertissement, à l’humour très british. A découvrir.

 

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Nouvelle participation au Mois anglais.
 


 
Cette lecture compte également pour le challenge Voisins, voisines, organisé par Anne (pour l’Angleterre). 

 

25 thoughts on “Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage – L.C.Tyler

    1. Comme si tu ne nous tentais jamais !
      Celui-ci n'est pas indispensable, mais il est rigolo et assez court, donc il serait dommage de s'en priver.

  1. ça c'est du titre dis donc !! Il est à la médiathèque (je viens de vérifier) alors je l'emprunterais pour voir de quoi il en retourne, merci pour la découverte la miss 🙂

  2. Heureusement que je ne lis pas beaucoup de policiers sauf historiques, sinon ma PAL en aurait encore pris un coup 🙂

  3. Je me souviens d'avoir déjà vu passer ce titre mais ton billet me donne envie de le lire rapidement ! Drame existentiel le serveur de ma médiathèque est en panne, je ne peux vérifier si elle l'a. Au pire, il sort en poche en septembre. J'ai vu du coup le nom de la traduction du 2e qui sort en septembre aussi : Homicides multiples dans une auberge miteuse des bords de Loire. Si j'arrive à le récupérer, je pense qu'il ne passera pas la fin du mois !

  4. La référence aux Monty Python me ferait plutôt fuir mais Sonatine et ton billet me font penser que ce livre vaut au moins un petit coup d'oeil. Je me dis, pourquoi pas pour les vacances…

    1. Ca se lit vite, et on passe un agréable moment. J'ai parlé des Monty Pythons, mais la référence est peut-être un peu exagérée (le roman n'est pas aussi déjanté).

  5. De l'humour absurde et décalé avec un titre à rallonge par un écrivain anglais, ça me rappelle ce cher Tom Sharpe disparu il y a quelques jours. Du coup je note avec plaisir !

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